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Ah! sans doute, si ce malheur arrive, votre esprit ne trouvera plus, ni le jour ni la nuit, un seul instant de repos : tourmenté d'insomnie, furieux, hors de vous, on vous verra frappé d'un funeste égarement. Car je tiens pour vrai que l'œil de la divinité est ouvert sur les actions de tous les mortels; qu'il n'en est aucune, bonne ou mauvaise, dont il ne soit tenu compte; et que, suivant la loi invariable de la nature, les bons et les méchans reçoivent un jour chacun leur récompense. Quelquefois ce prix peut être tardif; mais chacun peut déjà, dans sa conscience, lire au fond de son cœur ce qui lui est réservé.

XIII. Si la patrie, si les auteurs de vos jours pouvaient prendre la parole, voici ce qu'ils vous diraient : « O César! nous les plus vaillans des hommes, nous t'avons fait naître dans la première des villes, pour être notre gloire, notre appui, la terreur des ennemis. Ce que nous avons acquis au prix de mille travaux, de mille dangers, nous te l'avons confié dès ta naissance avec la vie: nous t'avons donné une patrie grande aux yeux de l'univers, et, dans cette patrie, une origine, une famille illustre; avec cela de grands talens, une fortune digne de ton rang; enfin tout ce qui procure les honneurs de la paix, les récompenses de la guerre. Pour prix de si grands bienfaits, nous ne te demandons aucun crime, aucune bassesse, mais de relever la liberté détruite : accomplis cette tâche, et la gloire due à ton courage se propagera parmi les nations. Car, aujourd'hui, malgré tes belles actions dans la paix et dans la guerre, ta renommée cependant est encore égalée par celle de plusieurs viris fortibus æqualis est: si vero urbem amplissumo nomine, et maxumo imperio, prope jam ab occasu restitueris, quis te clarior, quis major, in terris fuerit? Quippe si morbo jam, aut fato huic imperio secus accidat; cui dubium est, quin per orbem terrarum vastitas, bella, cædes, oriantur? Quod si tibi bona lubido fuerit, patriæ, parentibus gratificandi; postero tempore, republica restituta, super omnis mortales gloria agnita, tuaque unius mors vita clarior erit. Nam vivos interdum fortuna, sæpe invidia fatigat : ubi anima naturæ cessit, demtis obtrectationibus, ipsa se virtus magis magisque extollit. >>

Quæ mihi utilia factu visa sunt, quæque tibi usui fore credidi, quam paucissumis potui, perscripsi. Ceterum deos immortales obtestor, uti, quocumque modo ages, ea res tibi reique publicæ prospere eveniat.

vaillans capitaines: mais, si à ta patrie sur le penchant de sa ruine tu rends et tout l'éclat de son nom et toute l'étendue de sa puissance, qui, dans l'univers, sera plus illustre, sera plus grand que toi? Si, en effet, par son état de consomption ou par les coups du sort, cet empire venait à succomber, qui peut douter qu'aussitôt le monde entier ne fût livré à la désolation, à la guerre, au carnage? Mais, si, animé d'une généreuse inspiration, tu assures le repos de tes pères, dès lors, restaurateur de la chose publique, tu effaceras, de l'aveu de tous, la gloire de tous les mortels, et ta mort seule pourra ajouter à l'éclat de ta vie. Ici-bas, en effet, exposés quelquefois aux coups du sort, nous le sommes souvent aux attaques de l'envie; mais, avons-nous payé le tribut à la nature, l'envie se taît, et la vertu s'élève et brille de jour en jour d'un nouvel éclat. »

Telles sont, général, les vues qui m'ont paru utiles et convenables à vos intérêts; je vous les ai indiquées le plus brièvement que j'ai pu. Au reste, quel que soit le plan que vous adoptiez, je prie les dieux immortels qu'il tourne à votre avantage et à celui de la république.

EPISTOLA SECUNDA.

1. PRO RO vero antea obtinebat, regna, atque imperia, fortunam dono dare, item alia, quæ per mortalis avide cupiuntur: quia et apud indignos sæpe erant, quasi per lubidinem data; neque cuiquam incorrupta permanserant. Sed res docuit, id verum esse, quod in carminibus Appius ait, « Fabrum esse suæ quemque fortunæ : >> atque in te maxume, qui tantum alios prætergressus es, uti prius defessi sint homines laudando facta tua, quam tu laude digna faciundo. Ceterum uti fabricata, sic virtute parta, quam magna industria haberi decet : ne incuria deformentur, aut corruant infirmata. Nemo enim alteri imperium volens concedit : et quamvis bonus, atque clemens sit, qui plus potest tamen, quia malo esse licet, formidatur. Id evenit, quia plerique rerum potentes perverse consulunt : et eo se munitiores putant, quo illi, quibus imperitant, nequiores fuere.

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At contra id eniti decet; quum ipse bonus, atque strenuus sis, uti quam optumis imperites. Nam pessumus quisque asperrume rectorem patitur.

SECONDE LETTRE.

I.

C'ÉTAIT autrefois une vérité reçue, que la fortune était la dispensatrice des royaumes, de la puissance et de tous les biens que convoitent si avidement les mortels; et, en effet, ces dons étaient souvent départis, comme par caprice, à des sujets indignes, et entre les mains desquels ils ne tardaient pas à déchoir. Mais l'expérience a démontré combien Appius a eu raison de dire dans ses vers : « Chacun est l'artisan de sa fortune. » Et cela est encore plus vrai de vous, César, qui avez tellement surpassé les autres hommes, qu'on se lasse plus tôt de louer vos actions que vous d'en faire qui soient dignes d'éloges. Mais, tout comme les ouvrages de l'art, les biens conquis par la vertu doivent être conservés avec le plus grand soin, de peur que la négligence n'en laisse ternir l'éclat, ou n'en précipite la ruine. En effet, qui volontairement cède à un autre l'autorité? et, quelle que soit la bonté, la clémence de celui qui a le pouvoir, on le redoute cependant, parce qu'il peut, s'il le veut, être méchant. Cela vient de ce que la plupart des hommes revêtus de la puissance en usent mal, et pensent qu'elle sera d'autant plus assurée que ceux qui leur sont soumis seront plus corrompus.

Mais vous devez au contraire, puisque chez vous la bonté s'allie à la fermeté, faire en sorte de n'avoir à commander qu'aux hommes les plus vertueux : car pire on est, et plus impatiemment souffre-t-on un chef.

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