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comme d'entendre la messe tous les jours, d'assister souvent au salut, dont je recommanderai certainement la pratique à tous les fidèles, mais dont je dirai avec Jésus-Christ, à ceux qui ont des oreilles pour entendre: Il faut faire ces choses, et ne pas omettre les autres: Hæc oportuit facère, et illa non omittere, ibid.

2o. Les Juifs observaient les préceptes de la loi et les cérémonies du culte; mais alors même, selon l'expression du prophète, leur cœur n'était pas droit devant Dieu. La crainte qui dominait en eux pour leur faire observer la loi, n'était pas la crainte d'offenser un Dieu bon et aimable, la crainte de déplaire à un Dieu que tout engage à servir; mais la crainte d'être punis et de se rendre malheureux eux-mêmes, en violant cette loi terrible. Tel était l'esprit juif. Leur crainte était bonne, et plût à Dieu qu'elle régnât dans le christianisme! on n'y verrait pas tant de désordres. Mais enfin cette crainte, qui retiendrait les esprits, et empêcherait tant de violemens de tous les préceptes, ne suffirait pas pour être dans la véritable piété. Que la crainte des supplices de l'enfer, dont l'Évangile menace, retire celui-ci du crime et celle-là de sa vie mondaine, cela est bon. Que cette même crainte, en retirant l'un du crime, l'autre d'une vie qui n'est pas innocente, les mette l'un et l'autre dans la pratique

des lois de l'Église, et dans un certain train de dévotion, cela est bon; mais cela ne suffit pas. Il faut passer de l'état d'esclave à l'état d'enfant; il faut, après avoir commencé par l'esprit de crainte, finir par l'esprit d'amour c'est la substance de la religion, c'en est le fonds, c'est toute la justice de l'Évangile et la vraie piété aux yeux de Dieu.

Je dis donc deux choses : que pour être dans la justice évangélique et vraiment pieux aux yeux de Dieu, il faut ne point violer les préceptes de la loi, et vivre dans la piété par l'esprit de la piété. Quelle idée a-t-on de la piété, quand on en fait honneur à des gens qui mènent une vie comme celle du monde, opposée à tous les devoirs de la piété; si d'ailleurs une personne se conserve pure des grands crimes, et qu'elle ait avec cela une vertu connue, comme d'être charitable envers les pauvres, ou de n'être pas médisante? Quelle idée a-t-on dans le monde de la piété, quand on l'accorde jusqu'à des gens qui sont engagés dans un crime, si d'ailleurs ils paraissent respecter le reste de la loi, et qu'ils joignent à cela un peu plus de fréquentation du temple et des saints exercices? Comme si la piété chrétienne souffrait un seul crime, quand ce crime serait sans suite, et qu'il ne fût pas écrit dans la loi évangélique: Que quiconque viole cette loi sainte dans un seul point essentiel, est coupable du violement entier de la

loi Offendat in uno, factus est omnium reus. (Jac. 2. 10.) Ainsi si vous êtes impur, si vous êtes injuste, fussiez-vous d'ailleurs charitable, bienfaisant aux pauvres, bien parlant de tout le monde, disposé à pardonner une injure, et outre cela assidu au service divin, cherchant les occasions de faire encore mieux; vous êtes par cette seule tache de votre vie un violateur de la loi de Dieu, bien éloigné de la piété : Offendat in uno, factus est omnium reus. Vous n'êtes ni médisant, ni emporté, ni vindicatif; mais vous avez, homme du peuple, une faiblesse, qui est de boire avec excès, ou de proférer à tout propos de ces paroles dont saint Paul a dit qu'elles ne conviennent pas à un chrétien. La loi chrétienne se plaint encore de vous comme d'un transgresseur; et il n'y a point pour vous de rang dans la piété, même le plus bas, quand avec cela, comme il n'est pas rare, vous auriez de bons sentimens et une continuelle pensée de vous corriger de ce que vous appelez votre faiblesse : Offendat in, uno, factus est omnium reus.

Vous n'êtes ni l'un ni l'autre aussi éloignés du royaume de Dieu que ceux qui ont plusieurs vices à la fois, ni que ceux qui, avec un seul vice, n'ont ni ces bons sentimens, ni ce penchant à la piété; mais vous n'êtes pas écrits parmi les justes. Il faut pour cela garder toute la loi. Ce n'est pas en vous un mau

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vais fonds, un amour pour le crime, un goût pour le vice. C'est votre tempérament que vous retenez encore en bien des choses; c'est une faiblesse dont vous êtes même assez fâché; c'est une coutume dont vous travaillez même à vous corriger; et il vous semble que la piété

dans de certaines choses ne vous coûte rien. Ce que vous appelez, en adoucissant les termes, coutume faiblesse, tempérament, dès que vous en suivez l'impression en des choses de conséquence qui sont contre la loi de Dieu, ne permet pas qu'on vous range parmi les serviteurs de Dieu. Quand vous vous serez corrigé, vous faisant plus de violence, et vous servant pour cela du goût que vous avez pour la piété dans tout le reste, alors votre nom sera écrit dans le livre de vie et parmi les justes du Seigneur.

Ce n'est, ni votre tempérament, ni une faiblesse habituelle en vous, ni absolument votre coutume : c'est l'occasion, c'est un malheur, c'est une certaine facilité, c'est un engagement du monde qui vous entraîne de temps en temps dans quelque débauche, dans des choses licentieuses et criminelles pour tout dire ; mais vous vous en repentez le moment d'après; mais vous vous en confessez autant de fois avec une bonne résolution, ce vous semble, de n'y plus retourner; vous compensez chaque jour ces fautes par quelque bonne œu

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vre n'est-ce pas là avoir de la piété? Non, la vraie piété ne souffre point ces alternatives, elle est corrigée de ces faiblesses. Toujours capable de se laisser aller au mal (car quel homme ne l'est pas jusqu'à la fin?), cela ne lui arrive point néanmoins ; parce qu'outre qu'elle fuit les occasions, et qu'elle prend toutes sortes de précautions, l'habitude avec l'amour du bien qui est en elle, la préserve de ces chutes. Et si, par un effet de la faiblesse humaine, la piété, dans quelque occasion, s'est tout-à-fait écartée des sentiers de la vertu, elle y rentre bien-tôt, et en fait pénitence pour n'y plus retourner.

Nous avons une idée trop basse et trop charnelle de la justice chrétienne, de croire qu'elle se conserve parmi toutes ces prévarications, parmi toutes ces chutes et ces rechutes. L'Évangile ne nous donne pas lieu de penser de cette sorte, et on n'en pensait pas en effet ainsi dans les temps plus anciens; mais avec le relâchement des mœurs est venue l'erreur, et l'erreur sur ce point nous a possédés. On donne aujourd'hui le nom de la piété non-seulement à ceux qui n'en font pas toutes les œuvres, mais à celles qui ne prennent pas même la peine de paraître pieuses: on leur fait honneur de rejeter ce nom, et on dit de cette prétendue modestie: voilà la vraie piété, en voilà le vrai modèle pour des personnes du monde. Le nom

de la piété est donné dans notre siècle à tous ceux qui sont moins méchans, mais qui, avec le peu de piété qu'ils ont, étant moins méchans, auraient été autrefois sévèrement repris dans les assemblées du peuple de Dieu, et enfin en auraient été mis dehors. Le nom de la piété est aujourd'hui en proie à quiconque veut faire, pour l'avoir, seule des œuvres de la piété. Pensons mieux, mes frères, en pensant par principe, et nous décidant par les règles.

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Je déclare d'abord que je pense favorablement de tous ceux qui font l'œuvre extérieure de la piété. Je les en congratule au nom de l'Église qu'ils édifient et qu'ils consolent de l'irréligion de tant d'autres. Mais c'est à eux de voir avec euxmêmes s'ils s'éloignent du mal, et s'ils font le bien dans l'esprit judaïque, qui est la crainte seule; ou si c'est par l'esprit des enfans de Dieu, qui est l'amour. Voyez encore une fois quel esprit vous porte à observer les préceptes. Quand vous vous défendez de violer la loi de Dieu et les commandemens de son Église, voyez si c'est la crainte d'offenser un si bon père, si c'est la crainte d'affliger une si bonne mère, ce qui appartient à l'amour. Voyez, quand vous vous éloignez des vanités et des plaisirs du siècle, et en un mot, de la vie du monde, si c'est moins la crainte de périr avec ce monde, que le goût pour la piété. Voyez, en effet, si en

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servant le Seigneur vous le goûtez, et tout ce qui est de son service. Examinez dans les tentations de la vie ce qui vous a déterminé à ne point commettre d'infidélité, si c'est la crainte des peines du péché, mêrne dans cette vie, ou si c'est les engagemens de religion que vous avez avec Dieu. Voyez dans ces affaiblissemens, dans ces dégoûts qui prennent de temps en temps à l'homme, si ce qui vous ramène, c'est plutôt les promesses que les menaces de Jésus-Christ, si c'est plutôt le ciel ouvert que l'enfer mis devant vos yeux. Voyez si vous craignez de n'avoir pas ce coeur droit devant Dieu, et si dans cette crainte vous demandez à Dieu avec David, homme évangélique avant l'Évangile, de vous éprouver, de sonder votre cœur, de vous interroger luimême par quelque affliction, pour voir si, croyant être dans les voies de la justice chrétienne, vous n'êtes pas en effet dans la voie des justices de la loi. Voyez si quand il vous arrive quelque affliction pour le service de Dieu, ou de quelque autre manière, loin d'être ébranlé, vous ne sentez pas une certaine consolation à souffrir ainsi quelque chose pour Dieu, ou de la main de Dieu. Voilà les caractères certains de la vraie piété; et, selon que nous les trouvons plus ou moins en nous, notre piété tient plus ou moins de l'incertitude au fond des cœurs.

3°. Le caractère le plus propre

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des Juifs, c'était d'être des hommes de la terre: là se bornaient leurs espérances, là était leur cœur. Nul sentiment élevé ne les poussait, nulle vue du royaume des cieux ne les animait. S'ils observaient fidèlement les cérémonies du culte de ces temps-là, c'était pour les récompenses terrestres qui étaient attachées à cette fidélité s'ils gardaient exactement les préceptes de la loi, c'était pour les bénédictions de la loi : s'ils évitaient de violer ses défenses, s'ils portaient, instruits par les pharisiens, leur attention là-dessus jusqu'à des précautions ridicules, c'était dans la même vue d'éloigner d'eux les malédictions de la loi qui étaient pour la terre. Une chose trompait le Juif charnel, c'était la lettre de la loi qui parlait en effet bien davantage des biens de la terre que de ceux du ciel, et les inculquait plus fortement. Je vous ai expliqué plus d'une fois ce mystère. Mais enfin ceux qui étaient trompés, c'étaient ceux qui n'avaient pas en eux l'esprit de la piété; car les justes et les saints de la loi, élevés par l'élévation de leur cœur à Dieu, ne cherchaient que lui au ciel et son royaume. Les justes de la loi et des temps plus anciens, témoin David et les patriarches, au milieu dé l'abondance des choses de la terre, cherchaient la cité permanente et le vrai repos.

Appartenons-nous sur ce point à la loi, ou à l'Évangile ?

Sommes-nous Juifs ou chrétiens dans les vues et les fins de notre piété? Que ce soit nos discours et nos œuvres ellesmêmes qui nous le disent: que ce soit nos sollicitudes, nos agitations, les différens mouvemens que nous sentons en nous, qui nous apprennent ce qui en est; car, dit le Fils de Dieu, celui qui est de la terre parle des choses de la terre, goûte les choses de la terre, et les cherche. En servant Dieu selon les règles de notre religion, cherchons-nous, je ne dis pas uniquement, mais en premier lieu, le royaume des cieux et sa justice, et ne nous proposons-nous pas tantôt l'utilité et le repos de la vie, et tantôt les honneurs mêmes de la dévotion? On accuse la piété de nos jours de chercher jusqu'aux plaisirs de la terre, et de ne rejeter que les voluptés grossières et les divertissemens trop indécens: on accuse la piété de notre siècle d'être plus ambitieuse, de cher. cher à la suite de Jésus-Christ, mais d'une manière plus dévote, les premières places de l'Église et de l'État pour ses enfans, d'en faire le principal objet de ses prières on accuse la piété de nos jours d'être plus attachée à ses intérêts, d'être plus avide de toutes les espèces de biens de la terre, plus ingénieuse à les amasser, toujours par des raisons tirées de la piété : on accuse la piété de notre siècle d'être aussi attachée au siècle présent, aux biens qu'elle y pos

sède, à des enfans, à une famille; d'être aussi attachée à la vie par les commodités dont elle jouit, et par les douceurs qu'elle a su s'y procurer. Si ce sont là les défauts de notre piété, avec de la piété, en avonsnous? ou notre dévotion estelle autre chose que la piété juive?

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La piété juive, dans l'affluence des biens de la terre, disait : heureux celui qui a toutes ces choses! La piété, chrétienne par avance dans les temps du judaïsme, disait au milieu de tous ces biens heureux celui dont le Seigneur est le Dieu! Et en effet, la piété véritable dans tous les temps a été réduite à Dieu, au ciel et sur la terre, comme David le disait et le sentait. Enfans de Dieu à meilleur titre que ces justes mêmes des temps anciens enfans de Dieu à qui il n'est plus parlé que du ciel et de Dieu dans le ciel pour récompense: enfans de Dieu, dont la religion leur prêche le mépris des biens de la terre, leur en interdit les consolations, leur en ôte jusqu'à la vue par la foi qui nous transporte dans les choses qui ne se voient point encore: enfans de Dieu, dont la religion a toutes ses espérances dans la vie future; si avec cela nous aimons la vie présente, attachés par ses biens; si nous y avons établi notre repos; si nous y mettons notre bonheur; si nous craignons tant d'en sortir; si nous nous y trouvons bien, jusqu'à

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