ainsi qu'à Jean fans peur, Duc de Bourgogne, & les réponses de l'un & de l'autre Prince. Il commence fes Mémoires par les fiançailles de Richard II. Roi d'Angleterre, avec Isabelle, fille de Charles VI. faites à Calais le 9 Mars 1394, vieux style, & par la célébration de ce mariage; & les termine en l'année 1409. Il dit qu'il fut choifi par la nouvelle Reine, pour l'accompagner en Angleterre. Il raconte comment dans la crainte de nuire à fon maître, il éluda conftamment de répondre, pendant fon féjour dans ce Royaume, aux questions lui faifoit souvent Richard II fur la maladie de Charque les VI fon beau-pere, dont il cherchoit à connoître la cause & la nature qu'on avoit foin de dérober à la connoiffance de tout le monde. Il ajoute qu'un jour le Monarque Anglois étant dans fon oratoire, lui fit ferment, en mettant la main fur l'Autel, qu'il ne fe propofoit que le bien du Royaume de France, en le follicitant de le fatisfaire fur fes demandes; mais que voyant qu'il ne pouvoit rien tirer de lui, il le quitta brusquement, difant quil eftoit comune renommee en france et auffy eftoit-il en angleterre que le duc dorleans tenoit le Roy de france son frere en telle fubiection et une autre fois quil fauoit certainement que tout le mal et la tribulation que fon beau pere le roy de france auoit procedoit de monfieur le duc dorleans fon frere qui le gouuernoit ainfi par art dyabolique et pour le deftruire et pour eftre roy et que sil il uiuoit longuement et fon fait ne lui eftoit rompu quil rendroit a fon intention et feroit roy de france.

Il feroit trop long de rapporter ici tout ce qui arrive de particulier à Salmon dans fes meffages de la part de Charles VI & de Jean fans peur, Duc de Bourgogne, en Angleterre & en Italie. Il trouve dans ce dernier pays un homme qui fe vantoit de guérir le Roi. On eft furpris de voir que Salmon, homme de bon sens, & inftruit, ajoute foi aux difcours de ce Charlatan, & en donne connoissance Tom. III.

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au Duc de Bourgogne, qui auffi peu fenfé que lui, le charge de chercher tous les moyens de l'amener en France.

Salmon reçoit plufieurs audiences du Pape Alexandre V. auquel il recommande le malheureux Roi Charles VI. Ce Pontife accorde, à fes inftances, des indulgences à ceux qui prieront pour le Roi, & compofe une Oraifon & une Antienne particulieres pour être récitées.

La derniere piece de ce MS. eft une lettre du Duc de Bourgogne au même Pape Alexandre V, par laquelle il le remercie de ce qu'il a fait pour le Roi, & le prie de lui envoyer Maître Helye, cet homme qui fe vantoit de le guérir, qui n'ofoit quitter le pays fans la permiffion du Pape, & que le Pape ne vouloit pas laiffer partir fans en être auparavant requis par le Roi lui-même.

Ce MS. paroît être celui que Salmon présenta à Charles VI après qu'il en eut reçu ordre de mettre par écrit ce qu'il contient. Tout prouve qu'il eft l'original; la beauté de fon exécution, le foin qu'on y a apporté, & qui le rend peut-être un des plus beaux qu'on ait fait dans le commencement du XV fiecle; enfin les sujets des miniatures dont il eft enrichi. Il eft convenable de décrire quelques-unes de ces miniatures qui offrent des tableaux intéreffants, & des coftumes du regne de Charles VI.

La premiere Miniature offre un appartement tendu en bleu, femé de fleurs-de-lys. Charles VI s'y voit de profil, affis fur un faldiftoire de bois, peint en verd, & placé fous un dais qui eft orné de Paons éployés, & au haut duquel eft peint plufieurs fois ce mot jamais, devise de Charles VI. qui fe lit auffi à St. Denis fur fon tombeau, le long de fes vêtements. Ce Monarque couronné d'une couronne ouverte d'or, habillé d'une robe de pourpre, par deffus laquelle il a une dalmatique d'azur, femée de Fleurs-de-lis, fourrée d'hermines, & bordée d'or & de pier

reries, a les pieds pofés fur un couffin de la même couleur que La dalmatique, & reçoît de ses deux mains le livre que lui préfente Salmon, un genou en terre. Cet Auteur y eft tonfuré & vêtu d'une robe violete avec un chaperon de pourpre, il lui fort de fa main droite un rouleau qui porte ces mots: Vifcera tua replebuntur volumine ifto. Derriere lui eft Jean-fans-peur, Duc de Bourgogne, accompagné d'un Seigneur que rien ne fait connoître. Ce Prince fils de Philippe le hardi eft très attentif à la présentation. Il tient fa main droite un peu élevée, avec l'index pofé fur le pouce & releve de la droite la queue d'un chaperon écarlate, qui eft rabattue fur les épaules; la coeffe qui lui couvre entierement le derriere de la tête eft noire & enrichie d'un diament; fa ceinture eft dorée, & fa robe doublée de fourrure, est chargée de rabots. C'est cet instrument qui nous fait reconnoître Jean-fans-peur. On fait que Louis d'Orléans, oncle de Charles VI. mortel ennemi de la maison de Bourgogne, quelque temps avant que d'être affaffiné, avoit pris pour devife un bâton noueux, avec ces mots : je l'envie, & que le Duc de Bourgogne y avoit répondu par la devife d'un rabot avec cette inscription : je le tiens. Après le meurtre du Duc d'Orléans en 1407, on disoit dans Paris, le bâton noueux eft plané par le rabot.

La feconde miniature n'est pas moins curieuse que la premiere, parcequ'elle nous montre Charles VI. presque de face, vêtu d'une robe noire à longues manches, laquelle eft chargée de levriers d'or couronnés au col, & ayant la tête couverte d'un chapel noir, garni d'un diamant. Il est couché fur un lit d'écarlate, où on lit fa devife: jamais. Il a la tête pofée fur un oreiller blanc, & appuyée fur un bras. Dans cette attitude, il femble interroger Salmon qui eft à ses genoux à côté du lit. Au pied font trois Seigneurs parmi lefquels on remarque le Duc de Bourgogne habillé comme dans

la premiere miniature; mais dont les vêtemens font de couleurs différentes & fans rabots.

La miniature qui eft à la tête de la feconde partie repréfente le même appartement. On y voit également Charles VI prefque de face, affis fur le bord de fon lit, ayant un oreiller blanc derriere la tête qu'il appuye fur un bras. Il est vêtu d'une robe noire fourrée d'hermine, au long de laquelle on lit fa devife écrite en or, & dont une des manches qui font fort amples, eft chargée d'un levrier d'or couronné au col; il paroît interroger Salmon qui eft à genoux devant lui Au pied du lit font trois officiers du Roi converfant entr'eux ; un d'eux tient une flêche d'arbalete qu'il appuye fur un de fes côtés.

On remarque dans la figure du Roi la plus grande reffemblance avec celle de la miniature précédente, ce qui prouve que l'une & l'autre repréfentent véritablement les traits de Charles VI. On eft furpris d'y voir ce Monarque chauffé de longues poulaines, tandis que Charles V. fon pere les avoit défendu fous de très grofles peines. Il paroît d'après ce qu'en dit Juvenal des Urfins, qu'il n'y cut que les gens diffolus qui portoient fur la fin du XIV. fiecle, ces longs fouliers pointus.

A la tête de la troisieme partie est une autre miniature intéreffante qui offre un côté de l'Hôtel de St. Paul, Palais de Charles VI, & derriere cet Hôtel le haut de l'Eglife du couvent des Célestins, Le Monarque habillé à-peu-près de même que dans la premiere miniature, avec cette différence pourtant que fa robe eft d'écarlate & fa dalmatique violete, y cft affis fur fon trône, dans une grande falle. Salmon vêtu d'une robe d'azur lui préfente de rechef, un genou en terre, fon livre relié comme ci-deffus. Trois Seigneurs en conversation font derriere lui; l'un d'eux eft reconnoiffable par le grand nombre de cignes dont fa

vu,

robe noire à longues manches, & doublée de fourrure eft parfemée. C'eft Jean Duc de Berry oncle de Charles VI. qui avoit pris cet oiseau avec un ours pour fupports de fcs armes.

A la porte en dehors de l'appartement, on voit un huiffier ayant une jambe chaussée de blanc & une autre de rouge, portant une masse sur l'épaule; dans la cour, un garde à cheval ; à la porte de la cour, une sentinelle qui reçoit deux Seigneurs qui s'y préfentent, & aux environs & dans la cour même, plufieurs autres gens au fervice du Roy, faifant différentes fonctions. L'uniforme des gardes eft verte & rouge.

Le fujet de l'antepénultieme miniature eft l'audience que Salmon reçoit du Pape Alexandre V. dans fa chapelle. Ce Pontife y eft fur fon fiege, avec une tiare à trois couronnes fur la tête, & Salmon y eft introduit par un Cardinal.

La derniere de toutes repréfente Jean-Sans-Peur, habillé d'une robe noire, fourrée, tenant une petite hache dans la main & affis fous un dais d'écarlate, chargé de rabots. Salmon lui rend compte de fes négociations, en préfence de deux gens du Prince, dont un habillé de verd, ayant un bonnet d'où pendent deux grelots, paroît être fon fou.

On peut juger d'après les descriptions que nous venons de donner, combien ces fix miniatures font précieufes, tant pour les fujets que pour les costumes du XVe fiecle qu'elles offrent avec tant de vérité. Ce M S. eft d'autant plus intéreffant, qu'il n'existe point de monuments où Charles VI. foit repréfenté comme dans celui-ci. Le pere Montfaucon, après de grandes recherches, n'en a découvert d'autre que celui du tombeau de ce Monarque dont il a fait graver la ftatue qui enrichit le rome III. pag. 180 des Monuments de la Monarchie françoife. Ce Savant Bénédictin y dit à ce sujet :