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Dans cette lutte incessante à laquelle se livraient les divers pouvoirs publics, il arrivait un moment où il devenait indispensable de consacrer définitivement la défaite de l'un, la victoire de l'autre, ou plutôt la transaction conclue après la bataille.

C'est ici que la loi écrite intervient pour sanctionner de pareils résultats. Ouvrez la loi des XII Tables et vous vous convaincrez sans peine que ses dispositions qui touchent au droit public n'ont pas d'autre portée que celle que je viens d'indiquer. Et ce que je dis de cette loi fondamentale, je puis le dire aussi de toutes les lois politiques qui l'ont suivie : toutes ont eu pour objet de constater et de consacrer la victoire de tel ou tel des pouvoirs publics.

Le Sénat ne doit son existence à aucune loi. Il est né d'une coutume aussi ancienne que la société romaine elle-même. On sait, en effet, que chez les Romains toute personne appelée à exercer un pouvoir quelconque, depuis le paterfamilias jusqu'au chef d'armée, avait l'habitude de s'entourer d'un conseil qu'il consultait avec soin toutes les fois qu'il avait à faire usage de ce pouvoir. Le Sénat n'est pas autre chose que ce conseil siégeant auprès du magistrat suprême, roi ou consul (1).

Si ce n'est pas en vertu d'une loi écrite que le Sénat existe, ce n'est pas non plus la loi qui a fixé ses attributions. Ses attributions découlent naturellement de l'institution ellemême. Si le magistrat suprême a auprès de lui un conseil, il est clair que c'est pour prendre son avis dans l'exercice des devoirs les plus importants de sa charge. Or qu'y avaitil de plus grave, à ses yeux, que le choix de son successeur ou la confection d'une loi nouvelle ?

(1) Inst. polit., 1, § 45.

§ 1. Elections dans les comices par Centuries,

Aussi voyons-nous le Sénat consulté en matière électorale et législative depuis la royauté jusqu'à la fin de la période républicaine. A la mort de Romulus, lors du premier interrègne, c'est à la suite d'une délibération au Sénat que l'interroi porte aux comices curiates la proposition relative à l'élection du nouveau roi (1). Les historiens anciens n'ont pas signalé cette intervention du Sénat toutes les fois qu'elle se produisait : ils ne la rappellent que dans le cas où elle avait une certaine importance, à raison des difficultés, des controverses que l'élection pouvait susciter. Ainsi le Sénat est consulté lors de la première institution des tribuns consulaires (2), puis sur la question de savoir si l'on élira aux prochains comices des tribuns ou des consuls (3). De même, c'est au Sénat que fut discuté et résolu le rétablissement du consulat à la fin du décemvirat (4). Ai-je besoin de rappeler le rôle considérable de cette assemblée dans la nomination du dictateur (5)?

Les exemples cités prouvent clairement, ce me semble, que nous sommes en présence d'une règle invariablement observée (6).

On pourrait allonger indéfiniment cette liste. Ainsi encore

(1) Liv. 1. 17: Decreverunt enim (patres)...... Adeo id gratum plebi fuit, ul ne victi beneficio viderentur, id modo sciscerent juberentque, ut senatus decerneret, qui Romæ regnaret. 3, 43.

(2) Liv. 4, 6.

(3) Liv. 4, 7: Interrex ac senatus consulum comitia; tribuni plebis et plebs, tribunorum militum, ut haberentur tendunt. Eod. 12, 25, 42; 5, 29, (4) Ainsi que celui des tribuns. Liv. 3, 54.

(5) Voy. mes Instit. polit. 1, § 34.

(6) Ainsi en rapprochant deux passages de Tite-Live (1, 17; 3, 43): modo interregem interpellantibus (sc. tribunis), ne senatus consultum de comitiis consularibus faceret on voit que toute élection était précédée d'un sénatusconsulte.

le Sénat était consulté lorsque la légalité d'une candidature donnait lieu à des controverses, par exemple, lorsqu'il fut question d'élever, pour la première fois, un plébéien à la censure, à la préture (1), et dans de nombreuses hypothèses du même genre (2). J'ajoute que le Sénat ne faisait pas toujours triompher son avis en pareille circonstance (3).

$ 2.

Lois portées aux comices

par centuries.

J'ai insisté sur ce rôle du Sénat relativement aux élections, parce qu'il a été méconnu jusqu'ici par de graves autorités (4). Il n'en est pas de même pour les propositions législatives. Ici tout le monde admet sans difficulté que le consul - ou le magistrat consulaire qui le remplace ne porte jamais une loi devant les comices des centuries sans prendre conseil de l'assemblée sénatoriale (5). Et comment pourraiton le nier? Les témoignages des anciens, sur ce point, sont nombreux, formels et concluants. Les auteurs, en effet, ne se bornent pas à nous signaler des exemples de ce sénatus

(1) Liv. 7, 12; 8, 15: Eodem anno Q. Publilius Philo prætor primus de plebe, adversante Sulpicio consule qui negabat rationem ejus se habiturum, est factus, senatu cum in summis imperiis (c. a. d. le consulat et la dictature) id non obtinuisset, minus in prætura intendente. Comp. Id. 2, 42: obtinuere tamen patres ut in Fabia gente consulatus maneret.

(2) Par exemple: la création de nouvelles charges: questure, Liv. 4, 43; édiles curules, 6, 42: factum senatus censultum ut duoviros ædiles dictator populum rogaret; fixation de la date des élections, 5, 9; défense de réélire, même quand il s'agit des tribuns du peuple. 3, 21; ordre d'observer la loi Licinia dans les élections consulaires, 7, 21 ; invitation aux magistrats vitio creati d'avoir à abdiquer, 5, 17, 31; 3, 54; factum senatus consultum ut decemviri se primo quoque tempore magistratu abdicarent.

(3) Liv. 7, 22: Nec tamen dictatura potentiorem eum consensum patrum consularibus comitiis fecit, quam censoriis fuerat. (7, 21). De même, les tribuns du peuple sont réélus contre l'avis du Sénat (3, 21.)

(4) Becker-Marquardt, Handbuch, 2, 3, p. 6. Mommsen, Roem. Forsch. 1 p. 202, note 51.

(5) Sauf M. Willems, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant.

consulte préalable à toutes les époques (1); ils ajoutent que c'était là une des règles les mieux établies en matière de droit public (2). Le seul point discutable, c'est de savoir quelle était la sanction de cette règle. Les uns prétendent que cette formalité était indispensable pour que la loi votée par le peuple fût valable (3); les autres soutiennent, au contraire, que c'était là un usage établi, mais non une règle de droit dont l'inobservation entraînait fatalement la nullité de la loi.

M. Mommsen, qui est l'auteur de cette dernière opinion, cite à l'appui un certain nombre de lois dont la validité n'a jamais été contestée bien que cette formalité du sénatus-consulte préalable leur ait manqué (4). Sa solution est aussi la mienne; seulement je ne crois pas, après ma définition de la constitution romaine, que le vrai motif soit celui qu'il donne, à savoir que le sénatus-consulte soit un usage plutôt qu'une règle de droit. Je crois, en effet, avoir démontré que presque tous les principes du droit public romain sont fondés sur la coutume, surtout en ce qui regarde le Sénat. Il est plus vraisemblable de supposer que si la loi, dans ce cas, n'est pas regardée comme nulle, c'est que le Sénat n'a pas voulu ou plutôt n'a pas pu faire prévaloir une aussi grave sanction.

En somme, dans les lois comme dans les élections, ou dans

(1) Liv. 2, 2: Brutus ex senatus consulto ad populum tulit ut omnes Tarquiniæ gentis exsules essent. Déjà sous les rois, la consultation du Sénat dans le cas d'une déclaration de guerre, est relatée. (Liv. 1, 32; 4, 58; 45, 21). Cet usage a duré jusqu'à Cicéron. (Liv. 42, 31; 41, 9; 38, 25; 45, 21.)

(2) Aussi relèvent-ils les cas où elle était violée. Liv. 45, 21 : prætor novo maloque exemplo rem ingressus erat, quod ante, non consullo senatu, non consulibus certioribus factis, de sua unius sententia rogationem ferret... Cum antea semper prius senatus de bello consultus esset, deinde ex (auctoritate! patrum ad populum latum. (Voy. aussi Id. 7, 16.) De même pour les lois du consulat de César, on nous fait remarquer qu'elles ont été portées contre la volonté du Sénat. (Liv. Epit. 103.)

(3) Peter, Epochen, p. 95 sq. suivi par Marquardt, loc. cit.

(4) La loi du préteur, Juventius Thalna citée supra (Liv. 45, 21), celles de César bien que Cicéron mentionne encore de son temps la règle en question. Roem. Forsch. 1, p. 202.

MISP. Etudes,

toutes les affaires soumises au vote des comices, le Sénat s'efforce dès le début de faire prévaloir son avis. Si cet avis ne prévaut pas, ce qui est rare, il n'a en main aucun pouvoir pour le faire respecter (1).

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En revanche, le sénatus consulte n'est jamais mentionné à propos des jugements soumis à l'assemblée des centuries. Il n'y a pas lieu, à mon avis, de s'en étonner. Les magistrats qui dirigent l'instance depuis l'établissement de la provocatio, ce sont, non pas les consuls, mais les duumvirs et les questeurs qui n'ont nullement qualité pour soumettre l'affaire au Sénat. Le Sénat reste donc étranger aux jugements, ce qui explique le silence des textes à ce sujet.

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Le même usage de consulter le Sénat était suivi quelle que fût l'assemblée devant laquelle le chef du gouvernement por tait sa proposition, devant les comices tributes, comme devant les comices des centuries. Le préteur lui-même, se conformait à cette coutume quand il convoquait les comices tributes (2).

(1) Voilà pourquoi nous voyons que le Sénat, à toutes les époques, cherche à prévenir le vote. Ce que nous disons, peut être appuyé sur des faits très significatifs. Tite-Live, 4, 7 : judicium populi ab senatu rescindi non posse. Il s'agit ici d'un principe général, en matière de votes émis par le peuple et non d'un jugement proprement dit, car la décision en question est relative à une délimitation du territoire. On peut citer des applications de ce principe. Ainsi le Sénat défend la réélection des tribuns ; ils sont cependant réélus et leur élection n'est pas annulée. (Liv. 3, 21).

(2) Liv. 7,16; 45,21.

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