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immeuble, doit être garanti, à moins toutefois qu'il n'ait été excepté soit parce que la police écarte de sa responsabilité tout domestique ou employé, soit parce que le délinquant possédait quelque marque de confiance (1).

Une autre question qui se pose est celle de la complicité : alors que le domestique ou l'employé est simplement complice de l'auteur du vol, le contrat ne doit-il porter aucun effet? Pour nous, il ne saurait y avoir de doute, l'affirmative s'impose. Il y a tout d'abord une raison de droit: l'article 59 C. P. assimile les complices d'un crime ou d'un délit aux auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit. Or, par suite de cette assimilation légale, il faut, en l'espèce, considérer le domestique ou l'employé complice comme ayant agi personnellement. Dès lors, l'exception de garantie recevra son application.

Au raisonnement juridique doit s'ajouter un raisonnement de bon sens telle Compagnie ne versera pas l'indemnité stipulée parce que le vol a été commis par un employé qui, profitant de sa présence nuit et jour dans un immeuble, a fracturé un coffre-fort; pourquoi en serait-il autrement, parce que l'employé s'est borné à indiquer le vol à commettre? La situation est exactement la même et les raisons qui justifient l'exception de garantie dans le premier cas, la justifient dans le second;

30 Ne sont pas garantis, bien entendu, sauf stipulation contraire, les dommages survenant pendant une guerre, une émeute, une révolution, un incendie, une explosion, une inondation ou un tremblement de terre. Cette exclusion est parfaitement raisonnable, étant donné les perturbations qui se produisent en pareil cas; aucune surveillance, aucune mesure de précaution ne peut être prise; de plus, les prévisions établies à la suite d'observations se trouvent forcément déjouées. Des dispositions identiques existent en matière d'assurance contre l'incendie (2).

(A suivre.)

(1) V. supra.

Jules LEFORT,

Docteur en droit,
Avocat à la Cour d'appel de Paris.

(2) V. Projet de loi relatif au contrat d'assurance, art. 23 et 46.

L'INTERPRÉTATION DES CODES

Prolegomena zu einem System des Vermögenrechts, von Dr Gottlieb August MEUMANN. Breslau, 1903.

Au début d'un commentaire sur le Code civil allemand, M. Meumann, professeur à l'Université de Genève, voulant éviter les écueils sur lesquels sont venus échouer les interprètes du Code Napoléon, se livre, dans une introduction méthodologique, à des considérations dont le public français peut faire son profit, d'autant plus que la question a été mise à l'ordre du jour chez lui par MM. Saleilles, Gény, Lambert et d'autres. Ici même M. Lefort a montré, dans un très intéressant article, 1905, p. 63, que la différence entre le régime français et allemand n'est pas aussi absolue qu'on le croit communément, et qu'en particulier en droit français le juge du fait exerce souvent une influence considérable sur le droit. La manière dont on étudiera et enseignera le droit se ressentira forcément du rôle qu'on fera jouer à la loi.

On a essayé en France d'interpréter le Code uniquement par lui-même. C'était un effet de la tendance révolutionnaire qui donne tout à l'arbitraire, rien au déterminisme. L'expérience a prouvé que les textes ne prévalent pas contre le courant du sentiment populaire, qui pousse par des voies incorrectes s'il n'en existe pas d'autres, la pratique extrajudiciaire et même judiciaire à rentrer dans les voies qu'il croit justes. On a vu que l'abus de la déduction conduit à la stagnation du droit, qu'en voulant tout tirer de la loi on lui prête ce qu'elle n'entend pas dire. Il faut pourvoir non seulement au silence, mais encore à l'insuffisance des textes, qui provient quelquefois d'un simple changement de circonstances. La loi ne se suffit pas à elle-même, elle est une forme,

c'est-à-dire une limite, elle n'est pas une force. On a vu dans des pays très démocratiques les hommes populaires se permettre pour ainsi dire tout sans s'inquiéter d'elle. La loi, de tous les indices du droit celui qui tombe le plus sous les sens, qui en est l'expression formelle au point qu'on la confond souvent avec lui, qui devrait s'appliquer littéralement et ne jamais tomber en désuétude, doit faire place comme base de la juridiction au juge éclairé par la science, à laquelle elle doit se superposer, non se substituer. La science et la loi, représentant l'intelligence et la volonté, ont besoin l'une de l'autre; elles ne se contrarient pas si elles restent chacune dans sa sphère; elles traitent les mêmes sujets, mais à des points de vue différents. Enseigner comme on l'a fait que tout ce qui n'est pas défendu par la loi est permis, c'est corrompre le sens moral. Celui qui s'abriterait derrière des textes pour faire une chose évidemment immorale se discréditerait. Le mouvement actuel relatif à l'abus de droit montre qu'il encourrait peut-être d'autres peines encore. Le véritable délit, dit M. Péladan, est la méconnaissance de la coutume. Déjà les Romains distinguaient entre celui qui transgresse ouvertement une loi, ce qui ne peut pas toujours s'éviter, et celui qui la fraude, invoquant la lettre pour violer l'esprit, ce qui est beaucoup plus grave. De là l'adage: Il n'y a pas de droit contre le droit, Summum jus summa injuria.

On peut faire des critiques à l'ouvrage de M. Meumann : il ne s'affranchit pas assez de la tradition, s'enferme trop dans le droit romain. La culture philosophique de l'auteur, supérieure à celle de la moyenne des jurisconsultes, ne suffit pas à atteindre le fond de certaines questions. Pour employer sa propre image, il se promène à la surface au lieu de pénétrer au cœur, ce qui l'entraîne à des longueurs. L'auteur rappelle ces mathématiciens de génie dont les solutions sont justes avec des calculs faux: il devine la vérité, mais ne la démontre pas suffisamment et laisse subsister des doutes qu'il pourrait dissiper. Je ne dirai pas qu'il ne donne pas à la question de méthode le développement qui serait nécessaire, car il ne la traite qu'accessoirement. Mais ces imperfections sont rachetées par la richesse des suggestions, et s'excusent par la délicatesse des sujets traités. Il faut beaucoup d'art pour discuter certains

problèmes scientifiques. Il ne suffit pas d'affirmer, il faut définir les affirmations, en indiquer les limites, les mettre sous le jour qui leur convient, éviter de les neutraliser ou de les exagérer par leur entourage. Il s'agit ici de vérités abstraites qui n'arrivent guère à une expression, je ne dis pas définitive mais suffisante, que par les retouches de plusieurs auteurs. C'est ce qui m'engage à publier une étude qui n'est pas beaucoup plus qu'une paraphrase de celle de M. Meumann. Ces 70 pages renferment, sous une forme assurément chaotique les linéaments d'une philosophie du droit. Leurs imperfections ne doivent pas nous empêcher de recueillir, compléter et débrouiller les indications qu'elles contiennent.

Dès le premier mot, l'auteur pose en principe que la juridiction doit se baser sur la science, c'est-à-dire sur les données de l'expérience entre lesquelles il faut faire un choix. Mais il saute à pieds joints sur de graves difficultés, et bien des gens lui contesteront son point de départ, ce qui ne veut pas dire qu'il soit faux. D'abord, l'expérience éclaire sans motiver. Puis l'auteur fait observer, avec raison, que l'expérience se présente à l'observateur emmêlée à d'autres éléments qui en déterminent la signification et dont l'ensemble constitue l'histoire du droit; ils y jouent des rôles très différents et de valeur très inégale. L'école historique a réalisé d'importants progrès, mais son insuffisance a été démontrée par Ihering, dont M. Meumann admet le point de vue sauf rectifications. Ihering propose de substituer à ce qu'il appelle la logique, nom sous lequel il entend la déduction exclusive, la téléologie, l'idée que le but est le générateur de tout le droit. Mais la téléologie est un principe d'application, non une méthode scientifique elle suppose les besoins connus, elle ne les fait pas connaître. Ni Ihering, ni M. Meumann ne définissent le but, qui n'est pas pour eux la conscience de besoins, car ils admettent un but inconscient. Suivant qu'on entend le mot, qu'il s'agit de ce que le droit est en réalité ou de ce qu'il devrait être, la téléologie prend un tout autre caractère: elle est une erreur ou elle est un truisme dont on a pourtant réussi à faire une hérésie. L'auteur reproche à Ihering de prendre pour point de départ de la science ce qui en est le point d'ar

rivée et de confondre l'idée abstraite du but avec les divers buts que le droit doit poursuivre. Il n'en estime pas moins que Ihering a rendu un très grand service à la science par sa proposition. Ce service, sur lequel M. Meumann ne s'explique pas, consiste dans la substitution de la méthode utilitaire à la doctrinaire. On désigne de plusieurs manières l'opposition de ces deux conceptions. L'une d'elles aurait été proposée, dit-on, par Kant. C'est celle de l'eudaimonisme, dont l'utilitarisme du langage courant n'est qu'une mesquine caricature, et du terrorisme, la manifestation la plus dangereuse parce que la plus perfide de la guerre sociale, produite par l'ignorance de la solidarité. Ce dernier procède en mettant la confusion dans les idées, dans les croyances religieuses en particulier, en aveuglant les populations pour les exploiter. Le terrorisme ne s'avoue pas; pour entraver le développement de l'humanité, il se sert de prétextes. Pour sacrifier le véritable intérêt de tous aux convenances apparentes de quelques-uns, il allègue la devise complètement fausse Fiat justitia pereat mundus. Il dit agir per majorem Dei gloriam. C'est ainsi qu'on est arrivé à l'opposition nullement nécessaire de la téléologie et de la théologie. La première a pour formule omnia jura ad utilitatem hominum constituta sunt, dans l'Evangile « Le sabbat est pour l'homme, non l'homme pour le sabbat. » Le terrorisme a régné pendant tout le Moyen-Age et jusqu'en plein XIXe siècle. Grâces entre autres à Ihering, la lumière a pourtant fini par se faire graduellement. Sous sa forme atténuée il prend le nom de doctrinarisme, qui nous prescrit des lignes de conduite dont le terme échappe à notre vue, nous condamnant à la déduction exclusive et à l'abdication de notre conscience. Il est d'autant plus dangereux que l'obscurantisme s'y déguise en système scientifique. Il importe d'en connaître la genèse et la nature pour comprendre les difficultés auxquelles se heurte l'organisation d'une bonne justice. Pour cela, il faut se rendre compte de la manière dont surgit le sentiment du droit.

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Le juste est une fonction du bien dont la forme élémentaire est le plaisir. On trouve juste ce qui plaît, le plus fort impose comme on dit son bon plaisir. Puis on se rend compte qu'on a besoin des autres, l'eudaimonisme individuel fait place au

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