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Voltaire fait-il une tragédie, c'est l'esprit qui lui dicte ces tirades ambitieuses, ces sentences à prétention si contraires à la vérité du dialogue; c'est lui qui met dans la bouche de Zaïre une dissertation sur l'influence de l'éducation; dans celle d'Orosmane, un abrégé de l'histoire universelle; dans celle d'Alzire,

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peuple, mais la narration rapide et tranchante de quelques événemens remarquables; ce sont quelques scènes d'un grand drame, auxquelles il manque une exposition, un nœud, un dénouement. Le morceau d'histoire le plus important dans les écrits de Voltaire, est son Essai sur l'histoire générale.... ..... » On sait qu'elle commence où a fini celle de Bossuet qui, dans son admirable Discours, « a lié l'histoire du genre humain à celle du peuple de Dieu, et fait dépendre tous les grands événemens historiques du seul fait de l'établissement du christianisme. Le plan de Voltaire paroît être la contre-partie de celui de Bossuet; et l'intention générale de son Essai, est que la Religion a été la cause de tous les maux et de tous les désordres de l'univers. C'est à-peu-près comme si l'on rejetoit sur la santé toutes les infirmités humaines, parce qu'effectivement on est malade avant de recouvrer la santé, et on meurt quand on l'a perdue. Ce plan est triste et faux; il nie la Divinité, et ruine la société par ses fondemens. Le mal, quelque répandu qu'il soit, n'est qu'un défaut, une exception, et ne peut être le sujet d'une histoire générale. Aussi cet Essai prétendu général est tout-à-fait particulier et partial; l'histoire de la Religion est l'histoire des papes; l'histoire des peuples, celle de quelques chefs; l'histoire de la société, celle de quelques hommes. Au lieu d'événemens, des anecdotes dont il est aussi aisé de pénétrer le motif que difficile de découvrir la source; au lieu de réflexions, des épigrammes : toujours le hasard; par-tout des vices et du désordre, une recherche continuelle de contraste entre ce qu'il y a de plus grand dans la société et ce qu'il y a de plus petit dans l'homme, je veux dire ses passions. Cette manière familière à Vol. taire, donne à l'histoire un air querelleur et chagrin, incompatible avec sa dignité et son impartialité............. »

un traité sur le suicide; Voltaire, touché de la plus noble ambition, veut-il enrichir d'un poëme épique la littérature française, c'est encore l'esprit qui lui fait illusion sur l'invention, le plan et l'ensemble de l'ouvrage, et qui lui persuade que le cliquetis des contrastes et des oppositions, que l'enluminure des portraits, que la malignité des déclamations anti-religieuses, que la pompe des réflexions philosophiques, pourront suppléer à ces créations magnifiques et sublimes, à ces grands tableaux, à cette peinture animée des caractères, à ces passions vives et variées, à cette connoissance profonde du cœur humain toujours peint par les actions et jamais disséqué par l'analyse, qui caractérisent et feront vivre à jamais les ouvrages des grands maîtres. S'est-on jamais avisé de dire qu'Homère, que Virgile, que Démosthène, Cicéron, Boileau, Racine, Bossuet, Bourdalone, Massillon, avoient de l'esprit? C'est un mérite qu'on ne daigne pas remarquer en eux ; c'est une pensée qui ne se présente pas en lisant leurs ouvrages malheureusement, c'est presque la seule qui se présente en lisant ceux de Voltaire. » Ce jugement nous paroît sévère, mais est-il injuste? Nous ne le pensons pas. Au contraire, nous sommes d'autant plus disposé à croire à l'impartialité de l'auteur, que, malgré des mais de restriction à la suite de chaque éloge, il se plaît à rendre justice à Voltaire ; il convient que « dans ses poésies légères et dans ses contes, il a une grâce et un agrément bien rares..... j qu'en général son style est clair, élégant, souple,

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facile, harmonieux ; que la justesse de son esprit l'a préservé de cette manie des systêmes, de cette métaphysique ténébreuse, de ce galimatias scientifique, qui infectent la plupart des productions du XVIII. siècle.....» Il convient encore que «les productions littéraires de Voltaire, prises en totalité, sont très saines; il possédoit bien les principes, et il en fait des applications fort justes dans ses critiques; mais, ajoute-t-il, il ressembloit à ces hommes qui connoissent à fond la morale, qui en dissertent très doctement, et qui cependant ne pratiquent point les vertus qu'elle enseigne : aucun des ouvrages sortis de sa plume n'est véritablement classique; aucun ne peut servir de modèle. »

JEAN-JACQUES ROUSSEAU (n. 1712-m. 1778), faisoit, dès son bas âge, sa lecture favorite des Vies de PLUTARQUE. Il raconte dans ses Confessions, qu'après avoir lu beaucoup de romans, à l'âge de sept ans, pour amuser son père (horloger à Genève) pendant qu'il travailloit, il se trouva heureusement un ministre, homme de goût et d'esprit, qui lui procura de bons livres, à la lecture desquels il prit, dit-il, un goût rare et peut-être unique à son âge. Ces livres dont il donne la nomenclature sont l'Histoire de l'Église et de l'Empire, par LE SUEUR; le Discours de BossUET sur l'Histoire universelle; les Hommes illustres de PLUTARQUE ; l'Histoire de Venise, par NANI; les Métamorphoses d'OVIDE les Caractères de LA BRUYÈRE; les Mondes de FoN

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TENELLE, ses Dialogues des Morts, et quelques tomes de MOLIÈRE. Rousseau exprime ailleurs (CONF. liv. vi) le goût particulier qu'il avoit pour certains livres dans un âge plus avancé : « Ceux qui mêloient la dévotion aux sciences m'étoient, dit-il, plus convenables ; tels étoient particulièrement ceux de l'Oratoire et de Port-Royal. Je me mis à les lire ou plutôt à les dévorer. Il m'en tomba dans les mains un du P. LAMI, intitulé: Entretiens sur les sciences. C'étoit une espèce d'introduction à la connoissance des livres qui en traitent; je le lus et le relus cent fois; je résolus d'en faire mon guide (1). Enfin je me sentis entraîné peu à peu vers l'étude avec une force irrésistible; et tout en regardant chaque jour comme le dernier de mes jours, j'étudiois avec autant d'ardeur que si j'avois dû toujours vivre. » Il est encore un livre dont Rousseau parle dans son Émile (liv. 1) avec un intérêt bien marqué; cela n'est point surprenant: un roman dont le héros obligé de vivre loin des hommes, est indépendant et pourvoit seul à tous ses besoins, devoit singulièrement plaire au philasophe genevois. Mais écoutons l'instituteur d'Émile lui-même : « Puisqu'il nous faut absolument des li

(1) C'est en effet un bon livre. Je l'ai lu avec attention; il est maintenant un peu suranné; il seroit à refaire, parce que les sciences et les arts ont fait des progrès depuis sa publication qui date de plus d'un siècle (1706, in-12); mais ou y trouve d'excellentes choses sur les parties les plus solides des connoissances humaines, et à chaque page la Religion y marche de front avec l'érudition. La dernière édition des Entretiens sur les sciences est de 1724, in-12.

vres, il en existe un qui fournit à mon gré le plus heureux traité d'éducation nationale. Ce livre sera le premier que lira mon Émile: seul il composera durant long-temps toute sa bibliothèque, et il y tiendra toujours une place distinguée. Il sera le texte auquel nos entretiens sur les sciences naturelles ne serviront que de commentaire. Il servira d'épreuve durant nos progrès à l'état de notre jugement, et tant que notre goût n'y sera pas gâté, sa lecture nous plaira toujours. Quel est donc ce merveilleux livre? Est-ce Aristote? Est-ce Pline? Est-ce Buffon? Non ; c'est Robinson Crusoé ( de Foë) ...... Ce roman débarrassé de tout son fatras, commençant au naufrage de Robinson près de son île, et finissant à l'arrivée du vaisseau qui vient l'en tirer, sera tout à la fois l'amusement et l'instruction d'Émile..... >>

Parmi les hommes d'un grand mérite auxquels Rousseau s'est plu à rendre justice, il faut compter le célèbre Linnée. Il en parle ainsi dans ses Confessions : « Je passois trois ou quatre heures de la matinée à l'étude de la botanique, et surtout du systême de LINNAEUS, pour lequel je pris une passion dont jamais je n'ai pu bien me guérir, même après en avoir senti le vide. Ce grand observateur est, à mon gré, le seul avec LUDWIG, qui ait vu jusqu'ici la botanique en naturaliste et en philosophe; mais il l'a trop étudiée dans des herbiers et dans des jardins, et pas assez dans la nature elle-même. >>

Quand on litavec attention les écrits de Rousseau, on est obligé de convenir qu'il s'étoit bien pénétré

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