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Ainsi l'opinion, d'après laquelle l'auctoritas serait dévolue au Sénat tout entier, ne peut se fonder ni sur l'explication philologique de la formule patres, patricii auctores, ni sur les faits historiques. Elle aboutit à des conséquences inadmissibles au point de vue de l'esprit général de la constitution romaine et tout particulièrement au point de vue du rôle du Sénat vis-à-vis des magistrats.

2. Opinion de M. Mommsen. J'arrive maintenant au système présenté d'abord par Huschke et Rubino (1), développé plus tard par M. Mommsen (2) et qui actuellement est généralement adopté en Allemagne (3). Dans ce système, ce seraient les sénateurs patriciens qui disposeraient de l'auctoritas.

Cette opinion se fonde sur un téxte unique, la formule patres et conscripti, que quelques auteurs anciens traduisent ainsi: sénateurs patriciens, et sénateurs plébéiens. Cette étymologie a été l'objet d'une réfutation victorieuse de la part de M. Willems (4). Nous n'avons rien à y ajouter. Nous rappelerons seulement que le mot patres, chez nos deux auteurs principaux, Tite-Live et Cicéron, est toujours employé dans l'un de ces deux sens « patriciens» ou « sénateurs » et jamais dans celui de « sénateurs patriciens ».

Cette opinion n'a pour elle ni les textes, ni les faits historiques. Sa seule raison d'être, c'est qu'elle a été imaginée pour concilier entre elles les deux formules patres auctores et patricii auctores. Or nous avons vu que, dans notre système, ces termes n'étaient nullement contradictoires. Comme elle attribue, ainsi que la précédente, au Sénat, à un Sénat restreint sans doute, mais en somme au Sénat l'exercice de l'auctoritas, il en résulte qu'on peut lui adresser à peu

(1) Servius Tullius, p. 403 sq. Untersuchungen, p. 349. (2) Roem. Forsch. p. 218 sq.

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(3) Voy. la bibliographie dans Soltau, Entstehung, p. 109. Il faut ajouter à la liste des partisans de la théorie de M. Mommsen les noms de Karlowa et d'Herzog.

(4) Le Sénat, 1, p. 638 sq (2o éd.): « La formule patres conscripti et l'époque de l'admission de la plèbe au Sénat. »>

près toutes les critiques que nous avons formulées contre M. Willems. C'est ainsi notamment qu'on peut lui reprocher de faire jouer au Sénat un rôle incompatible avec les droits du peuple et avec ceux des magistrats. Sans doute ici, grâce à la distinction du Sénat purement patricien et du Sénat patricio-plébéien, on ne s'expose pas à l'inconvénient de faire voter deux fois la même assemblée sur le même objet. Mais, à cette exception près, toutes mes objections contre l'opinion précédente subsistent contre cette nouvelle théorie. On peut y ajouter celle-ci, qui est peut-être la plus grave de toutes, c'est que, dans les auteurs anciens, on ne trouve pas la moindre trace de l'existence de cette assemblée purement patricienne (1).

Enfin M. Mommsen, comme M. Willems, adoptant l'idée que les votes des comices par curies étaient soumis à la patrum auctoritas, il s'ensuit nécessairement que l'élection d'un consul, par exemple, devrait donner lieu aux quatre opérations suivantes: 1° vote des comices par centuries; 2o auctoritas patrum du Sénat; 3° lex curiata de imperio; 4o nouvelle auctoritas. M. Mommsen a tenté, mais en vain, d'éluder cette conséquence qui découle fatalement de sa théorie, en niant purement et simplement l'application de l'auctoritas à l'hypothèse de la loi curiate (2). M. Willems ne l'a pas suivi dans cette voie; il a franchement reconnu que si la ratification devait être pratiquée à l'égard d'une loi curiate quelconque, c'était assurément à la seule qui eût un caractère public, à la loi curiate de imperio. Cela n'est pas douteux. Mais comment concilier cette double intervention des patres dans le même acte avec les récits des auteurs anciens? comment en fournir une explication raisonnable?

3. Opinion de M. L. Lange. - La troisième solution est celle de M. Lange; elle attribue l'auctoritas aux patres familiarum patriciens. L'auteur, après avoir partagé longtemps sur

(1) Willems, Le Sénat, 2, p 52.

(2) Voy. suprà. p. 114 n. 1

cette difficulté l'opinion de Niebuhr, a cru devoir changer d'avis et proposer une nouvelle solution. Jusqu'ici il a trouvé peu de partisans. C'est qu'en effet sa doctrine se heurte à ce príncipe fondamental que, dans le droit public des romains, il n'y avait aucune distinction à faire entre le pater et le filius familias. (1) Comment admettre dès lors, étant donné le fractionnement, je dirai même l'émiettement des gentes patriciennes, qu'il ait pu subsister jusqu'à la fin de la république une corporation active, effective, composée de l'ensemble des chefs de famille patriciens? (2)

4. Opinion de M. Pantaleoni. Je mentionne en terminant l'opinion de M. Diomede Pantaleoni qui est d'accord avec moi pour la période républicaine. Quant à la période royale, je ne saurais avec lui reconnaître que l'auctoritas appartenait au Sénat, puisque, ainsi que je crois l'avoir démontré, cette institution n'existait pas encore.

5. Conclusion. - En résumé donc les objections présentées contre notre explication de l'auctoritas patrum ne parviennent pas à l'ébranler, et les diverses solutions qu'on a proposées pour la remplacer sont loin d'être satisfaisantes.

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Notre manière de voir se concilie parfaitement avec tous les textes des auteurs anciens; nous n'avons rejeté leur témoignage que sur un point peu important, la date de l'origine de la patrum auctoritas. Elle ne s'accorde pas moins avec les principes certains du droit public romain, notamment avec ceux qui règlent les rapports des magistrats avec le Sénat et les comices. Nul besoin, non plus, de recourir à l'hypothèse pour justifier la nature et la portée de cette institution. Enfin, dans notre système, on explique aisément deux difficultés que personne n'a encore songé à élucider: pourquoi la réforme du ve siècle, au lieu de se borner à rendre illusoire l'auctoritas, ne l'a pas abolie et pourquoi les

(1) Cic. de inv. 2, 17, 52. Gell 2, 2. Val Max. 5. 8, 2. L. 14. Dig. 36,1 etc. (2) Voy. la réfutation complète de cette opinion dans Soltau, Entstehung p. 128 sq.

comices des curies n'exercent, à l'époque historique, aucun pouvoir réel. Il n'est pas jusqu'à l'ambiguité des termes employés par les auteurs anciens, pour désigner la ratification des patriciens, qui ne trouve son explication dans la solution que nous proposons.

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CHAPITRE IV

CONCLUSION

On peut voir maintenant combien il était utile de connaître exactement le rôle du Sénat et des patres à l'égard des comices pour répondre à la question que j'avais posée au début de ce travail. La réponse variera selon que l'on adoptera, sur ces deux points, telle ou telle des solutions que nous avons discutées. Ainsi ceux qui croient que l'auctoritas est exercée par le Sénat patricien, par le Sénat tout entier, ou par les patres familiarum des gentes patriciennes ne peuvent répondre que négativement, car il est incontestable que, pour eux, le peuple est un mineur ou tout au moins que sa puissance est inférieure à celle des patres.

Dans mon opinion, au contraire, ni le sénatus-consulte qui précède le vote des comices, ni la ratification des patriciens qui le suit n'impliquent, en principe, que le peuple soit subordonné au Sénat ou aux patres. Si le Sénat intervient ici, c'est parce que la proposition qui va être portée aux comices est, on l'a trop oublié dans cette discussion, l'œuvre du magistrat dont le Sénat est le conseil. (1) En sorte que la règle qui veut que toute rogatio d'un magistrat supérieur soit préalablement examinée par le Sénat a pour effet de restreindre, non pas les pouvoirs des assemblées du peuple, mais bien celle du magistrat.

(1) Il suffit, pour s'en convaincre, de citer, entre autres preuves, la définition célèbre des acta Caesaris par Cicéron. Philip. 1, 7-10.

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