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en effet qu'une religion qui, dans les choses de la vie, oublie Dieu; qui, dans les choses de Dieu, cherche moins Dieu qu'elle ne se cherche elle-même, et qu'elle ne cherche l'homme! la belle religion que celle qui, dans les choses de la religion, obéit plutôt à la raison humaine qu'elle ne consulte la religion! la belle religion que celle qui se prêche à elle-même, et enseigne aux autres qu'il faut bien vivre, parce que cela est honnête : qu'il faut quitter le vice pour son repos et pour son honneur: qu'il faut être respectueux dans le temple, y paraître prier avec recueillement, parce que cela est séant : qu'il faut assister à la messe et au service divin les jours de fête : communier à Pâques, parce que c'est la règle; venir dans sa paroisse aux grands jours, parce que c'est un usage dans la religion qu'on professe : qu'il faut bien parler de sa religion, marquer de l'estime de ses cérémonies, parce que cela est bien reçu dans le monde; qu'il faut n'être pas injuste et être même charitable, parce que toutes les lois de la société défendent l'un, et que l'humanité tout entière demande l'autre; mais quant aux divertissemens et à la manière de vivre du monde, que la religion n'est pas assez petite pour interdire de pareilles choses, et seulement y entrer.

Certes, une telle religion était-elle digne que Dieu l'ait si long-temps annoncée, et que les

hommes l'aient si long-temps attendne? Une telle religion était-elle digne d'être enfin venue du ciel avec le Fils de Dieu, d'en être descendue avec son Saint-Esprit ; que pour elle Dieu ait rejeté la loi ancienne; qu'il ait renversé le monde pour l'établir; qu'il ait fait tant de miracles, et le grand miracle de l'avoir conservée pure dans les dogmes depuis tant de siècles? Une religion ainsi humaine et toute de ce monde, était-elle digne que tant d'illustres personnages l'aient enseignée, que tant d'hommes graves l'aient professée, que tant de saints l'aient répandue par leurs travaux, que tant de martyrs l'aient scellée de leur sang? Fallait-il que les Paul, les Pierre, les Matthieu parussent dans le monde? Les Socrate, les Platon, les Zénon l'auraient suffisamment instruit. Fallait-il qu'un Dieu mourût sur une croix pour former une telle religion? Elle ne devait pas seulement coûter la vie à un homme de bien. Notre religion en effet n'est digne d'aucun des grands noms qu'elle porte, si elle ne s'élève pas au-dessus de cette vertu philosophique, au-dessus de cette sagesse du monde qui est la même sagesse des païens. Les païens auraient fait exactement tout cela dans leur religion. Et quant aux cérémonies, comme c'était moins la religion que la raison qui les y assujétissait, ils les auraient quittées pour prendre les nôtres; si la raison, ce

qui renferme la politique et la coutume, l'avait demandé d'eux. Examinons de plus près par ce dernier endroit cette religion toute mondaine que je combats ici comme quelque chose de si pernicieux dans la religion, loin d'être elle-même la vraie piété. Cette religion, ouvrage de la raison, qui n'a ôté à ce paganisme honnête et philosophe que son nom et ses cérémonies, que laisse-t-elle à la religion chrétienne de ferme et de solide, de certain et d'invariable? Que lui laisse-t-elle, si ce n'est de suivre en esclave la religion des conquérans et la religion des souverains? Que laisse-t-elle à la sainte doctrine de la vérité, qu'une dépendance entière des temps, des lieux, des usages, et même de tous les intérêts humains? Que laisse-t-elle à la vertu, qu'un assujettissement bas et honteux, sous le nom de raison, aux caprices, aux folies, aux changemens du monde? Si elle se suit dans ses principes, cette religion du monde, il faut être chrétien dans les temps du christianisme mais il aurait fallu être païen dans les temps du paganisme; changer de religion, quitter celle qu'on avait prise, reprendre celle qu'on avait quittée, selon la fortune des empereurs et leur religion; être chrétien et catholique sous Constantin, arien sous Constance, idolâtre sous Julien, politique sous Maxime et sous Eugène, et enfin chrétien déclaré sous Théodose : il aurait fallu

être hérétique en Orient, sous Valens, et catholique en Occident, sous Valentinien. Dans cet esprit et ce goût de religion, on pourrait être idolâtre dans les pays où règne encore l'idolâtrie; infidèle dans ceux que l'infidélité a conquis sur l'ancien héritage de Jésus-Christ; luthérien dans ce royaume; calviniste dans cette république; socinien dans ces terres plus éloignées: de quelle religion on voudra dans cet état plus voisin, où toutes les religions sont souffertes. Dans cette religion du monde et de ses sages, il faut changer de maxime en changeant de lieux, changer de règle en changeant de temps, croire et professer aujourd'hui une chose, prêt à en croire et à en professer demain une autre. Dans cette religion, qui est l'irréligion même, on aurait pu dissimuler sa religion devant les tyrans, renoncer sa foi au-dehors en la tenant cachée dans son cœur dans cette idée de religion, il n'y a rien de grand et de saint qui ne cède à l'utile pour ce monde : et alors cela est regardé comme une chose nécessaire; comme c'est une faiblesse, selon cette idée, de respecter quelque chose dans sa religion, quand il y a à perdre ou à souffrir.

Sentez-vous maintenant le faux de ce que le monde appelle dans quelques-uns des siens avoir beaucoup de religion, quand ils n'ont pas même le fondement de la foi? Sentez-vous

et

comprenez-vous combien cette sagesse du monde, qu'on préfère à la vertu évangélique, tient de la religion de l'honnête homme et du philosophe païen, et à combien de devoirs de la religion elle est opposée ?

Qu'on ne vante donc pas tant l'honnête homme du monde dans l'Église de Dieu que la bouche des ministres de l'Évangile soit fermée pour louer leur prétendue vertu. La religion ne peut pas s'y fier; je ne sais si la société civile dans laquelle ils brillent tant, peut compter davantage sur eux; car en général, qui n'est pas arrêté par les lois de la conscience; qui n'est pas contraint par les liens de la religion, qui n'a pour toute vertu qu'une politique soumise à je ne sais combien de passions, est tous les jours sur le point de s'échapper, et peut s'échapper à d'étranges choses. Ils sont honnêtes gens, incapables de bassesse et de lâcheté je le veux, je consens à tout, pourvu qu'on ne veuille pas, s'ils ne sont qu'honnêtes gens selon le monde, en faire de bons chrétiens, à quoi, ministres de la loi chrétienne, nous nous opposons en son nom, sans crainte d'être désavoués d'elle, ni blâmés de personne, si ce n'est du monde lui-même, qui se complaît et s'applaudit dans ses sages.

SECOND POINT.

Si l'on excepte un petit nombre de justes en Israël, le Juif s'attachait plus volontiers à des

doctrines et à des pratiques humaines qu'à la loi même : il s'en tenait à la lettre de la loi pour l'observer en esclave: il se proposait les choses de la terre pour la récompense de sa fidélité à la loi trois caractères de fausseté dans la piété judaïque, auxquels il faut opposer les trois, dont la véritable piété est marquée parmi les chrétiens.

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1o. Certes, disait Jésus-Christ parlant des scribes et des pharisiens : « Ces gens là m'honorent bien, proposant aux peuples les doctrines et les traditions des hommes, et les suivant euxmêmes! » Il leur a fait mille fois le même reproche. Tel était l'esprit de cette secte orgueilleuse; et qui cherchant avant toutes choses à dominer dans la religion, n'oubliait pas son intérêt et son profit : « Car, dit l'Évangile, ils étaient avares. Ils débitaient fastueusement qu'ils avaient la clef de la science, et ne permettaient à personne d'être aussi savant qu'eux. » L'ignorance du peuple étant utile à leurs vues, ils la favorisaient. Jaloux du nom de maîtres, et voulant l'être à meilleur titre qu'à celui de disciples euxmêmes de Moïse, il fallut ajouter à la loi où cependant tout était écrit jusque dans le moindre détail, il fallut interpréter la loi qui cependant était bien claire, et lui donner des in terprétations utiles à leurs intérêts, qu'encore une fois ils n'oubliaient pas : « N'enseigner que ce qu'on avait enseigné de tous

les temps dans la nation en lisant Moïse plutôt qu'en l'expliquant, » leur parut une faiblesse dans la doctrine, une entreprise qui leur sembla digne de l'esprit et de la science qu'ils s'attribuaient, et de la réputation qu'ils avaient en effet parmi le peuple, fut de faire comme une nouvelle loi, tant ils avaient altéré l'ancienne; et dans cette nouvelle discipline des mœurs de faire entrer toutes sortes de pratiques petites et superstitieuses, en les substituant à la sainteté et à la gravité des préceptes du Seigneur.

Malheur à nous au milieu de qui cet esprit est passé avec ses œuvres, et au milieu de qui il faudrait que Jésus-Christ parût de nouveau pour réprimer la hardiesse des uns, et instruire l'ignorance des autres. Au lieu de la piété enseignée de JésusChrist, et laissée à son Église comme un riche dépôt, on n'y voit que la piété autrefois prêchée par les pharisiens, et introduite dans les synagogues pour en être la ruine, après en avoir été la honte. Que voit-on en effet aujourd'hui, comme au temps où Jésus-Christ parut dans la Judée? Que de gens à qui Jésus-Christ reprocherait encore de sa bouche, et à qui aussi son Évangile le reproche, qui, laissant ce qu'il y a de grave, d'essentiel, de sanctifiant dans la loi, s'attachent à mille petites pratiques de dévotion, dont ils composent leur piété, dont ils disent, s'en faisant

gloire : C'est ma dévotion, petites dévotions auxquelles ils sont fidèles jusqu'au scrupule ; qu'ils pratiquent à temps et à contre-temps; pour lesquelles ils s'échauffent jusqu'à regarder à peine comme chrétiens, je ne dis pas ceux qui méprisent ces pratiques, mais ceux qui ne s'y assujettissent pas?

la

Qu'importe au démon, pourvu qu'il trompe les hommes et qu'enfin il les perde, de quelle manière il le fasse? Mais rien n'est plus sûr pour ses desseins que de nous faire couvrir d'un peu d'extérieur de piété le défaut des vertus chrétiennes, et l'iniquité de la vie. On laisse ce qu'il y a d'important, de vraiment sanctifiant, et d'expressément commandé dans la religion, reliquistis quæ graviora sunt legis (Matth. 23, 23.), pour des choses peut-être bonnes en elles-mêmes, mais qui ne sont pas commandées par loi, pour des choses qui seraient saintes pour des saints, mais qui ne servent de rien à ceux qui ne le sont pas laissant ce qu'il y a de pesant et de dur à la nature dans la loi, comme la pénitence et la vie laborieuse, sans quoi cependant on n'entrera pas dans le royaume des cieux, et sans quoi par conséquent on n'a pas la vraie piété, reliquistis quæ graviora sunt legis: on s'attache à des petites pratiques, et on les multiplie. Laissant là, au grand scandale du public, les devoirs de son état, où il y aurait beaucoup de bien à faire.

Cet homme suit un genre de piété que la religion ne lui demande pas, et que son état ne souffre point.

Des gens sans esprit de miséricorde, reliquistis misericordiam, ibid. Des gens qui avec beaucoup de bien ne donnent rien, ou donnent trop peu; qui par conséquent laissent souffrir le pauvre, laissent toutes les œuvres de charité languir, et les établissemens de miséricorde tomber; des gens sans esprit de miséricorde qui laissent opprimer le faible, qui ne prennent pas en main la cause du juste et de l'innocent, par cette mauvaise raison du monde, qu'il ne faut pas pour servir les autres se nuire à soi-même et se faire des ennemis; des gens qui ne savent ce que c'est que donner aucun secours spirituel à leurs frères, cherchent à se cacher à eux-mêmes ce fonds mauvais par quelqu'une de ces pratiques qui sont belles aux yeux des hommes. Des hommes cruels jusqu'envers leurs pères et leurs mères, mettront leur dévotion, comme ceux qu'instruisaient les pharisiens, à faire des dons aux autels. O prodige de séduction!

Des gens qui violent en tout la justice, reliquistis judicium. Des hommes qui prêtent à usure, des gens qui vendent à un prix excessif, ce qui est une excessive injustice et un vol public; des gens qui retiennent le bien de celui-ci et de celle-là, qui ont fait entrer ce bien dans leur né

goce ou dans l'acquisition de leurs terres, feront à de certaines heures des lectures dans leur cabinet, et réciteront tous les jours des prières en l'honneur de plusieurs saints; des femmes qui ne paient ni marchand, ni ouvrier, ni domestique; qui font souffrir les créanciers, et s'en font maudire; qui se laissent traîner à tous les tribunaux avec mille clameurs contre la dévotion et les dévots, auront leur confesseur déclaré et connu entre les célèbres, seront dévotes à la confession et à la communion de tous les huit jours : cela accompagné d'une prière plus longue dans le temple, et terminé par une aumône fastueuse au sortir de l'église.

Des gens qui auront, pour ainsi dire, abandonné la religion, reliquistis fidem, ibid. Cet homme décrié pour ses débauches, cette femme trop connue par ses intrigues, cette autre qui passe sa vie au jeu et dans les divertissemens du siècle, et celui-ci homme du peuple sans mœurs et sans honneur, auront chacun leur dévotion, qui fera dire d'eux au jour de leur mort: Il avait une certaine piété, Dieu lui aura fait miséricorde, pendant qu'il sera mort dans le crime et dans un crime de toute sa vie. Enfin presque tous les gens du monde cherchent à compenser leur peu de piété et leur vie toute mondaine, par de certains exercices de piété qui coûtent peu et éblouissent beaucoup. Exercices de piété,

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