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pas avec leurs propres chevaux; 2° ils ne possèdent point le cens équestre.

Cette solution purement négative, dont le seul mérite est de réduire à sa juste valeur l'hypothèse des equites equo privato, se trouve confirmée par le récit suivant que j'emprunte à Tite-Live (1). Scipion, sur le point de passer en Afrique, manquait de cavalerie; voici comment il s'y prit pour s'en procurer: Scipio postquam in Siciliam venit, voluntarios milites ordinavit centuriavitque ex iis trecentos juvenes, florentes aetate et virium robore, inermes circa se habebat: ignorantes quem ad usum neque centuriati neque armati servarentur. Tum ex totius Siciliae juniorum numero principes genere et fortuna trecentos equites, qui secum in Africam trajicerent, legit: diemque iis, qua equis armisque instructi atque ornati adessent, edixit. Les jeunes Siciliens obéissent, sans enthousiasme, aux ordres du général. Dès qu'ils sont en sa présence, montés et équipés, Scipion leur annonce qu'il les autorise à se faire remplacer. C'était une ruse de sa part: ce qu'il désirait, ce n'était point un corps de cavaliers siciliens, mais des chevaux ; quant aux cavaliers qui devaient les monter, son choix était fait d'avance : c'étaient les trois cents Romains qui attendaient les bras croisés. Ce plan réussit complètement et Tite-Live conclut par ces mots: ita trecentis Siculis Romani equites substituti sine publica impensa.

Ainsi voilà donc trois cents cavaliers romains qui ne sont ni des equites equo publico, ni des equites equo privato. S'ils eussent appartenu à l'une ou l'autre cavalerie, Scipion n'aurait pas eu à s'occuper de leurs chevaux; dans la première hypothèse, ils les auraient reçus de l'État, et, dans la seconde, ils auraient dû les fournir eux-mêmes. On remarquera d'aileurs que l'historien nous les représente, dans l'intervalle, comme ne se doutant nullement de l'emploi qu'on va leur donner. Or, cette ignorance n'est admissible qu'à une condition: c'est que le cens équestre ne soit pas exigé pour être (1) 29, 1.

cavalier romain. Dans l'hypothèse contraire, ils auraient su d'avance, ou qu'ils seraient employés comme cavaliers, ou qu'ils ne pouvaient aucunement l'être, selon qu'ils auraient possédé ou non la fortune requise. Rien, dans ce récit, ne laisse supposer que ce recrutement des equites diffère sur un point quelconque de la règle ordinaire. Ou plutôt il y a bien ici quelque chose d'exceptionnel, mais Tite-Live a soin de nous en avertir, c'est que cette cavalerie a été constituée sine publica impensa. Or, en quoi a consisté le bénéfice du trésor? A ne point fournir au cavalier son cheval tout équipé.

Ai-je besoin d'insister pour faire ressortir l'importance de ce texte dans la question qui nous occupe? Ne nous montret-il point clairement deux choses: 1° qu'aucune condition de fortune n'était exigée pour servir en qualité de cavalier romain; 2o que régulièrement, c'est bien l'État et non le cavalier qui fournit le cheval?

Avec l'hypothèse des equites equo privato, il est impossible d'expliquer la dernière phrase de Tite-Live.

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La conclusion de tout ceci, c'est que les Romains n'ont jamais connu ni de nom, ni de fait ces prétendus equites equo privato. Cette institution est une hypothèse d'origine moderne, fondée sur l'interprétation inexacte de quelques passages de Tite-Live.

Cet historien, on l'a vu, s'est gravement trompé en faisant remonter aux premiers siècles l'organisation de l'ordre équestre, telle qu'elle existait de son temps. Avant les Gracques, il n'y a ni ordre équestre, ni cens équestre: ce sont deux institutions corrélatives. C'est à la loi judiciaire de Caïus Gracchus qu'elles doivent l'une et l'autre leur existence. Du moment que les riches sont appelés à exercer, en cette qua

lité, une prérogative politique, une classe (ordo) est constituée et il est nécessaire dès lors de la définir avec exactitude, c'està-dire de préciser le chiffre de fortune qu'il faut avoir pour en faire partie. Telle est l'origine du cens équestre; elle se confond avec celle de l'ordo. Or, il est incontestable que cet ordo, en tant que classe privilégiée, n'existait pas avant les Gracques.

L'hypothèse des equites equo privato n'a point d'autre but que de justifier Tite-Live parlant de l'ordre équestre dès le Iye siècle de Rome. On vient de voir que cette justificalion est impossible, puisque l'historien a commis sur ce point une erreur certaine. Je n'en veux pour preuve que Tite-Live luimême qui, comme je l'ai déjà montré, n'attribue à cet ordo equester, qu'il nomme plusieurs siècles avant son établissement, que les dix-huit centuries (1). Si l'ordre équestre existait déjà, pourquoi n'y fait-il point entrer tous ceux qui possèdent le cens équestre?

Celte hypothèse inutile une fois écartée, l'histoire des chevaliers romains jusqu'aux Gracques devient plus simple et plus claire: c'est l'histoire des dix-huit centuries.

(1) C'est ce qu'avait déjà remarqué Becker (II, 1, note 548) et ce que Belot reconnait d'ailleurs très nettement : I, p. 177. C'est aussi la conclusion que l'on peut tirer d'un passage de l'abréviateur de Festus: Equitare antiqui dicebant equum publicum merere.

DEUXIÈME ÉTUDE*

DES CHEVALIERS ROMAINS SOUS L'EMPIRE

INTRODUCTION

Les chevaliers romains, pendant les premiers siècles, sont tout simplement les cavaliers de l'armée romaine. Une seule et même expression les désigne, les uns et les autres, c'est celle d'equites romani. A l'époque incertaine où l'armée romaine compta d'autres cavaliers, ceux-ci n'étaient point des chevaliers.

La loi Sempronia de C. Gracchus (631-123) créa une nouvelle catégorie de chevaliers beaucoup plus nombreuse que la première, car elle comprenait tous les citoyens romains possédant une fortune déterminée et justifiant d'ailleurs de certaines conditions de naissance et d'honorabilité. Dès ce moment il fallut bien trouver des désignations nouvelles pour chacune des deux classes de chevaliers, et l'on appela les premiers equites equo publico (ou centuriae equitum); les nouveaux gardèrent le nom primitif d'equites romani. Un terme nouveau, ordo equester servit a désigner l'ensemble des chevaliers. C'est à cette époque que l'on dut aussi employer pour la première fois l'expression census equester. J'ajoute que dès que le cens équestre fut établi, il n'est pas douteux

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Les deux premiers chapitres de ce mémoire ont été lus à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dans la séance dn 2 avril 1886,

qu'il n'ait été appliqué aussitôt aux deux catégories de chevaliers. Du moins, sous l'empire, ainsi qu'on le verra plus loin, les chevaliers qui s'intitulent equo publico, doivent le posséder.

Telles sont, brièvement résumées, les conclusions auxquelles j'ai abouti dans une étude récemment publiée (1).

Il n'y avait donc à Rome que deux classes de chevaliers et encore la seconde ne date-t-elle, suivant moi, que du dernier siècle de la République. Pour les désigner, il y a des termes distincts et précis que je viens de rappeler et que les écrivains latins ne manquent jamais d'employer avec le dernier soin, surtout quand il s'agit d'opposer ces deux classes l'une à l'autre (2). Nous allons voir que ces expressions ont changé de sens après la chute de la République.

Pour la période de l'empire, cette terminologie est loin d'être aussi exacte et aussi simple. Elle se complique singulièrement; aux expressions: equites romani, equites equo publico ou centuriarum, qui jusque-là avaient suffi pour marquer la différence entre les diverses espèces de chevaliers, s'ajoutent les dénominations les plus variées, nouvelles pour la plupart et dont on n'a pas pu, jusqu'ici, déterminer exactement le sens. Il est donc indispensable de passer en revue ces nouvelles désignations.

Les écrivains latins de l'empire mentionnent les equites romani, les equites splendidi, illustres, dignitate senatoria, les auteurs grecs οἱ ἱππεῖς, οἱ καλούμενοι ἱππεῖς, les chevaliers du bataillon ou de l'ordo (toũ téhovs) et les autres, les chevaliers d'origine sénatoriale; les inscriptions, les equites equo publico les allecti in turmas, transvecti, in dignitatem equestrem translati, etc.

Dans ces diverses sources, on trouve encore le terme

(1) Voyez mon article sur les « Equites equo privato » dans la Revue də Philologie, avril 1884 (Suprà).

(2) Par exemple Cicéron, Phil., 7, 6, 16 : patronus centuriarum equitum romanorum, 6, 5: altera ab equitibus romanis equo publico. Q. Cicéron (de pet. cons., 8): equitum centuriae. Comp. ad. Att., 1, 16: nostri equitesequestrem ordinem, c'est-à-dire les simples chevaliers, les publicains.

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