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vrir l'origine de cette institution dans la constitution servienne dont j'ai montré le caractère transactionnel. On voit très bien, avec cette explication, pourquoi l'élection et la loi sont soumises à deux assemblées, et l'on comprend très bien pourquoi l'une d'elles, la patricienne, a un rôle confirmatoire et aussi pourquoi elle perd peu à peu son influence à mesure que le temps affaiblit le patriciat. On comprend enfin pourquoi on a pu l'affaiblir, mais non la supprimer.

Il n'est donc nullement nécessaire, dans notre opinion, de faire intervenir aucune idée nouvelle pour justifier l'auctori tas patrum. Elle n'est l'œuvre ni d'une chambre haute, ni ni d'un Sénat constitutionnel, ni d'un tuteur d'un peuple enfant, incapable de gérer ses affaires; elle est tout simplement la part faite aux patriciens dans la législation et les élections, au moment où, par suite d'un accord, Servius Tullius transforma la cité patricienne en une cité patricio-plébéienne.

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L'auctoritas ainsi comprise, il sera aisé de résoudre celte autre question non moins débattue que celle que nous venons d'étudier : quels sont les actes qui sont soumis à cette ratification des patriciens?

Je réponds tous les actes qui avant la réforme servienne étaient du ressort des curies et qui, depuis lors, ont été attribués aux centuries. Ceci a besoin de quelques explications.

1. Elections. Avant l'institution des centuries, les curies élaient appelées à voter l'élection du roi et les propositions de loi. Sous l'empire de la constitution servienne, les centuries élisent les magistrats, héritiers du pouvoir royal, qui sont revêtues de l'imperium; les curies ratifieront ces élections. Si, par la suite, les centuries élisent d'autres magistrats, comme les censeurs, qui n'ont pas d'imperium, parce que

leurs attributions ne constituent pas un démembrement de la royauté primitive, les curies ne peuvent prétendre, en ce cas, exercer leur droit de ratification: ce ne serait pas en effet ici la continuation de leur droit primitif, mais l'acquisition d'un droit nouveau. Voilà pourquoi l'élection des censeurs, au lieu d'être soumise à la ratification des curies, est portée aux centuries qui, en ce cas, votent deux fois au sujet du même magistrat. On a fait ici quelque chose d'analogue à ce qui était pratiqué dans les élections des magistrats cum imperio.

De même, les autres magistrats sine imperio ne sont pas soumis à la lex curiata, soit parce que, comme les censeurs leurs pouvoirs ne découlent pas de la potestas regia que conféraient primitivement les comices curiates, soit parce que ces magistrats ne sont pas élus par les centuries, mais par les tribus, car les décisions de ses dernières échappent, on va le voir, à l'auctoritas (1).

2. Lois centuriates.

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- Toutes les lois votées par les centuries doivent être ratifiées par les patres; les textes ne nous autorisent à admettre aucune exception à cet égard (2).

3. Lois curiates. Il résulte même de deux de ces textes que les lois curiates, comme les lois centuriates, seraient soumises à l'auctoritas (3). Mais il est permis d'hésiter sur ce point. Est-il bien certain, en effet, qu'il y ait, depuis la réforme servienne, de véritables lois curiates? Je n'en vois guère qu'une de cette espèce: la loi ayant pour objet de conférer le patriciat (cooptatio); mais elle est hors d'usage depuis l'établissement du consulat. Il est vrai qu'il subsiste encore, dans le même ordre d'idées, la loi curiate conférant le patriciat par voie d'adoption ou portant renonciation au patriciat (detestatio sacrorum). Mais en présence du texte de

(1) Voy. Inst. polit., § 50 a.

(2) Liv. 1, 17; 8, 12.

(3) Liv. 6, 41: Nec centuriatis nec curiatis comitiis patres auctores fiant. Cic. de dom. 14, 38: Ita populus Romanus brevi tempore... habebit... neque auctores centuriatorum et curiatorum comitiorum.

MISP. Etudes.

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Gaïus et de celui de Cicéron, il est difficile d'affirmer qu'elle fût autre chose qu'une simple formalité à l'époque de Tite-Live ou de Cicéron (1). Je suppose plutôt que ces deux auteurs, en déclarant que les lois des curies étaient soumises à l'auctoritas, ont oublié la véritable origine de cette institution et qu'ils ont cru, bien à tort, que le double vote était en usage sous la royau té parce qu'ils l'ont vu pratiqué de leur temps, tandis que nous avons démontré qu'il n'a été en vigueur que depuis la réforme servienne. C'est probablement aux lois curiates de la royauté qu'ils ont songé et non à celles de l'époque ultérieure.

La preuve qu'il en est ainsi, c'est que Tite-Live en parlant de la loi Publilia nous dit qu'elle concernait exclusivement les comices centuriates. Si les curies avaient été soumises a l'auctoritas, il est évident que cette loi ne pouvait les passer sous silence (2). Enfin ceux qui admettent cette opinion sont dans l'impossibilité d'en montrer une seule application pratique (3).

4. Comices tributes. Quant aux votes des assemblées tributes (comitia ou concilia tributa) en matière électorale ou législative, ils doivent, si notre point de vue est exact, être soustraits complètement à l'auctoritas. En effet, aucune des deux raisons par lesquelles nous avons justifié ce droit de ratification par rapport aux centuries ne saurait être éten

(1) Gell. 5, 19;17, 25. Cic. de dom.77; de leg. agr.2, 11 (Voy. supra p. 110 note 1) En adoptant sur ce point l'opinion de Tite-Live et de Cicéron, on s'est mis dans un grand embarras: on n'a pu trouver aucune application pratique de cette théorie.Mommsen (Roem. Forsch. 1,239) soumet à l'auctoritas les lois conférant ou restituant le patriciat. La première est l'adrogation; nous avons vu qu'il était douteux qu'elle fût une véritable loi. Quant à la seconde, la restitution du patriciat, la loi curiate, à supposer qu'elle ait été nécessaire dans ce cas, n'aurait été mise en pratique qu'une seule fois dans tout le cours de l'histoire de Rome, lors du rappel de Camille. Willems (Le Sénat, 2, 100) ne voit qu'une seule loi curiate qui puisse être soumise à l'auctoritas : la loi de imperio. Et encore avoue-t-il que les textes n'en parlent point. Voilà en effet une véritable lex curiata, la seule dont le caractère ne soit pas douteux dans la période républicaine; on ne comprend donc pas pour quel motif Mommsen déclare qu'elle n'est point soumise à l'auctoritas.

(2) Liv. 8, 12: ut legum, quae comitiis centuriatis ferrentur, etc. (3) Voy. suprà p. 110 note 1.

due aux tribus. Ces assemblées, on le sait, n'ont rien enlevé aux curies; elles ont créé des magistrats d'un caractère tout à fait nouveau, et voté des propositions auxquelles; durant deux siècles, on a contesté la force obligatoire. L'auctoritas ne pouvait s'appliquer à de pareils votes. D'autre part, on sait aussi que les assemblées tributes ne présentent aucun caractère religieux et que c'est précisément à l'absence de tout lien de ce genre qu'il faut attribuer leur développement et leurs progrès. Si l'auctoritas leur avait été imposée, elles n'auraient pas eu une si brillante fortune de l'an 260 au Ve siècle. Enfin la loi Publilia, au témoignage de Tite-Live, n'a modifié la procédure que relativement aux comices centuriates. C'est donc qu'elle ne s'appliquait pas aux autres.

On cite, il est vrai, trois exemples de décisions d'assemblées tributes ralifiées par la patrum auctoritas (1). La première est relative au vote de la loi Manlia établissant, en 397, l'impôt du vingtième sur les affranchissements; cette loi fut votée dans le camp de Sutrium, puis les patres auctores fuerunt ajoute Tite-Live (2). La seconde loi rapportée aussi par Tite-Live aurait trait à l'élection, en 545, du premier plébéien au sacerdoce de grand Curion (3). Enfin un autre passage du même historien se réfèrerait à l'élection des édiles curules (4). Mais le dernier de ces textes ne dit nullement ce qu'on veut lui faire dire. On y voit simplement que les patres durent ratifier « tous les comices de cette année. » De quels

(1) Mommsen, Rom. Forsch. 1, 158, 240.

(2) 7, 16: Ab altero consule nihil memorabile gestum, nisi quod legem novo exemplo ad Sutrium in Castris tributim de vicesima eorum qui manumitterentur tulit. Patres, quia ea lege haud parvum vectigal inopi aerario additum esset, auctores fuerunt.

(3) Liv. 27,8: comitia maximi curionis... vetus excitaverunt certamen patriciis negantibus C. Mamilii Atelli, qui unus ex plebe petebat, haben dam rationem esse, quia nemo ante eum nisi ex patribus id sacerdotium habuisset. Tribuni appellati ad senatum rejecerunt ; senatus populi potesalem fecit; ita primus ex plebe creatus maximus curio C. Mamilius Atel

us.

(4) Id. 6, 42: factum senatus consultum ut duoviros aediles ex patribus dictator populum rogaret, patres auctores omnibus ejus anni comitiis fie

rent.

comices s'agit-il? Tite-Live ne s'explique pas à cet égard, mais il est bien évident qu'il s'agit, comme le dit fort bien M. Willems, des comices soumis à l'auctoritas (1). On ne peut donc tirer de là aucun argument ni pour, ni contre l'auctoritas relativement aux comices tributes.

Quant à l'élection du premier grand curion plébéien, il y a deux bonnes raisons pour écarter ce texte du débat : la première, c'est que personne ne peut affirmer que son élection soit dévolue aux tribus (2); la seconde, c'est que rien dans le passage de Tite-Live ne prouve que l'opposition des patricii consiste véritablement ici dans le refus de l'auctoritas, puisque l'historien n'emploie pas la formule consacrée : patres auctores, patrum auctoritas (3).

Reste le premier texte. Celui-ci, à la vérité, dit bien : patres auctores fuerunt; d'autre part, ces patres interviennent après le vote de la loi, ce qui s'accorde avec la procédure habituelle de l'auctoritas. Il me semble cependant que malgré toutes ces apparences, on peut soutenir qu'il est question du Sénat et non des patriciens. Cette loi Manlia venait d'être volée dans des conditions bien singulières. Le consul Manlius, en faisant procéder au vote dans le camp, sans avoir pris l'avis du Sénat naturellement, ce qui constituait une grave infraction à la coutume, alors que tous les citoyens jouissant de leurs droits électoraux n'ont pu y participer, ce consul avaitil accompli un acte régulier et valable? La question étail au moins discutable. Le Sénat pouvait donc, en usant d'un droit incontestable, émettre l'avis que ce vote ne constituait pas une loi et que dès lors il n'obligeait pas les citoyens ea lege populum non teneri. Il ne le fit point. Pourquoi? parce que, nous dit Tite Live, le nouvel impôt allait constituer une

(1) Le Sénat 2, 87. Il est évident en effet qu'on ne peut prendre à la lettre les mots omnibus ejus anni comitiis, sans quoi il faudrait appliquer l'auctoritas même aux élections des tribuns. D'ailleurs le sens le plus naturel est que ce sénatus-consulte concerne les élections accomplies à ce moment et non les futures.

(2) Voy. Inst., polit., 1, p. 197; 2, p. 399.

(3) Telle est aussi l'opinion de Willems.

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