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Toutes les conditions du programme étaient fidèlement remplies, et le jeune artiste se flattait d'obtenir enfin la récompense de ses travaux. Mais le bruit se répand parmi les élèves, que le prix tant de fois disputé lui échappe encore. Ses rivaux eux-mêmes rendent à M. PARIS une justice que ses juges semblent lui refuser; leurs plaintes parviennent jusqu'au surintendant des bâtimens, qui se charge de les porter aux pieds du trône; et le Roi ordonne que M. PARIS sera envoyé à Rome, pour y achever ses études, dans cette même école dont il devait être un jour le directeur.

Les notes qu'il a laissées sur son premier voyage en Italie (1) montrent tout le soin qu'il avait mis à s'y préparer; la plupart sont écrites au crayon, et avec une rapidité telle, qu'on est souvent réduit à en deviner le véritable sens; mais elles n'en décèlent pas moins un observateur attentif et judicieux : quelquesunes conservent encore des traces de son goût pour l'histoire naturelle; ainsi, chemin faisant, il décrit en quelques lignes les longs bancs de craie qui affligent l'œil aux environs de Troyes; les plaines marécageuses

(1) M. PARIS a laissé également des notes sur ses autres voyages: il paraît qu'il avait pris, de bonne heure, l'habitude de se rendre compte de l'emploi de son temps. Cette méthode, dont l'utilité est incontestable, a procuré quelques renseignemens dont on a fait usage dans cette notice. On doit regretter qu'il ait jeté au feu, peu de temps avant sa mort, la plus grande partie de ses papiers; le dépouillement de ceux qui restent, procurerait sans doute beaucoup de remarques utiles, d'aperçus nouveaux. C'est un travail dont on n'a pas encore pu s'occuper avec toute l'attention qu'il mériterait.

A.

de la Bresse; le sol de la Savoie, recouvert de silex et de granits; les risières humides du Piémont, et les champs fertiles de la Lombardie; il indique les différences qu'il aperçoit dans la culture des pays qu'il parcourt. On suit avec intérêt le jeune voyageur au milieu des Alpes; tandis que la voiture qui porte ses bagages monte lentement un chemin tout bordé de précipices, on le surprend à mesurer de l'oeil la chûte d'un torrent qui s'échappe à ses pieds, ou à esquisser un point de vue dont il veut garder le souvenir. Parvenu à Milan, ses idées se concentrent sur l'objet de son voyage; il est dans la patrie des arts, il voudrait pouvoir dessiner tous les édifices qu'il rencontre; et les pages de ses tablettes n'offrent plus que des détails d'architecture.

Sa joie fut grande sans doute en entrant dans la ville des Césars: il se hâta de visiter les monumens superbes dont la gravure lui avoit donné une idée si imparfaite. L'aspect imposant de la Basilique de Saint-Pierre le frappa d'un long étonnement. Il ne pouvait se lasser d'admirer ce dôme que le génie de Michel-Ange a suspendu dans les airs; et durant plusieurs mois, il revint chaque jour payer un nouvel hommage au premier des architectes modernes.

Admis à une audience publique du souverain Pontife, il s'y conduisit à peu près comme Duclos dans une occasion semblable; mais ce qui était une inconvenance de la part du philosophe français, ne fut de celle de M. PARIS que l'effet de la timidité, naturelle à son âge. Pendant la cérémonie du baisement des pieds, il se retira dans l'encoignure d'une fenêtre,

et Clément XIV lui ayant fait signe d'approcher, il s'en excusa par des gestes que le Pape trouva si plaisans, qu'il ne fut pas le maître de conserver sa gravité. Quelques jours après, tandis que M. PARIS dessinait dans une des salles du Vatican, le Pape l'ayant reconnu, s'avança doucement et lui saisit les deux bras, comme pour l'empêcher de fuir. En reconnaissant le Pontife, il voulut tomber à genoux; mais le Pape le relint avec bonté, lui adressa plusieurs questions, et l'invita à venir souvent travailler dans son muséum, où il le verrait toujours avec plaisir."

Les environs de Rome sont ornés de palais et de jardins décorés avec autant de goût que de magnificence, et dont l'entrée est permise en tout temps aux étrangers. Ces beaux lieux, si riches de grands souvenirs, offrent à l'artiste d'inépuisables sujets d'études et de méditations, que M. PARIS sut mettre à profit. D'autres fois il parcourait les champs, couverts de débris antiques, dans l'espoir d'y découvrir quelques fragmens échappés aux recherches des archéologues. Depuis son arrivée à Rome, il avait formé le projet de rassembler des antiquités; et l'idée qu'il serait assez heureux un jour pour offrir à sa ville natale l'hommage de sa petite collection, remplissait son cœur d'une douce joie, et lui rendait faciles tous les sacrifices.

Le temps de ses études s'était rapidement écoulé. Il allait quitter, peut-être pour jamais, les jeunes amis dont il avait partagé pendant cinq ans les innocens plaisirs et les travaux : leur séparation fut amère; et il chercha des distractions à ses regrets en visitant les

principales villes de l'Italie. Une gondole le transporta dans quelques jours à Venise, où il admira les chefsd'œuvre de Palladio; il vit ensuite Padoue, Vicence, patrie de Scamozzi, et où il reçut de l'héritier de son nom et de ses talens ( M. Ottavio-Bertotti Scamozzi), l'accueil le plus flatteur; il poursuivit sa route par Vérone, Brescia, Bergame, etc., observant et dessinant tout ce que ces villes offrent de plus remarquable, et il rentra en France au mois de novembre 1774,

Il revenait à Paris à l'époque où de riches amateurs consacraient leurs loisirs et leurs fortunes à préparer ces ouvrages magnifiques qui ont tant contribué à répandre en France le goût des arts et du dessin. M. de la Borde et l'abbé de Saint-Non avaient formé le plan, l'un des Tableaux de la Suisse, l'autre du Voyage pittoresque de Naples, et tous les deux se disputèrent l'avantage de compter M. PARIS au nombre de leurs collaborateurs (1); les dessins qu'il leur fournit commençèrent sa réputation, et les jeunes gens qui annonçaient le plus de talens s'empressèrent de venir lui demander des conseils et des leçons (2). On en vit

(1) M. PARIS n'a fourni qu'un seul dessin à M. de la Borde, celui de la jolie fontaine de Vevay; mais il a travaillé plusieurs années au Voyage pittoresque de l'abbé de St.-Non, qui rendait justice à ses rares talens. On peut consulter la préface du Voyage pittoresque, et l'analyse que Brizard a publié de cet

ouvrage.

(2) Parmi les élèves qui suivirent à cette époque les leçons de M. PARIS, on se contentera de citer MM. Moreau, Percier, et ce jeune Lefaivre qu'une mort prématurée a enlevé aux arts, au moment où il se disposait à recueillir le fruit de ses études.

bientôt les heureux effets par les progrès de l'art de la gravure, dont M. PARIS peut être regardé comme un des restaurateurs en France, quoique la délicatesse de sa santé ne lui ait permis que rarement d'en employer lui-même les procédés pour multiplier les productions de ses crayons (1). ·

Il savait que le plus habile dessinateur peut n'être qu'un médiocre architecte, et il lui tardait qu'il se présentât pour lui une occasion d'appliquer les principes qu'il avait puisés à l'école des grands maîtres. M. le duc d'Aumont consentit à faire l'essai des talens de M. PARIS, en le chargeant de décorer son hôtel. Les qualités qu'il remarqua dans le jeune artiste lui inspirèrent un vif intérêt; il se déclara son protecteur, et lui fit obtenir en 1778 la place de dessinateur du cabinet du Roi, à laquelle on joignit ⚫ bientôt celle d'architecte des économats.

L'infortuné Louis XVI occupait, depuis quatre ans, un trône environné d'écueils et de dangers. Son caractère, naturellement sérieux, ne lui permettait pas de chercher ailleurs que dans la culture des arts, les distractions plus nécessaires encore aux princes qu'aux autres hommes. Les qualités que réunissait l'artiste étaient faites pour plaire au monarque; il l'estima aussitôt qu'il eût pu le connaître, et il ne cessa de lui prodiguer les témoignages de la plus honorable confiance. Le Roi désigna lui-même l'appar

(1) On ne connaît de M. PARIS que quelques eaux fortes, touchées avec beaucoup d'esprit et de vivacité ; il paraît qu'il en distribuait toutes les épreuves à ses amis, puisqu'il ne s'en est pas trouvé une seule dans ses porte-feuilles.

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