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joie, colère, frayeur, tristesse, etc., réalisent en dehors de la volonté du sujet des mouvements, des contractions, des attitudes complexes: le corps se met à l'unisson de l'idée conçue. Le facies de chacun prend souvent l'expression corrélative aux pensées qui l'agitent habituellement. Le prêtre, le médecin, l'acteur, l'artiste, le soldat portent leur profession inscrite sur leur figure et dans leur attitude. De même les passions habituelles de l'àme se reflètent sur le miroir du visage. La physionomie de chacun a son expression joviale, sérieuse, austère, concentrée. L'esprit a comme moulé la matière à son image : l'idée s'est matérialisée.

Donc, je le répète, toute idée est une suggestion. La suggestion est dans tout: c'est le déterminisme. Suggérer quelque chose à quelqu'un, c'est introduire une idée dans son cerveau. Mais une suggestion faite n'est pas une suggestion réalisée.

Pour qu'elle se réalise, il faut d'abord que l'idée soit acceptée, il faut ensuite que cette idée acceptée puisse être réalisée. Toutes ne le sont pas. Si je dis : << Levez votre bras », j'évoque une image motrice que le sujet pourra facilement traduire en acte. Si je lui suggère au contraire l'idée que son bras est paralysé, ou bien il n'acceptera pas l'idée suggérée ; ou bien, impressionné par ce que je dis, il croira un moment; la suggestion a lieu, mais le cerveau ne pourra pas exécuter l'image de la paralysie suggérée; la suggestion n'est pas réalisée. De même si je dis : << Voici un chien », le sujet croit un instant; le cerveau ébauche l'image suggérée, mais trop imparfaitement pour qu'elle fasse impression. La suggestion n'a pas réussi.

La suggestibilité est une propriété physiologique du

cerveau humain. Mais à l'état ordinaire, cette suggestibilité, cette tendance du cerveau à accepter l'idée et à la transformer en acte, est limitée par les facultés supérieures du cerveau, facultés de raison, l'attention, le jugement qui constituent le contrôle cérébral. Ce contrôle intervient pour empêcher ou neutraliser la suggestion. L'idée que je cherche à suggérer ne s'impose pas; ou bien, si elle est acceptée, l'acte qu'elle doit réaliser, mouvement (acte de se lever), sensation (démangeaison), image (vue d'un chien), peut être ébauché, mais n'aboutit pas. La raison fait contre-poids à l'imagination et à l'automatisme cérébral. Tout ce qui diminue l'activité des facultés de raison, tout ce qui supprime ou atténue le contrôle cérébral, renforce la suggestibilité, c'est-à-dire augmente l'aptitude du cerveau à accepter et à réaliser l'idée.

Tel est le sommeil naturel. Alors le contrôle ne veille plus, l'imagination règne en maîtresse. Les rêves sont la traduction en images extériorisées des impressions et idées désordonnées, incohérentes qui se réveillent au hasard de la vie végétative et imaginative. La raison n'est plus là pour les contrôler.

Il est facile de démontrer combien, dans ce sommeil, le cerveau incapable d'initiative est docile à la suggestion. Je trouve un sujet naturellement endormi. Si je l'aborde avec précaution, j'arrive quelquefois d'emblée ou après entraînement à me faire entendre par lui sans qu'il se réveille: il me répond. Je lève son bras et le maintiens pendant quelques secondes. Il se peut qu'il continue à y rester : c'est la catalepsie, c'est-à-dire l'attitude passive du bras figée par l'absence d'initiative du sujet qui garde la position. imprimée, comme il garde l'idée suggérée. Si je dis à

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quelques-uns de ces sujets naturellement endormis : << Votre peau est insensible », je puis provoquer par cette affirmation de l'anesthésie et de l'analgésie. Si je lui dis: «< Voici un chien qui aboie », l'hallucination visuelle et auditive peut se réaliser; c'est un rêve suggéré.

Si je dis au dormeur naturel : « Levez-vous, marchez, travaillez », je puis, avec plus ou moins d'entraînement, arriver à le faire marcher et travailler, c'est-à-dire en faire un somnambule actif.

Tout cela, je le répète, je puis le faire, chez certains sujets dans leur sommeil naturel, à la faveur de la suggestibilité naturelle, physiologiquement exagérée : ce sont des phénomènes normaux, je le répète, tels qu'ils peuvent être réalisés et démontrés dans le sommeil, variables d'ailleurs suivant les sujets. Dans le sommeil, le cerveau est dans un état de suggestibilité exaltée qui permet au dynamisme automatique d'avoir toute la plénitude de son jeu.

D'autres influences à l'état de veille peuvent produire cette exaltation. La concentration du cerveau sur une impression ou une idée qui le fascine pour ainsi dire en l'absorbant tout entier, en le soustrayant à toute autre impression, augmente sa suggestibilité, c'est-à-dire transforme avec plus de perfection cette idée ou cette impression en acte, mouvement, sensation, image, émotion. Le rêve hallucinatoire de l'état de veille par l'attention contemplative, l'extase religieuse qui fait des visions, de l'anesthésie, des stigmates, l'imagination captivée par la parole ou la lecture, le fanatisme religieux, politique, socialiste, etc., allumé par des prédications passionnantes ou persuasives, les impulsions provoquées par les passions bonnes ou mauvaises, ce sont là, en réalité,

des états de conscience particuliers, qui exaltent certaines suggestibilités.

Mais, et j'appelle l'attention sur ce fait, il est des sujets, et plus nombreux qu'on ne s'imagine, chez qui, dans leur état normal, sans sommeil préalable, sans émotion extraordinaire, la suggestibilité est assez grande pour que tous les phénomènes indiqués: anesthésie, catalepsie, contracture, actes, hallucinations, illusions, etc., puissent être réalisés chez eux par simple affirmation à l'état de veille. Chez eux l'idée reçue actionne suffisamment les centres automatiques pour se transformer en acte; il y a chez eux une réflectivité idéo-motrice, idéo-sensitive, idéo-sensorielle, idéo-dynamique si grande que l'influence modératrice du contrôle n'a pas le temps ou pas la force de faire inhibition.

Voici par exemple un de ces sujets. D'emblée, sans aucun artifice de préparation, sans qu'il n'ait jamais assisté à aucune expérience de ce genre, je lui lève son bras et je dis avec assurance: « Tiens, votre bras est en l'air et vous ne pouvez pas le baisser. »

Et le bras reste en catalepsie; le sujet, malgré tous ses efforts, ne peut quelquefois le baisser. J'ajoute : <<< Votre bras est insensible, comme mort. » Et je le pique avec une épingle; le sujet ne manifeste rien. Je lui dis « Tenez, voici une pomme. » Et il mange la pomme fictive. Toutes ces suggestions sont réalisées à l'état de veille parfaite, en toute conscience. Je dis : « Dans cinq minutes, vous irez chez le voisin couché au lit no 5 et vous lui volerez quelque chose. » Le sujet reste impassible. Je lui parle, cherchant à lui faire oublier cette suggestion ; je lui dis même qu'il est honnête et ne commettrait jamais un acte blàmable, réprouvé par la morale. Mais au bout de

quelque temps, il ne m'écoute plus que d'un air distrait ses yeux tendent à se diriger vers le lit numéro 5. Son facies devient comme rigide et fasciné par l'idée et le point de mire suggéré ; chez quelquesuns on voit comme une lutte intérieure dessinée dans l'attitude et la physionomie; le plus souvent, après un peu d'hésitation ou mu comme par une impulsion irrésistible, il va accomplir son larcin.

Ceci, je le répète, chez nombre de sujets très suggestibles je le fais d'emblée, sans manœuvre préalable; l'affirmation seule, plus ou moins énergique, plus ou moins insinuante et prolongée, adaptée à l'individualité du sujet, suffit à inculquer l'idée, à inciter le cerveau à l'accomplir. J'ajoute que ce n'est pas ma personnalité connue d'eux, ma réputation d'hypnotiseur qui les fascine; j'agis sur des sujets qui ne me connaissent pas; et une autre personne, non connue, fera exactement ce que je fais. Je ne crée rien; je démontre la suggestibilité excessive telle qu'elle existe normalement chez beaucoup de personnes.

Entre cette suggestibilité excessive de quelques-uns et la suggestibilité modérée de beaucoup, tous les intermédiaires existent. Il y a aussi des suggestibilités spéciales; certains sont suggestibles quant à la sensibilité, quant à la motilité ; ils ne sont pas hallucinables. D'autres sont hallucinables; d'autres sont suggestibles pour certains actes, pour certaines émotions; les moins suggestibles d'une façon générale peuvent avoir leur corde sensible qui vibre involontairement sous certaines influences suggestives.

L'autre suggestion n'est pas une suggestion qu'on se donne volontairement à soi-même, c'est une suggestion née spontanément chez une personne, en dehors de toute influence étrangère appréciable. La sponta

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