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RUFUS.

NOTICE SUR RUFUS.

La plupart des savants appellent cet auteur Sextus Rufus. D'autres le nomment Rufus Festus. Quelques-uns 3 lui donnent ces trois noms à la fois (Sextus Rufus Festus). Il en est enfin 4 qui attribuent son ouvrage à Rufus Festus ( ou Sextus Rufus) Aviénus, célèbre par ses poésies sous le premier Théodose; opinion qui a été victorieusement réfutée 5.

Henri de Valois 6 pense que le Rufus dont il s'agit ici est le même que celui dont parlent Zosime 7, Suidas, Eunape 9 et Ammien Marcellin 10. En effet, son titre de vir clarissimus ou consularis (v. c.), qui se donnait aux sénateurs ou aux anciens consuls, son crédit à la cour de l'empereur Valens, ses fonctions auprès de ce prince, fonctions désignées dans deux anciens manuscrits par le titre de dictator12, qui signifie secrétaire 13, et attribuées aussi par Ammien Marcellin, quoique sous un autre nom 14, au Rufus dont il fait mention, tout enfin donne beaucoup de vraisemblance à cette opinion, qui, du reste, comme on va le voir, n'est pas favorable à la mémoire de cet auteur.

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L'histoire nous le montre d'abord gouverneur de Syrie 15 sous le règne de Valens (en 368), sans nous apprendre par quels degrés il s'éleva jusqu'à cette charge. Il était, dit un auteur contemporain 16 de la ville de Trente, et de la plus basse extraction. Il s'était lié de bonne heure avec Maximin, qui comme lui sans naissance, et même barbare d'origine, gagna, on ne sait comment, la faveur de Valentinien I, empereur d'Occident, et obtint en peu de temps le gouvernement de la Corse et de la Sardaigne, celui de la Toscane (366), puis l'intendance des vivres à Rome (370), et enfin la préfecture du prétoire (373), la plus haute dignité après la dignité impériale.

Il paraît que ce Maximin fit profiter Rufus de sa faveur; que les insignes de sénateur leur furent accordés à tous deux en même temps 17; et que, pour lui ménager à la cour d'Orient la position qu'il occupait lui-même auprès de l'empereur d'Occident, il le fit accepter pour secrétaire à Valens, qui lui donna bientôt le gouvernement de la Syrie.

Valens était un prince paresseux et fort ignorant; il ne savait même pas la langue des peuples qu'il gouvernait 18; mais il aimait les lettres, et son règne ne fut pas sans éclat littéraire; témoin Claudien, Symmaque, Ausone, Eutrope, Ammien Marcellin; témoin les saint Ambroise, les saint Augustin, les saint

Jos. Scaliger, Js. Casaubon, Ez. Spanheim. 2 Henri de Valois, in Amm. Marc. 3 Thomas Reinesius et Jac., Godefroy. 4 Entre autres, Vossius, de Hist. lat. 5 Spon., Miscel., 1685, p. 99; Nic. Antoine, Bibl. vet. hisp., 1. II, c. 9; Fabricius, Bibl. lat., 1712, p. 610; Tillemont, 132, t. Vesius, p. 40.6 Val. in Amm. XXIX. 7 Zosim. Oxon. ap. IV, 15.- Suid. in otw. - 9 Eun. in Maximo.— 10 Amm. Marcell. XXIX, 5 et suiv.And. Scottus, dans les notes de l'Épitome de Victor. - Son livre y est intitulé Festi dictatoris breviarium.3 Saumaise, in Flav. Vopisci Carum, 1620, P.490. 14 Magister memoria. 15 Amm., f. XXIX. — 16 Id. Ibid. - Id. Ibid. 18 Themist, orat, 1688, p. 71.

Jérôme, etc. Sans talents militaires, sans fermeté, sans courage, il ne pouvait entendre dire sans trembler que les barbares eussent fait quelques courses sur les terres de l'empire, et il ne marchait contre eux que poussé par les menaces du peuple. Il n'osait pas même défendre son trône contre l'ambition de ses généraux, et sa première pensée était de leur céder la place3. Mais la peur et la bonne fortune le rendaient impitoyable 4. Fait pour être gouverné, il le fut d'abord par Auxone, dont l'administration douce et équitable (367-370) fit aimer l'empereur. A celui-là succéda Modestus (370-378), bas flatteur du prince, dont il appelait le grossier langage des fleurs de rhétorique de Cicéron, avide d'argent et de pouvoir, jaloux, soupçonneux, cruel, aussi ignorant que Valens, mais ennemi des lettres et de ceux qui les cultivaient 5.

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Tel était le prince dont Rufus avait à mériter la faveur. Il garda trois ou quatre années (368-372) le gouvernement de la Syrie. Il s'y conduisit bien, au moins dans les commencements, et il y acquit une honorable célébrité. Il fut envoyé de là en Asie comme gouverneur, avec le titre de proconsul (372). Il succédait à Eutrope, que l'on croit être l'historien. Mais on le vit alors changer tout à fait de conduite, et commettre une foule d'injustices et de cruautés. Un historien de son temps, cherchant la raison de ce changement, l'a expressément attribué au désir de s'avancer par les mêmes voies que Maximin, qui, après avoir rempli de meurtres l'Occident tout entier, pour de prétendus crimes de magie et des conspirations supposées, était parvenu à la dignité de préfet du prétoire. « Rufus, en apprenant sa haute fortune, conçut aussitôt, dit Ammien Marcellin, un violent désir de l'imiter, dans l'espoir d'en mériter une semblable. »

Mais le témoignage d'un autre écrivain de la même époque 7 permet de penser aussi que Rufus avait déjà fait voir ces mauvais penchants dans son gouvernement de Syrie, c'est-à-dire avant le temps où le favori de Valentinien fut élevé à la préfecture du prétoire; et ce témoignage se concilie avec ce que dit Zosime, « que Valens nomma Rufus gouverneur de l'Asie, à cause de sa cruauté. » Il paraît seulement certain que Rufus se montra alors plus cruel qu'auparavant, et qu'il se fit en Asie le ministre des vengeances de Valens et de son ministre Modestus. Voici à quelle occasion.

Valens était sans enfants. Il avait perdu (en 371) son fils unique. Il était généralement haï, et l'on avait formé contre lui plusieurs conspirations, qui avaient échoué. Quelques savants, au nombre desquels un auteur met principalement Jamblique et

Theodor., de vit. Patr., p. 815. Socrat., Hist. eccl., 1668, p. 2553 Amm. Marcell., 1636, p. 324.4 Voy. Zosime et Ammien, dans le récit qu'ils font des rigueurs exercées après la défaite de Procope et de Marcel. 5 Voy. Ammien. 6 Id. Ibid. 7 Liban. Vit., 1627, p. 52, 53. & Zonar., Annal., 1557, p. 28.

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le sophiste Libanius, ou bien, suivant un autre', les plus célèbres philosophes de cette époque, inquiets des progrès que faisait le christianisme et curieux de savoir quel serait le successeur de Valens, eurent, dit-on, recours à une opération magique, dont l'on peut voir les détails dans les auteurs qui ont rapporté ces faits. On obtint, par cette opération, les lettres Th. e. o. d. Il y avait à la cour de Valens, parmi les secrétaires du prince, un certain Théodore, d'une famille illustre et ancienne dans les Gaules, et qui était païen. On vit en lui le successeur de Valens. Il paraît qu'il accepta ce rôle2, et que s'il ne fut pas lui-même l'instigateur de cette consultation, comme l'ont avancé quelques écrivains, il eut la sottise d'y ajouter foi et de s'en appliquer le résultat. Toute cette affaire est d'ailleurs assez embrouillée dans les auteurs. Le récit d'Ammien Marcellin, entre autres, permet d'y voir une intrigue ourdie par le préfet Modestus, pour perdre ses ennemis et s'approprier les biens de toutes les personnes riches. Il profita du moins, dans ce but, de cette ridicule conspiration, et il fit partager à Valens sa haine contre ceux qui avaient quelque crédit à la cour ou quelque renom dans les sciences et dans les lettres. Sous prétexte de rechercher ceux qui pratiquaient l'art magique, on poursuivit tous les savants, tous les philosophes. On commença par trancher la tête à Théodore, et, dit un auteur contemporain 3, à tous ceux dont le nom commençait par les lettres Théod., comme Théodore, Théodose, Théodule, etc.; ce qui n'empêcha pas Valens d'avoir pour successeur Théodose. Les philosophes, épouvantés par le supplice de leurs chefs, quittèrent tous leur costume, pour se dérober aux recherches dont ils étaient l'objet 4.

Les auteurs du temps font un affreux tableau de cette persécution. « Les prisons, dit l'un d'eux 5, ne suffisaient pas pour contenir les accusés, ni les soldats pour les garder... Les dénonciateurs entraient dans les maisons à la tête d'une troupe de gens perdus, et mettaient ceux qu'ils voulaient entre les mains des soldats.» Les accusés étaient, sans forme de procès, tués, ou brûlés, ou envoyés en exil, et leurs biens confisqués au profit du prince et de son ministre. « On les tuait, dit un autre 6, comme des bêtes, et l'on n'entendait partout que les mots : Frappe, écrase, étouffe! mêlés aux cris des victimes et aux murmures des bourreaux fatigués. »

d'un de ces livres, qu'il avait trouvé par hasard et ramassé par curiosité.

Rufus, à qui Valens, si l'on en croit Zosime, n'avait donné le gouvernement de l'Asie qu'en considération de sa cruauté, afin qu'il n'épargnât aucun philosophe, aucun savant, se montra digne de la confiance de l'empereur. « Il les fit tous mourir, sans aucune formalité de justice, excepté ceux qui, pour sauver leur vie, abandonnèrent leurs maisons et leurs biens.» Une de ses premières victimes fut le plus célèbre des philosophes de ce temps-là, Maxime, qui avait été le maître de l'empereur Julien.

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Un autre historien, témoin de ces atrocités de Rufus, en a cité quelques exemples, a bien connus de tous, » dit-il, et que nous lui emprunterons. Il fit mourir un philosophe pour avoir employé, dans une lettre, une expression proverbiale, où ce furieux proconsul trouva un crime. Il fit mourir une femme qui prétendait guérir quelques fièvres par la vertu de certaines paroles, après l'avoir appelée lui-même auprès de sa fille malade, qu'elle avait guérie. On avait trouvé dans les papiers d'un habitant d'Éphèse l'horoscope d'un certain Valens, frère de celui-là, et mort depuis longtemps. Rufus l'accusa d'avoir tiré l'horoscope de l'empereur, et le fit tuer. Un jeune homme, malade, que l'on avait vu, dans un bain, poser ses doigts sur le marbre d'une statue, puis sur sa poitrine, en comptant un certain nombre de lettres, parce qu'on lui avait persuadé que c'était un moyen de se guérir, fut mis en jugement, appliqué à la torture et exécuté.

Voilà par quelles cruautés Rufus se signala dans son gouvernement. Mais à partir de cette époque, on ne sait plus rien de lui.

On pense qu'il écrivit son livre vers la fin de l'an 369 de l'ère chrétienne, la cinquième année du règne de Valens, après la victoire de cet empereur sur les Goths. Comme Eutrope son contemporain, qu'il a quelquefois copié, quoique son modèle paraisse avoir été Florus, il composa cet abrégé pour Valens, et non pour Valentinien, ainsi que l'ont pensé quelques auteurs 3. Comme lui aussi, il promet à Valens, vers la fin de son ouvrage, d'en consacrer un autre à sa louange. Mais ce panégyrique, s'il l'a fait, n'est pas parvenu jusqu'à nous, non plus que celui d'Eutrope. Tous les critiques ne s'accordent pas sur le mérite de ce livre; mais la plupart d'entre eux en ont fait l'éloge, et si Rufus n'eut pas, comme Eutrope, la gloire d'être traduit en grec par quelques-uns de ses contemporains, il fut du moins copié quelquefois par plusieurs d'entre eux, notamment par Ammien Marcellin et par saint Jérôme.

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On fit aussi une exacte recherche de tous les livres qui traitaient de magie; et l'on peut s'imaginer combien l'ignorance des soldats chargés de cette recherche 7 dut faire périr d'ouvrages précieux, confondus avec ceux-là. Ces livres furent jetés au feu en présence des juges; et dans tout l'Orient les Cet abrégé (Breviarium de victoris et provinparticuliers brûlèrent eux-mêmes ou jetèrent sur les ciis populi romani ) a été souvent réimprimé, mais chemins, pour n'être pas inquiétés, ceux qu'ils sous différents titres 7, depuis le quinzième sièpossédaient. Saint Chrysostome a raconté l'em-cle, et fait maintenant partie du corps des écrivains barras et les terreurs que lui causa la possession

Sozomen., Hist. eccles., 1668, VI, 35. — 2 Zosime, IV, 15. 3 Socrate, p. 229.4 Sozom., p. 694. 5 Zosime. 6 Ammien Marcellin, — 7 Id., p. 390. — 8 Chrysost., in Acta apostolorum, homilia 38.

1 Amm. Marcell., 1. XXIX. — Voy. Jos. Scaliger (chron. d'Eus.), Henri de Valois (in Amm.) et Lindenbrogius (in Jornand.)- 3 Cellarius, præf.; Fabricius, Bibl. lat., p 611; Schwell, t. III, p. 16. - 4 Eutrop., X, 18.5 Chap. 19.6 Franç. Robertel, Scaliger, Bavercamp. De historia romana libellus. — Breviarium rerum gest arum populi romani.

secondaires de l'Histoire Auguste. On distingue parmi ceux qui l'ont commenté Jos. Cuspinien, P. Pithæus, Christ. Cellarius, Gruter, Fred. Sylburg, Sig. Havercamp et Guill. Münnich.

On attribue aussi à Sextus Rufus un catalogue, aujourd'hui incomplet, des monuments et des édifices de Rome (De regionibus urbis Romæ), qu'Onuphre a donné le premier sous le nom de cet écrivain, dans ses commentaires sur la république romaine.

Onuph., de Rep. rom. comment., 1597; Vossius, Hist. lat., p. 199.

Comme Havercamp, et pour compléter l'abrégé de Rufus, nous y avons ajouté le catalogue des provinces romaines ( Libellus provinciarum romanarum), composé, à ce qu'il paraît, sous le règne de Théodose, et publié pour la première fois par Ant. Schoonhove.

Nous avons adopté, pour la traduction des deux abrégés de Rufus, l'édition qu'en a donnée Havercamp avec celle d'Eutrope (Leyde, 1729); édition qu'il a soigneusement collationnée sur un manuscrit de la bibliothèque de Leyde.

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