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droit ce qui n'existait jusque là qu'en fait; le pouvoir législatif des concilia tributa, n'étant pas formellement reconnu, pouvait leur être et leur était en réalité contesté. La loi a eu pour but de mettre fin aux controverses (1).

Ce but a-t-il été atteint? L'histoire nous apprend que non. On sait quels obstacles le gouvernement n'a cessé de susciter aux tribuns qui voulaient faire voler des plébiscites, notamment à l'occasion des plébiscites Canuléien et Licinien. Et ce n'est pas tout, ces plébiscites une fois votés, les patriciens en ont éludé l'application aussi longtemps que possible en écartant, systématiquement et au mépris du texte de la loi les plébéiens des magistratures. Comment s'étonner après cela que Publilius Philo l'un des premiers plébéiens qui ait pu parvenir à la dictature ait jugé à propos de profiter de sa haute situation pour rappeler les patriciens au respect de la loi (2). Enfin la loi Hortensia a été portée dans des circonstances qui expliquent très bien l'utilité du renouvellement de la loi. Elle ést intervenue après une sécession de la plebe causée par l'opposition du Sénat à une loi sur les dettes qu'elle désirait ardemment voir voter (3). Rappeler au Sénat, en un pareil moment, que les plébiscites avaient force de loi, n'était-ce pas le meilleur moyen de lui signifier qu'il eût à cesser les hostililés?

On le voit donc, il n'y a aucune bonne raison pour suspecter l'authenticité du récit de Tite-Live relativement aux trois lois consacrant la force légale des plébiscites. En conséquence, pour savoir quel était exactement le rôle du Sénat en ces matières, nous n'avons à notre disposition d'autre ressource que celle des faits précédemment établis. Voyons ce qu'ils nous disent.

Si le plébiscite a besoin, pour être valable, de l'approbation

(1) Liv. 3, 55: Omnium primum, quum vcluti in controverso jure esset, tenerenturne patres plebiscitis, legem centuriatis comitiis tulere: ut quod tributim, etc.

(2) Liv. 8, 12: Dictatura popularis, et orationibus in patres criminosis, et quod tres leges secundissimas plebi tulit.

(3) Liv. Epit. 11. Zonar. 8, 2.

du Sénat, si cette règle a existé jusqu'à une certaine époque, jusqu'à la promulgation de la loi Hortensia (467) par exemple, il est clair: 1o que tous les plébiscites portés jusque-là ont dû recevoir la sanction sénatoriale; 2° que tous ceux qui sont postérieurs à cette date ont dû, au contraire, être privés de cette formalité. Est-il besoin de rappeler que les faits ne confirment pas cette manière de voir? Ils nous montrent, en effet, que l'on rencontre à toutes les époques des plébiscites portés ex senatus consulto. Comment concilier cela avec l'opinion qui proclame que cette formalité à été supprimée par la loi Hortensia ?

Quant au premier point, on ne saurait nier qu'il y a eu bien avant cette loi des plébiscites qui ont été votés sans approbation du Sénat. Aussi ne le nie-t-on pas ; on essaye seulement d'affaiblir la portée de l'argument que cette constatation pourrait suggérer.

On a prétendu que c'étaient là des plébiscites inoffensifs et ne tirant pas à conséquence. Ils n'auraient, dit-on, d'autre portée que celle d'un règlement intérieur des intérêts de la plèbe,

Pour comprendre ce raisonnement, il faut savoir que certains savants (1) assimilent la constitution de la plèbe à celle d'une corporation jouissant de son autonomie; d'où ils tirent cette conclusion que la plèbe avait le droit de rendre des décisions obligatoires pour ses membres seuls. Cette nouvelle hypothèse n'est pas heureuse; loin d'expliquer le développement historique de la plèbe, elle le rend tout à fait incompréhensible. Si les plébéiens constituaient une corporation autonome, un État dans l'État comme on l'a dit, qui ne voit qu'une pareille constitution les aurait poussés fatalement au séparatisme? Or toute l'histoire est là pour prouver que telle n'a pas été la tendance de la plèbe; au contraire ses chefs ont constamment poursuivi un but tout autre : l'unité, l'assi

(1) Je ne connais pas le nom de l'auteur de cette conception qui, à l'heure actuelle, est accepée sans discussion par tous les savants allemands, Mommsen en tète et par Willems. Le Sénat 2,74. Elle ne repose sur aucun témoignage ancien ; elle est le produit d'une fausse interprétation de la définition du plébiscite par Festus et Gaïus.

milation par l'égalité des droits (1). D'autre part comment peut-on dire que certains plébiscites ne touchaient qu'aux intérêts de la plèbe? Est-ce que toute résolution de la plèbe, quelle qu'elle fût, qu'elle eût pour objet les dettes, le partage du domaine public, le connubium, l'aptitude aux magistratures et aux sacerdoces, est-ce que tout cela n'était pas d'intérêt général et n'engageait pas l'État tout entier? L'histoire nous apprend que le Sénat n'envisageait pas ainsi les choses, puisqu'il combattait de toutes ses forces tous les plébiscites. Il faut donc renoncer à cette idée chimérique qu'il ait pu exister des plébiscites d'ordre purement plébéien.

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Ainsi les faits ne peuvent s'accorder avec aucune des théories qui proclament que l'approbation des plébiscites par un sénatus-consulte était exigée par la loi.

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Autre difficulté à quel moment intervenait ce sénatusconsulte? Si l'on suppose qu'il précédait le vote (πpoßolsvμa), comme cela se pratiquait pour les lois centuriates, on ne comprend plus rien à la conduite du Sénat relativement aux plébiscites portés contre sa volonté. Il n'aurait eu, en effet, qu'à laisser faire les tribuns et à se tenir coi. Que pouvaientils faire sans lui? rien de valable. Or, on sait que, loin d'opposer cette force d'inertie, le Sénat a employé toute son influence, tous les moyens, sans excepter même l'assassinat pour empêcher le vote.

Serait-ce donc après le vote que le Sénat aurait été appelé à donner sa sanction? Il n'y a pas un seul exemple dans l'histoire des comices centuriates d'une telle approbation après coup. Pourquoi d'ailleurs le Sénat, en ce cas, n'aurait-il pas

(1) La sécession n'a jamais été un but, mais un moyen, l'ulltima ratio de la plèbe

attendu patiemment le vote, au lieu de déployer tant d'éner gie à l'empêcher d'aboutir, puisqu'il n'y avait rien de fait tant qu'il n'avait pas sanctionné l'acte ? L'histoire des plébiscites, telle que nous l'avons rapportée, ne s'accorde ni avec l'une, ni avec l'autre de ces opinions. Si le Sénat avail dû accorder un probouleuma comme pour les lois centuriates, il l'aurait fait avant la présentation du plébiscite aux comices par les tribuns; s'il exerçait un droit de ratification, il est bien évident qu'il devait attendre le vote du peuple. Or, on l'a vu, par l'histoire des plébiscites Terentilien, Canuléien, Licinien, ce n'est ni avant la promulgatio, ni après le vote que le Sénat intervient, mais immédiatement avant le vole et longtemps après que la proposition a été portée devant l'as. semblée.

Cette simple constatation suffit pour renverser le système du probouleuma soutenu par M. Mommsen et la plupart des savants, ainsi que la théorie nouvelle de M. Willems d'après laquelle l'approbation du Sénat serait confirmatoire jusqu'à la loi Publilia de 415 (1).

J'ajoute une dernière considération du commencement à la fin la tactique du Sénat n'a jamais varié; elle a toujours consisté à user de toutes ses ressources, notamment à gagner à sa cause l'un des tribuns, pour empêcher le vote d'aboutir. Celte politique nous la voyons déjà pratiquée contre les plébiscites Terentilien, Canuleien, Licinien, dont le vote a été ainsi retardé pendant plusieurs années; nous la retrouvons à l'œuvre jusqu'à l'époque des Gracques. Comment supposer dès lors que les droits du Sénat n'aient pas été exactement les mêmes à toutes ces époques?

Notre conclusion découle tout naturellement des faits que nous avons établis. Pour nous, le plébiscite est obligatoire par lui-même ; jamais aucune loi n'a fait du consentement du Sénat une condition de validité des résolutions de la plèbe. Le Sénat, en fait, a usé de toute son influence pour empêcher

(1) Ces deux savants conviennent d'ailleurs que les textes leur sont défavorables. Roem. Forsch, 1, 212. Le Sénat, 2, 78, note 5.

le vote des plébiscites qui lui déplaisaient; mais si les tribuns parvenaient à les faire accepter par l'assemblée populaire, le Sénat était vaincu, désarmé; il n'avait pas le droit de les annuler sous prétexte qu'il n'avait pas concouru à l'acte. En réalité on ne peut citer aucun exemple d'annulation ou de menace d'annulation pour ce motif.

Par contre, dans notre opinion, rien n'empêchait les tribuns, lorsqu'ils étaient d'accord avec le Sénat sur une proposition, de la soumettre à l'approbation de cette assemblée avant de la faire voter. C'était le plus sûr moyen de lever tous les obstacles qu'ils auraient pu rencontrer et d'assurer le succès de leur entreprise. Voilà pourquoi nous avons trouvé tant de plébiscites portés ex senatus consulto. Cette formule était l'expression officielle de l'accord intervenu entre les deux partis. Le Sénat lui-même faisait parfois appel aux tribuns pour vaincre, dans certaines circonstances, la résistance que lui opposaient les consuls, et les chargeait de porter aux tribus des proposition que ces derniers refusaient de soumettre aux centuries. Encore ici, le plébiscite était porté ex senatus consulto. Mais il est clair qu'il ne s'agit pas plus dans cette hypothèse que dans la précédente d'une formalité exigée par la loi.

$9. Le rôle du Sénat au dernier siècle

de la République.

En terminant, je dois dire un mot du rôle du Sénat en matière de plébiscites pendant le dernier siècle de la République.

S'il fallait en croire Appien, le dictateur Sylla aurait imposé aux tribuns l'obligation de soumettre à l'approbation préalable du Sénat leurs propositions législatives; en quoi, ajoute

MISP. Études.

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