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CHAPITRE PREMIER *

LA TRIBU EST-ELLE UNE DIVISION DES TERRES
OU DES PERSONNES ?

Il existe plusieurs travaux estimables sur les tribus romaines. Malheureusement, la plupart des savants se sont occupés presque exclusivement de la question géographique ; ils ont négligé ce qui me semble le plus essentiel, c'est-à-dire de définir, de préciser le caractère et le but pratique de la tribu. En effet, on ne trouve chez ces auteurs que des idées vagues, des notions peu précises sur la tribu. On pourrait faire la même observation au sujet des savants qui ont publié des traités d'institutions romaines. Quand on est un peu au courant de la question, on sent bien sans doute que, dans le fond, ils suivent sur ce point la doctrine de M. Mommsen; mais on le devine plutôt qu'on ne le voit. C'est ainsi que, faute d'avoir bien établi leur point de départ, MM. Beloch et Kubitschek, les auteurs des derniers travaux sur les tribus, n'ont pas retiré de leurs laborieuses recherches tout le fruit qu'ils pouvaient en attendre.

Je voudrais essayer de combler cette lacune que je viens de signaler et tâcher de montrer ce qu'est la tribu romaine, le rôle qu'elle a joué dans l'histoire de Rome.

(*) Grotefend, Imperium romanum tributim descriptum, Hanover, 1863; J. Beloch, Der Italische Bund, Leipzig, 1880 (notamment chap. II). W. Kubitschek de Romanorum tribuum origine ac propagatione, Wien, 1882; W. Soltau Ueber Entstehung und Zusammensetzung der altræmischen Volksversammlungen (p. 375-528), Berlin, 1880.

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Définition de la tribu d'après les auteurs anciens et l'histoire.

M. Mommsen est le seul, jusqu'ici, qui ait résolument abordé, ce problème. Il l'a tranché avec sa netteté habituelle et la solution qu'il a proposée est à peu près universellement adoptée en Allemagne (1).

Dans son premier travail, il y a plus de quarante ans, M. Mommsen constatait déjà que la tribu romaine avait un caractère géographique, qu'elle était un district, une division du territoire romain ou plutôt de l'ager privatus (2). Il précise davantage dans ses « Recherches romaines et dans son

Droit public (3). La tribu, y lit-on, est un district renfermant les immeubles susceptibles de propriété quiritaire. Elle ne concerne les personnes qu'indirectement; celles-ci n'appartiennent à la tribu qu'autant qu'elles sont propriétaires d'un immeuble inscrit dans cette tribu. En d'autres termes, la tribu est réelle et non personnelle. La conséquence de cette définition, c'est que la tribu étant liée à la propriété immobilière s'acquerra ou se perdra avec celle-ci. Ainsi un citoyen romain est-il propriétaire à Arpinum, qui appartient à la tribu Cornelia, il sera inscrit dans cette tribu; vient-il à vendre son bien, il cessera de faire partie de cette tribu et ne sera inscrit dans une autre qu'autant qu'il deviendra de nouveau propriétaire d'un bien situé, soit dans son ancienne tribu, soit dans une nouvelle. Tels sont les résultats de la théorie de M. Mommsen.

Cet état de choses aurait duré jusqu'à l'extension du droit

(1) Soltau et Karlowa ne l'adoptent qu'en faisant certaines restrictions. (2) Die Romischen Tribus (Altona 1844), p. 2, seq.

(3) Romische Forschungen (Berlin 1864), 1, p. 62-151, sq. Staatsrecht, 2. éd., 2, p. 375.337. Voyez encore son Commentaire de l'inscription d'Adramytium, Ephemeris epigr., 4, p. 213, sq.

de cité à tous les italiques, à la suite de la guerre sociale. De cette époque daterait un changement radical dans les tribus. Désormais, la tribu ne dépendrait plus de la propriété d'un fonds, elle serait attachée à l'origo. Je m'explique. En accordant le droit de cité aux communes italiques, le législateur romain aurait décrété que chacune d'elles serait inscrite dans une tribu déterminée. Cette tribu aurait appartenu une fois pour toutes aux membres de la commune qui la transmettaient héréditairement à leurs enfants. Quant aux anciens citoyens de la ville de Rome ou des villes qui étaient en possession de la cité avant la guerre sociale, une autre loi du même genre les aurait rattachés, eux aussi, à une tribu d'origine. En résumé la tribu, de réelle et variable qu'elle était jusque-là, serait subitement devenue personnelle et héréditaire à la fin du VIIe siècle.

Cette conception de la tribu est-elle fondée? Est-elle d'accord avec les textes des auteurs anciens et avec les faits historiques? C'est ce que nous allons examiner.

On ignore quel est le nombre des tribus établies par Servius Tullius: les uns croient qu'il n'y en eut tout d'abord que quatre, tandis que les autres en comptent trente (1). Toujours est-il qu'au début de la République, on trouve vingt et une tribus : quatre urbaines, Palatina, Collina, Esquilina, Succusana; dix-sept rustiques, Aemilia, Camilia, Claudia, Cornelia, Fabia, Galeria, Horatia, Lemonia, Menenia, Papiria, Pollia, Pupinia, Romilia, Sergia, Voltinia, Voturia et Clustumina.

On peut remarquer que seize de ces tribus portent le nom de gentes patriciennes dont dix seulement ont laissé des traces dans l'histoire (2). La Clustumina fait seule exception à cette règle; elle a reçu un nom de lieu et se rattache par là à la série des quatorze autres tribus dont le nom s'est formé de la même manière.

(1) Voyez mes Institutions politiques 1, § 10.

(2) Nous avons mis en italiques les tribus dont les gentes qui leur ont donné leur nom ne sont pas historiquement connues.

A ces vingt et une tribus vinrent s'ajouter: en 367, la Stellatina, la Tromentina, la Sabatina et l'Arniensis; en 396, la Pomptina et la Publilia; en 422, la Mæcia et la Scaptia; en 436, l'Oufentina et la Falerina; en 455, l'Aniensis et la Terentina; enfin en 513, la Velina et la Quirina.

Les tribus ayant ainsi atteint le nombre de trente-cinq, la liste fut close définitivement et ce chiffre resta invariable tant que dura cette institution (1).

Pourquoi cette création constante de nouvelles tribus jusqu'en 513? A quel but répondaient-elles ?

On peut faire à cette question trois réponses : l'augmentation du nombre des tribus était la conséquence ou de l'accroissement du territoire national, ou de la propriété privée, ou enfin du nombre des citoyens romains. Expliquons-nous. Le résultat d'une conquête pouvait consister dans une extension du domaine public et dans une augmentation du nombre des sujets; on pouvait encore distribuer ce domaine viritim entre les citoyens (adsignatio viritana), ou y envoyer des colons; enfin, les vaincus recevaient parfois le droit de cité à titre de municipes. Tels étaient les trois genres d'accroissements dont était susceptible l'État romain. Auquel des trois répond la tribu?

Si nous consultons Tite-Live, il nous répondra que toute création de nouvelles tribus est due à l'augmentation du nombre des citoyens; c'est ce qu'il dit expressément chaque fois qu'il signale l'apparition de nouvelles tribus (2). Tel est aussi le sentiment de Festus dans les fragments qu'il nous a laissés sur les tribus, fragments qui ont d'autant plus de valeur, qu'ils sont empruntés au savant ouvrage de Varron sur ce sujet (3).

Ainsi les textes sont formels ; c'est l'augmentation du nom

(1) On a cru à tort sur la foi de Velleius Paterculus (2, 20), et d'Appien (b. c.1, 49) que huit ou dix tribus nouvelles avaient été créées après la guerre sociale pour recevoir les novi cives. Ceci doit s'entendre, comme on le verra plus loin, de l'inscription dans huit tribus anciennes. (Beloch, p., 37.) (2) 2, 16; 6, 5; 8, 17.

(3) V. Oufentina, Romulia.

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