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Comme pour répondre au regret et au désir que nous exprimions à
propos d'un rapport du consul d'Angleterre à Fuatau, le Résident

général en Annam et Tonkin vient d'adresser au Président de la Chambre de Commerce de Bordeaux une série d'échantillons de divers produits de notre colonie, ainsi que des renseignements sur leur culture, sur leur mode et leur prix de vente. Il a envoyé notamment de l'indigo récolté et préparé au Tonkin, du curcuma, du cunao, de la cannelle, des noix muscades, du gingembre et enfin des badianes.

Nous voulons insister seulement sur cette dernière plante.

Les amateurs de l'excellente anisette de Bordeaux se figurent pour la plupart (pour ne pas dire tous) que leur liqueur favorite est faite avec de l'anis. Il n'en est rien: ils sont redevables de la saveur aromatique, un peu piquante et sucrée, qu'ils apprécient tant, à la ba diane (ou badian-illicium), plante du genre des Magnoliacées, dont une espèce, originaire de la Chine et du Japon, fournit les capsules connues sous le nom d'anis étoilé, et qui servent à parfumer la liqueur appelée anisette. D'ailleurs l'anis étoilé a un goût plus moelleux que l'anis ordinaire.

La badiane de Chine est un bel arbrisseau toujours vert, de 3 ou 4 mètres, dont les fleurs jaunâtres et odorantes se montrent en avril ou en mai; on pourrait sans aucun doute la cultiver en pleine terre dans le midi de la France. Quant à la variété nommée badiane sacrée, qui atteint la hauteur des cerisiers, elle est beaucoup plus délicate.

On emploie la badiane pour l'ébénisterie et la tabletterie; mais c'est surtout le fruit qui en est précieux. Les Chinois s'en servent comme d'un tonique et d'un stimulant; ils le mâchent pour faciliter la digestion. En Asie et en Hollande, on l'emploie à parfumer le thè et le café. Enfin il fournit l'arack des Indes et sert de base à l'anisette de Bordeaux et au ratafia de Bologne. Il intéresse beaucoup les fabri cants de liqueur et même les fabricants de bonne absinthe.

La badiane se récolte surtout aux environs de Lang-Son. Ce fruit se présente d'ordinaire formé de dix à douze coques d'un brun ferrugineux; le fruit à six coques a un rendement de beaucoup supérieur.

En temps ordinaire, la production en était si importante qu'il y avait cent cinquante à deux cents distilleries de badiane fonctionnant à Dong-Dang et à That-Khé. La guerre a tout arrêté, et même, ce qui est non moins préjudiciable au pays, le marché de ce fruit, qui de temps immémorial se tenait à Hanoï, à dû être transporté à HongKong, par suite des hostilités. D'ailleurs il faut dire que les distille

ries appartenaient toutes à des Chinois, qui, bien entendu, avaient quitté le pays. Ils n'y sont pas encore revenus.

Il y a là une situation anormale très préjudiciable à nos intérêts, et qu'il appartient à l'initiative privée seule de combler.

Nous ne pouvons donner ici que des renseignements fort succincts. sur les prix de vente de ce produit. On ne peut en ce moment traiter que des affaires de quatorze à quinze tonnes, sur le pied de 1 fr. 10 à 1 fr. 15 rendu franco à Haïphong; on pourrait traiter de 2,000 à 3,000 kilogr. à 12 fr. 50 ou 13 francs, pour l'huile ou l'essence de badiane.

Il est triste de constater que, par suite d'absence d'ordres français, une maison allemande a traité une forte affairo à 10 francs seulement le kilogramme.

M. le Résident général fait donc œuvre utile pour le commerce français en signalant le champ d'exploitation qui s'ouvre à lui dans nos possessions; et sans doute nous approuvera-t-on d'avoir contribué à la diffusion des renseignements qu'il adresse.

(Revue de Géographie.)

!

Le Canal des Deux Mers.

Dans sa séance du 26 septembre dernier, le Congrès pour l'avancement des Sciences a traité la question intéressante du Canal des Deux Mers. En voici un résumé:

Le premier avant-projet a été dressé par M. de Lépinay, ingénieur en chef des ponts et chaussées; c'est M. Wickersheimer qui a exécuté les sondages sur le parcours du canal, et il a constaté que dans la région du col entre Toulouse et Castelnaudary, il existait des assises tertiaires presque horizon tales qui donnaient une sécurité absolue en ce qui concerne la solidité du canal. Ces assises sont formées de couches successives de terrains imperméables et de calcaires résistants parfaitement capables de supporter les constructions. Puis MM. Kerwiller, ingénieur en chef des ponts et chaussées, et Merceron, ingénieur des arts et manufactures, ont dressé chacun un projet. Ces deux études diffèrent essentiellement, en ce que le canal de M. Kerwiller serait en majeure partie construit en déblai, tandis que celui de M. Merceron serait établi presque partout en remblai. M. Wickersheimer donne la préférence au dernier, comme plus avantageux pour l'équilibre du mouvement des terres et parce que le plan d'eau du canal serait plus élevé, ce qui faciliterait l'établissement

de prises d'eau pour submersion de vignes et irrigations de toute nature.

Ces projets ont été soumis au Conseil des Ministres par M.de Freycinet, en 1885, qui a déclaré qu'il n'y avait que deux questions à résoudre pour que l'exécution du canal des Deux Mers pût être considérée comme possible: celle de l'alimentation du canal en eau et celle des revenus qu'assurerait l'entreprise.

La consommation d'eau du canal, comprenant l'évaporation, les infiltrations et l'eau de navigation, c'est-à-dire l'eau qui descend d'une écluse à l'autre à chaque passage de bateau, a été évaluée à 15 mètres cubes par seconde. Or la Garonne, qui alimenterait le canal, porte à Toulouse un débit moyen de 240 mètres cubes, qui se réduit à 70 mètres dans les étiages ordinaires. Une seule fois dans le siècle ce débit s'est abaissé à 38 mètres. Il y a donc loin du volume de l'eau disponible au volume de l'eau nécessaire, et M. Wickershei mer conclut qu'il n'y a pas l'ombre de crainte à concevoir de ce chef.

M. Wickersheimer avoue qu'un des motifs qui ont surtout contribué à rendre le projet du canal des Deux Mers populaire dans le pays toulousain, c'est la possibilité pour les agriculteurs de se procurer de l'eau pour les irrigations et les submersions des vignes. Cet emploi de l'eau ne nuira pas à l'alimentation du canal parce que les opérations se font pendant les mois d'avril, mai, juin et juillet, alors qu'il y a beaucoup d'eau dans la Garonne.

Les cultures qui peuvent être arrosées sont: 1° les productions maraîchères; 2° les fourrages; 3° les graminées.

Toutes ces cultures sont irriguées pendant quelques jours seule. ment à l'aide de voies émissaires ouvertes latéralement sur chacun des biefs. Dans beaucoup de contrées, on estime que l'irrigation judicieuse quadruple le produit du sol. En tenant compte du revenu actuel des terres et de l'augmentation assurée aux récoltes, on ne saurait estimer, dans la pratique, la plus-value moyenne du produit brut annuel d'un hectare arrosé à moins de 200 fr., et celle du produit net à moins de 150 fr.

L'irrigation appliquée à 200,000 hectares créerait ainsi, au point de vue des départements du Midi, une plus-value de 30 millions de francs en revenu brut annuel, et de 40 millions en produit net. Quant à la plus-value foncière de l'hectare arrosé, on ne saurait l'estimer à moins de 2,000 francs, soit, pour les 200,000 hectares, une augmen tation de valeur de 400 millions. Quant aux vignes, on sait qu'en des remèdes les plus efficaces contre le Phylloxera consiste à les submerger. La submersion produit des effets immédiats et certains,

ར་ ་ བ་ རྣམས་

car, outre les engrais laissés sur le sol par les eaux, elle détruit le parasite d'une manière complète et durable. Voilà l'unique remède, c'est celui que le Gouvernement doit aider à propager; et ce remède, a la création du canal des Deux Mers le mettrait à la disposition d'un grand nombre de viticulteurs, moyennant une redevance annuelle qui ne dépasserait pas 100 fr. par hectare.

Et qu'est-ce que cette dépense de 100 francs par hectare? Dans le Midi, la récolte moyenne d'un hectare est de 80 hectolitres; avec le concours de l'eau, on peut réaliser une augmentation du simple au double et peut-être au quadruple. Le prix de l'hectolitre étant estimé à 40 fr., le rendement moyen d'un hectare de vignobles serait d'environ 3,000 fr. En supposant que la submersion par les eaux disponibles du canal puisse se répandre sur un espace de 200,000 hectares, répartis dans les six départements avoisinants (Gironde, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne, Haute-Garonne, Aude et Ariège), c'est une récolte de 12 millions d'hectolitres avec 600 millions de francs que l'on aura sauvés de la destruction.

A ces revenus indirects, il faut ajouter ceux provenant des forces hydrauliques que le canal est susceptible de produire et qui doivent entrer en ligne de compte pour couvrir les intérêts du capital engagé ainsi que les frais d'exploitation. Ce produit sera d'autant plus élevé que l'eau qui aura servi pour une usine pourra en alimenter une autre située à l'aval ou servir à l'irrigation. Ce calcul montre qu'on pourra disposer ainsi, par an, d'une force minima de 50,000 chevaux. Or, les meilleures machines à vapeur n'exigent pas moins de deux kilogrammes de bonne houille par cheval et par heure. Pendant douze heures et trois cents jours de travail par an, cela fait 7,200 kilos, et à 30 fr. la tonne, on trouve une dépense de 216 fr., soit environ 10 millions pour 50,000 chevaux. Dans le projet, on a admis un revenu de 7 millions, de ce chef.

Passant aux revenus provenant du péage, M. Wickersheimer dit que la traversée du canal se fera en 70 heures, et dans ces conditions la marine à voiles et la marine mixte (voiliers marchant à la vapeur dans les cas exceptionnels seulement) prendront la voie du canal au lieu de passer par Gibraltar. Les vapeurs à grande vitesse seuls n'auront pas intérêt à traverser la France. Or le tonnage total passant par Gibraltar est actuellement de 20 millions de tonnes; à la fin du siècle il sera de 25 millions. M. Wickersheimer admet que, sur ce total, 14 millions de tonnes seront distraits actuellement de la voie de Gibraltar; ce chiffre s'élèvera à 18 millions à la fin du siècle, mais il 1 réduit ce tonnage à 5 millions pour la première année et à 11 millions

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