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là pour les soldats d'un privilège fort avantageux de nature à favoriser singulièrement leur mariage avec des pérégrines qui, grâce à cette union, pouvaient, comme les femmes romaines, engendrer des citoyens. On s'explique aussi pourquoi ce privilège est limité au premier mariage contracté ou à contracter: dum taxat singuli singulas.

Si les soldats avaient joui, à cet égard, d'un privilège indéfini, ils auraient pu, grâce au divorce, trafiquer de leur droit. De là cette limitation très naturelle.

Ce bénéfice du conubium était-il concédé au soldat ayant une concubine comme à celui qui était marié légitimement? Nous admettons, sans hésiter, que cette union irrégulière pouvait, si telle était la volonté des deux concubins, se transformer en mariage. Les diplômes précités ne prévoient pas cette hypothèse, mais le n° LIII (de 247) y fait peut-être allusion. Voici sa formule: Imp. ipsis filiisque eorum, quos susceperint ex mulieribus quas secum concessa consuetudine vixisse probaverint civitatem romanam dederunt et conubium cum isdem, quas tunc secum habuissent, cum est civitas iis data; aut siqui tunc non habuissent cum is quas postea uxores duxissent dumtaxat singuli singulas (1).

On voit que ce texte ne donne pas à ces femmes le nom d'uxores; il est vraisemblablement question ici de ces concubines appelées focariae (ménagères) mentionnées par les recueils juridiques et par les inscriptions. La concession du conubium avec ce genre de personnes n'a-t-elle eu lieu qu'à la date de ce diplôme? Je crois qu'il ne faut pas attacher trop d'importance à cette modification de la formule et je ne vois aucune bonne raison pour retarder jusqu'à cette époque l'application du conubium à une pareille hypothèse.

Une question plus délicate, c'est celle qui concerne la rétroactivité du conubium. Cette rétroactivité existe-t-elle ? En d'autres termes le conubium accordé au soldat marié

(1) Comp. L. 5. Cod. J. 6, 57. Cependant cette expression désigne aussi le mariage. L. 44. Dig. 23, 2: in liberae mulieris consuetudine non concubinatus sed nuptiae intelligendae sunt, si non corpore quaestum fecerit.

pendant le service militaire remonte-t-il au jour du mariage de façon que les enfants nés avant le congé soient traités comme s'ils avaient été engendrés ex duobus civibus romanis ? C'est l'opinion qui a généralement prévalu, et les interprètes qui l'ont émise ne paraissent même pas se douter qu'elle soit discutable. Cependant je ne vois aucun texte qui puisse justifier cette solution. Ni Gaïus (I, 56, 57) ni les formules des diplômes ne parlent de cette rétroactivité. Ces derniers, à la vérité, mentionnent les enfants et les descendants du bénéficiaire, mais seulement dans la première partie de la formule, celle qui concerne la concession du droit de cité; dans la phrase relative au conubium, il n'en est plus question. Et voilà pourquoi les diplômes adressés aux troupes de la ville de Rome ne font pas mention des enfants; c'est qu'en effet ces documents, à la différence de ceux qui visent les auxiliaires, ne concèdent que le conubium; il n'y est pas question de jus civitatis et c'est pourquoi on ne parle pas des enfants.

Nous concluons donc que l'opinion universellement admise aujourd'hui, au sujet de l'effet rétroactif du conubium, repose sur une erreur matérielle et qu'en conséquence il faut la rejeter.

Une dernière observation, en terminant cette longue discussion. Les diplômes qui nous sont parvenus ne concernent que les troupes auxiliaires, la marine et les garnisons de Rome. On en conclut que les légionnaires n'ont pas reçu le bénéfice du jus conubii. Wilmanns justifie cette mesure en disant que les Romains voyaient d'un mauvais œil les mariages des citoyens avec des pérégrines.

Cette raison n'est guère bonne puisque nous voyons les corps d'élite, des cohortes et des ailes de citoyens, d'Italiens volontaires (1) recueillir cet avantage. Les diplômes V, VI et VII sont adressés aux soldats des légions I et II adjutrices, et ce fait nous montre que la différence du groupement en légions ou en cohortes n'importait guère au point de vue de (1) Voy. C. I. L. III, p. 910.

la concession du jus conubii. Sans doute ces deux légions n'étaient point, au début du moins, recrutées comme les autres et c'est pourquoi les diplômes précités ne tranchent pas définitivement la question; mais il nous paraît difficile de croire qu'au moment où ces documents ont été rédigés, ces corps fussent exclusivement formés de non-citoyens. A notre avis, non seulement rien ne s'oppose à ce que les légionnaires reçoivent le jus conubii, mais encore il est vraisemblable qu'ils ont été, à cet égard, traités comme les autres troupes. L'absence de diplômes, étant donné le faible nombre de ces documents, ne prouve pas grand'chose.

Telles sont les conclusions auxquelles nous avons abouti. En résumé donc, tous les soldats de l'armée romaine ont eu de tout temps la faculté légale de se marier. Septime Sévère, en accordant aux militaires le droit de vivre avec leurs femmes fit disparaître l'obstacle le plus sérieux qui, en fait, s'opposait au mariage. Que cette mesure ait eu de graves conséquences au point de vue de la discipline militaire, ce n'est pas contestable; mais, au point de vue des mœurs, elle eut pour résultat, en créant la vie de famille pour les soldats, de mettre ces derniers sur le même pied que les civils. De là ces nombreuses inscriptions qui nous montrent des militaires vivant au milieu des leurs, entourés de leurs parents à tous les degrés.

Quant aux vétérans, le privilège qui leur était accordé ordinairement à l'expiration de leur service serait, dans notre opinion, moins considérable qu'on ne l'a cru jusqu'ici, puisqu'il n'avait d'effet que pour l'avenir. Il faudrait donc renoncer à l'idée que ce jus conubii ait pu transformer rétroactivement en véritable mariage l'état de concubinat qui dans l'opinion courante, aurait été la condition habituelle des militaires pendant la période du service.

Depuis la publication de cet article, M. Ferrero s'est rallié à mes conclusions (Iscrizione et ricerche nuove, p. 24). Le savant auteur des « Flottes romaines » ne fait des réserves que sur un point de détail; il croit que le changement de

formule que j'ai signalé (p. 245) correspond à un changement survenu dans la condition des marins. Dans le Bulletin critique du 15 mai 1885, M. Thédenat se prononce dans le même sens. Enfin M. Cagnat paraît accepter ma définition du Conubium (Epigr. p. 159) : « mariage conforme au droit civil romain », ce qui ne peut s'accorder avec l'interdiction du mariage.

V

LES ENFANTS NATURELS ROMAINS

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