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général ses ouvrages sont encore loin de cette pureté que l'on admire dans les auteurs du siècle de LouisXIV, et même dans la première pièce de Corneille, Mélite, qui parut en 1625; mais aussi il y auroit une grande injustice à ne pas reconnoître qu'un certain nombre de morceaux de Malherbe sont d'une beauté irréprochable, et qu'on les cite après plus de deux cents ans avec autant de plaisir et d'admiration que certains passages de nos grands poëtes du grand siècle. En effet quoi de plus beau et de plus touchant que plusieurs strophes de la Consolation à M. Duperrier qui en 1599 avoit perdu sa fille au sortir de l'enfance :

Ta douleur, Duperrier, sera donc éternelle, etc.

Pouvoit-on peindre d'une manière plus délicate et avec plus de charme l'àge tendre de cette jeune personne ?

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,

L'espace d'un matin,

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Et la belle imitation d'Horace sur l'inflexibilité de la mort qui n'épargne ni le sceptre ni la houlette ne va-t-elle pas de pair avec tout ce qu'il y a de plus grand, de plus sublime dans nos meilleurs poëtes? Je ne parle pas des quatre premiers vers, La mort a des rigueurs, etc.; ils sont foibles à côté des suivans que l'on ne peut trop répéter quoiqu'ils se trouvent par-tout:

Le pauvre, en sa cabane où le chaume le couvre,

Est sujet à ses loix;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre,
N'en défend point nos rois (1).

Nous citerons encore comme morceau admirable la paraphrase d'une partie du psaume 145 :

N'espérons plus, mon ame, aux promesses du monde; etc. et plusieurs strophes de l'ode au roi Louis XIII partant en 1627 pour aller réduire La Rochelle et chasser les Anglais de l'île de Ré :

Donc un nouveau labeur à tes armes s'apprête, etc. Cette ode étoit à-peu-près le chant du cygne, car Malherbe est mort l'année suivante. Il a vécu sous six de nos rois savoir trois ans sous Henri II, mort en 1559; un an sous François II, mort en 1560; quatorze ans sous Charles IX, mort en 1574; quinze ans sous Henri III, mort en 1589; vingtun ans sous Henri IV, mort en 1610, et dix-huit ans sous Louis XIII qui a vécu jusqu'en 1643.

(1) Étoit-il possible de rendre plus poétiquement?

Pallida mors æquo pulsat pede pauperum tabernas,
Regumque turres.

Croiroit-on que Racan, l'élève et l'ami de Malherbe, mais qui lui est postérieur, puisqu'il est né en 1589, et qu'il est mort en 1670, a rendu ainsi ce passage d'Horace ?

Les loix de la mort sont fatales

Aussi bien aux maisons royales,

Qu'aux taudis couverts de roseaux.

Tous nos jours sont sujets aux Parques ; ·
Ceux des bergers et des monarques

Sont coupés des mêmes ciseaux.

Comment Racan qui ne manquoit pas de goût, a-t-il osé traiter ce sujet après son maître, et surtout le traiter d'une manière aussi ridicule?

JULE MASCARON (n. 1634-m. 1703), óratorien, a eu beaucoup de vogue comme prédicateur ; cependant il ne reste de lui qu'un recueil d'oraisons funèbres (Paris, 1740, in-12), parmi lesquelles on distingue celle de Turenne qu'il prononça en 1675 aux Carmelites du grand couvent de Paris où le cœur du héros fut déposé, Mme. de Sévigné parle de cette oraison dans ses lettres avec la plus grande admiration, et désespère que Fléchier puisse soutenir la concurrence. Il l'a cependant soutenue, mais par des moyens différens : il est plus pur, plus égal, plus nombreux que Mascaron; et Mascaron l'emporte sur Fléchier par la force, la rapidité et les mouvemens. On pourroit peut-être encore citer de Mascaron son éloge du célèbre Pierre Seguier, chancelier, prononcé à Pontoise en 1672; mais pour celle d'Anne d'Autriche, femme de Louis XIII, prononcée en 1666; celle d'Henriette d'Angleterre, aussi célébrée par Bossuet, et celle du duc de Beaufort, prononcée en 1670; on ne peut en faire mention, car elles se sentent encore du mauvais goût qui dominoit dans la chaire avant les Bossuet, les Bourdaloue, les Fléchier. Aussi Thomas a fort bien observé dans son Essai sur les Éloges, chap. xxxi, que « Mascaron fut dans le genre des oraisons funè bres, ce que Rotrou fut pour le théâtre. Rotrou an nonça Corneille, et Mascaron Bossuet. »

J.-B. MASSILLON (n. 1663—m. 1742) est un de ces auteurs rares dont les différens ouvrages of

frent une telle perfection, qu'on est presque embarrassé pour désigner ceux qui méritent la préférence sur les autres. Son premier Avent et son Grand-Carême qu'il a prêchés à Versailles devant Louis XIV (1), sont une suite presque continue de chefs-d'œuvre parmi lesquels on doit distinguer le sermon sur le petit nombre des Élus : « Ce sermon dit M. Maury, également travaillé dans toutes ses parties, me paroît le plus bel ouvrage de Massillon et le plus parfait de tous les discours de morale ; je le place avec confiance en première ligne à la tête de tous ses autres chefs-d'œuvre, avec son sermon sur la Divinité de J.-C., et le second de l'Avent sur la Mort du Pécheur et la Mort du Juste, quoiqu'on puisse reprocher à ce dernier une duplicité manifeste du sujet. » Malgré cela rien de plus parfait que les deux tableaux du pécheur et du juste mourans.

Le Petit-Carême est le plus précieux recueil de sermons, ou pour mieux dire, de discours moraux mis à la portée de tout le monde, mais destinés à

(1) C'est à la fin de ce carême, en 1704, que Louis XIV dit publiquement à Massillon : « J'ai entendu dans ma chapelle plusieurs prédicateurs dont j'ai été très satisfait; mais en vous écoutant, j'ai été mécontent de moi-même; je veux vous entendre désormais tous les deux ans. » L'intrigue et la jalousie s'opposèrent à une si juste préférence; Massillon ne reparut plus dans la chaire de Versailles pendant les onze dernières années de Louis-le-Grand. Ce n'est qu'en 1718, qu'à peine nommé à l'évêché de Clermont, sous la Régence, il fut invité à prêcher dans la chapelle des Tuileries, en présence de Louis XV âgé de huit ans, les premiers sermous que ce prince ait entendus et qui composent le Petit Caréme.

ceux qui doivent commander. « Les péroraisons surtout sont, selon M. Dussault, des chefs-d'œuvre de grâce et de sensibilité. Qu'on se représente Massillon formant des voeux à la fin de chacun des discours du Petit-Carême, pour un roi enfant échappé des ruines de toute sa famille ; quelle situation! mais aussi quelle éloquence! Jetez les yeux du haut du ciel, grand Dieu, et voyez ici à vos pieds cet enfant auguste et précieux, la seule ressource de la monarchie, l'enfant de l'Europe, le gage sacré de la paix des peuples et des nations : les entrailles de votre miséricorde n'en sont-elles pas émues? Regardez-le, grand Dieu, avec les yeux et la tendresse de toute la nation; écoutez la première voix de son cœur innocent qui vous dit ici comme autrefois un saint roi: Dieu de mes pères, regardez-moi..... Sauvez le fils d'Adélaïde, des Blanches, des Clotildes, et de tant de pieuses princesses qui me portent encore devant vous dans leur sein, et comme l'enfant de leur amour et de leurs plus chères espérances....... L'enfant roi étoit à genoux au pied de l'autel quand l'orateur prononçoit du haut de la tribune sacrée ces attendrissantes paroles qui tiroient des larmes aux cœurs les plus endurcis d'une Cour frivole et corrompue, et qui nous pénètrent encore du sentiment le plus vif et le plus tendre. » (Quel rapprochement! Massillon, s'il existoit encore, pourroit-il dans les circonstances où nous nous trouvons, s'exprimer autrement?) « Les péroraisons du PetitCarême, continue M. Dussault, suffiroient pour le

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