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Après avoir ainsi établi le caractère essentiel de la tribu, je voudrais essayer de donner une idée aussi complète que possible de cette institution, d'en indiquer le but pratique et d'en montrer, dans ses grandes lignes, le développement historique.

La tribu, ainsi que nous l'avons démontré, désigne l'ensemble des citoyens romains fixés dans un district déterminé. Ce nom peut s'appliquer aussi bien au district lui-même qu'à ses habitants (1); mais nous avons vu que c'était à tort que l'on avait voulu conclure de là que la tribu fût une division des

terres.

Servius Tullius partagea le territoire romain en un certain nombre de ces circonscriptions dont nous ignorons le chiffre (2); chaque citoyen fut inscrit dans celle où il était domicilié au moment du premier recensement, et, dès lors, il se trouva pour toujours attaché, lui et ses descendants, à la tribu qui lui avait été assignée. Pour en changer, il fallait ou qu'il changeât d'origo ou que le magistrat chargé d'opérer le

(1) Exemple: T. Live (26, 9) : inde in pupiniam exercitu demisso. (2) Voyez mes Inst. polit., 1, § 10.

recensement en eût décidé autrement. En un mot, la tribu, dès qu'elle existe, est invariable et héréditaire.

C'est là, tout le monde l'admet, le caractère de la tribu, telle que les documents certains nous la font connaître. M. Mommsen ne le nie pas, mais, ainsi que je l'ai dit, il suppose que cette tribu-là est une institution toute nouvelle qui daterait de la dernière moitié du vie siècle, de l'époque où les italiques ont reçu le droit de cité. Dans son opinion, une première loi aurait rattaché définitivement les novi cives à la tribu de leur origo, puis une seconde loi en aurait fait autant pour les cives veteres. Quelles sont ces lois? On ne les nomme pas. En existe-t-il la moindre trace? Aucune. C'est donc une pure hypothèse qui ne saurait infirmer en rien les documents précis que nous avons réunis en faveur de notre opinion. Si, à l'époque historique, la tribu est personnelle et héréditaire, nous avons le droit de soutenir qu'elle a toujours eu ce caractère à moins qu'on ne nous prouve qu'il s'est opéré un changement. Or, ce changement, ainsi que je l'ai montré, on le suppose, mais on ne le prouve

pas.

Enfin, on pourrait encore demander à M. Mommsen quel est le sort qui est fait, après cette réforime, à la tribu ancienne, à la tribu des terres. Cette tribu, sans doute, n'a plus aucune utilité au point de vue des personnes, puisque la tribu d'un citoyen est indépendante de sa propriété; mais il n'en est pas de même quant aux terres; ici la tribu réelle conserve toute son importance puisque, à défaut d'inscription dans une tribu, un immeuble ne saurait être susceptible de propriété quiritaire (1). La tribu réelle aurait donc survécu à la création de la tribu personnelle. M. Mommsen ne se prononce pas à cet égard, mais cette conclusion s'impose. Comment expliquer alors, ainsi que je l'ai déjà fait observer, qu'il ne soit jamais question de cette tribu des immeubles dans les textes juridiques ou épigraphiques?

(1) Staatsrecht, 2e éd., 2, 375, 357.

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Le but que se proposait d'atteindre Servius Tullius en créant les tribus, c'était de faciliter les opérations du census qu'il venait d'instituer. Le recensement en effet, tout le monde est d'accord sur ce point, se faisait par tribu (1). A chaque lustre on dressait la liste des citoyens tributim. A l'appel de son nom, dans la tribu qu'il occupait au lustre précédent, le citoyen devait comparaître en personne devant le censeur et faire sa déclaration sous la foi du serment. S'il ne répondait pas à l'appel, il était déclaré incensus el encourait la peine de l'esclavage. M. Mommsen prétend que la tribu des immeubles était indispensable pour que l'État fût assuré de trouver le contribuable (2). On voit que l'existence de celle terrible sanction donnait à l'État une sécurité complète.

§ 3. Composition des tribus.

Sur cette liste dressée par tribus, figuraient probablement, à l'origine, tous les citoyens romains sans exception. M. Mommsen suppose qu'il n'y avait dans les tribus que les propriétaires fonciers (3). Cette solution est la conséquence de la définition de la tribu que nous avons combattue. Elle est d'ailleurs en opposition formelle avec ce que nous savons du tributum ex censu. Cet impôt, en effet, à l'époque historique est, non pas un impôt foncier, mais un impôt sur la for(1) Mommsen, Die roemischen Tribus, p. 23.

(2) Staatsrecht, 2, p. 387.

(3) Soltau (p. 385 sq), combat sur ce point la théorie de Mommsen.

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tune entière du citoyen (1). M. Mommsen, pour écarter cette objection, est obligé de recourir encore une fois à l'hypothèse et d'affirmer, sans aucune preuve à l'appui de son dire, que le tributum a subi une transformation, qu'après avoir été un impôt foncier, il est devenu un impôt sur l'ensemble de la fortune.

De cette liste étaient exclus, du moins à l'époque historique et peut-être aussi au début, les femmes ainsi que les impubères sui juris (2). Les fils de famille devaient être inscrits dans la tribu du père. Dès qu'il exista des cives sine suffragio, on les mit sur une liste séparée.

Avec cette liste préparatoire par tribus, on pouvait aisément constituer les classes et les centuries. Enfin, rien n'était plus simple, cette liste une fois dressée, que de procéder à un nouveau recensement; il suffisait pour cela de retrancher de la liste des tribus les noms des citoyens morts et d'ajouter ceux qui étaient devenus patres familiarum et avaient atteint leur majorité depuis le dernier lustre et enfin les novi cives. Sauf ces légères rectifications, l'ancienne liste était maintenue. Dans le système de M. Mommsen, l'opération serait beaucoup plus compliquée, car il faudrait tenir compte de toutes les mutations de propriété qui auraient pu se produire d'un lustre à l'autre. Que de remaniements, que de difficultés pour accomplir une pareille tâche !

Ajoutez à cela que tel immeuble appartenant à une seule personne pouvait d'un cens à l'autre être divisé entre plusieurs, que l'intervalle entre deux lustres était parfois de dix ans et plus, etc. On se demande comment, avec une administration aussi rudimentaire que celle de Rome, à cette époque, on aurait pu surmonter de pareils obstacles.

(1) C'est ce que démontre parfaitement Soltau, ibid.

(2) C'est ce qui résulte de la formule adoptée par les auteurs anciens pour exprimer le résultat des divers recensements: praeter orbos orbasque, praeter pupillos et viduas. Beloch, p. 77.

$ 4.

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La tribu au point de vue administratif.

La tribu était donc une circonscription de recensement. On ajoute encore qu'elle était une circonscription administra. tive (1). Mais il faut se garder de donner à ces expressions le sens étendu qu'elles ont de nos jours. Si l'on voulait dire par là que la tribu était un district possédant au complet ses ́ services administratifs au point de vue de la justice, des finances, des travaux publics et de la police, on se tromperait étrangement. L'unité administrative à Rome n'est pas la tribu; c'est la commune. Chaque commune, municipe, colonie, cité alliée s'administre elle-même, jouit d'une autonomie plus ou moins complète, ce qui nous explique comment les Romains, sous la République, ont pu gouverner leur vaste territoire avec une poignée de fonctionnaires. Quant aux tribus, si nous nous en tenons au témoignage des auteurs anciens, leur rôle administratif est des plus modestes. Tout ce que nous savons de positif à cet égard, c'est que les tribus sont des circonscriptions militaires au point de vue du recrutement des légions. Il en est du moins ainsi au vie siècle et peut-être aussi dans les siècles précédents. Polybe nous montre en effet la légion formée de citoyens pris dans chaque tribu (2).

La tribu était-elle une circonscription financière au point de vue de l'impôt? C'est là un point fort obscur. Le rôle des

(1) Mommsen, Die roemischen Tribus in administrativer Beziehung. Beloch et Kubitschek emploient très fréquemment cette formule mais ils ne la définissent jamais. C'était d'autant plus nécesssaire que le rôle administratif attribué par Mommsen à cette institution me paraît fort exagéré, comme on le verra plus loin.

(2) 6,20. On s'explique de cette façon que l'armée romaine ait pu, dans certains cas, fonctionner comme assemblée tribute. Liv. 7,16, Roem. Tribus, p. 132 sq.

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