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M. le garde des sceaux ne différait essentiellement de la première qu'en ce qu'elle ne reproduisait pas le paragraphe interdisant les dispenses entre alliés ou parents dont l'un était divorcé. La commission, dans son rapport (séance du 23), approuva cette omission, attendu que la véritable place du paragraphe était au chapitre du divorce; et quoique des explications de M. le garde des sceaux aient appris ensuite que cette omission était l'effet d'un oubli, quoique MM. Poulle et Roger se soient efforcés de ramener la Chambre à sa résolution primitive, la rédaction de la commission n'en fut pas moins accueillie le 26 à la majorité de 212 voix sur 245 votants.

Il en fut de même à la Chambre des pairs, où 72 membres contre 4 donnèrent leur adhésion au nouveau projet, dans la séance du 11 avril.

L'adoption de cette loi par la Chambre inamovible, dans sa forme première, c'est-à-dire telle qu'elle avait été votée par les députés en vertu de leur droit d'initiative, était un fait assez remarquable. Jusqu'alors, en effet, les résolutions émanées de la même source avaient échoué devant cette Chambre, après avoir révélé, dans les deux plus grands corps de l'État, une divergence d'opinion dont le projet de loi sur le divorce devait donner un nouvel exemple.

Ce projet, adopté dès le 14 décembre dernier (Voy. l'Annuaire précédent, pag. 353) par la Chambre des députés, sur la proposition de M. de Schonen, avait été transmis immédiatement à celle des pairs. Mais ce fut le 12 mars seulement que la commission qui avait été chargée de l'examiner fit son rapport, par l'organe de M. le comte Portalis.

Recherchant d'abord si le divorce était le complément nécessaire de l'institution du mariage, la commission, après un long et sérieux examen, était arrivée à ce résultat, que le mariage, considéré comme engagement naturel ou civil, ne comporte point de condition résolutoire. Le divorce ne saurait donc être qu'une dérogation à la condition essentielle du mariage, qu'une exception contraire à sa nature. Mais qu'est-ce que le divorce en lui

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même, et quels en sont les effets? C'est peu qu'il soit moins Le favorable à la femme qu'au mari, et tandis que, avec le maԱ riage, tout suit la pente ordinaire des choses et marche au gré 3. de la nature, avec le divorce, au contraire, tous les rapports sont intervertis, la vie morale des individus ne suit plus son cours, le développement progressif de leurs sentiments s'arrête. D'ailleurs faut-il un remède aux imperfections de l'humanité? La séparation de corps existe; et bien qu'en ce point, de l'aveu de M. Portalis, la législation soit incomplète, la séparation atteint le même but que le divorce; elle a en outre l'avantage d'être plus conforme à l'intérêt des familles et de l'État.

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Au surplus, l'état actuel de nos mœurs nationales ne réclame pas impérieusement le divorce. Il serait impuissant à pallier les désordres sociaux pour lesquels on prétend qu'il est indispensable, et enfin la liberté des cultes ne commande pas nécessairement qu'il soit réintégré dans le Code de nos lois civiles.

• Toutefois, ajoutait M. le rapporteur, en admettant la thèse contraire, voyons si le moment serait opportun et bien choisi pour opérer ce rétablissement; car aux grandes questions de droit et d'ordre public que nous venons de traiter vient se mêler une question de conduite et de politique spéciale.

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Une révolution vient de s'accomplir. Un gouvernement nouveau a pris naissance au sein de cette révolution. Un gouvernement qui commence est naturellement faible; souvent il est moins menacé par les attaques ses ennemis naturels que par l'indifférence de ceux qui s'abstiennent de le défendre. Cependant il faudrait qu'il eût beaucoup de force, pour tout contenir, et qu'il inspirât une grande confiance, afin de tout recomposer. Les révolutions désapprennent l'obéissance aux peuples et le commandeinent à ceux qui gouvernent. Au milieu des nombreux et prodigieux obstacles que les éléments dispersés de l'autorité ont à surmonter pour se coordonner de nouveau, il faut soigneusement éviter tout ce qui peut accroître les embarras et compliquer la position.

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On a touché à peu près à tout. La famille restait intacte, voilà qu'on propose de la révolutionner à son tour. Le pouvoir politique était vacillant et incertain, toute magistrature amoindrie, toute autorité civile contestée, toute obéissance problématique; et l'on vient mettre en question, la clef de la voùte, le pouvoir domestique.

Le sentiment religieux de la grande majorité des Français était profondément froissé, en voyant disparaître du faite des temples et des lieux publics cet emblème sacré du christianisme, que Mirabeau, ce provocateur éloquent de notre révolution, voulait qu'on arborât solennellement

sur la cime des quatre-vingt-trois départements; leur cœur s'est serré, ils ont pu croire qu'il existait une nouvelle conspiration pour les conduite à l'apostasie. »

Il y a progrès dans les intelligences comme dans les lois. La liberté ou même l'égalité des cultes ne choque plus les populations; mais ce qui les révolte, c'est l'irreligion, s'arrogeant les droits des croyances, et voulant faire disparaitre jusqu'aux apparences extérieures du culte qu'elle a quitté, pour assurer ce qu'elle appelle sa liberté, et ce qu'il vaudrait mieux nommer son empire. Et c'est dans de telles conjonctures, sans que | personne le demande, lorsque l'institution du mariage y répugne, quand Pintérêt de la société s'y oppose, que l'état des mœurs ne lexige pas, qu'aucune nécessité ne le commande, qu'on veut abolir l'indissolubilité du mariage, si intimement liée à la foi religieuse du plus grand nombre... Quelque pures, quelque étrangères à tout esprit de parti que soient aujourd'hui les intentions de l'honorable auteur de la proposition de loi et de la Chambre qui l'a votée, le rétablissement du divorce, dans les circonstances que nous avons signalées, serait envisagé comme une réac tion contre les croyances, qui réagiraient à leur tour, Au point où nous en sommes, personne ne peut craindre que le maintien de l'indissolubilite du mariage soit désormais un signe de la domination du clergé. Beat coup y verraient la prépondérancce d'un esprit hostile à la religion catholique, et une tendance ouverte, non à maintenir ce que la révolution de 1789 a produit de bon, mais toutes les funestes conséquences qui en furent tirées, et dont nous avons été successivement affranchis, soit par l'Empire, soit par la Restauration. On ne sait par quelle fatalité ceux qui se portent pour les plus chauds admirateurs et les partisans les plus zélés de le révolution de 1830 s'efforcent à la rendre solidaire des crimes et des erreurs d'une autre époque. On dirait qu'à leur tour ils veulent faire rétrograder le temps, et que, comme ils l'ont si vivement reproché à d'autres, ils n'ont rien appris et rien oublié ! »

Enfin, y eût-il lieu à rétablir le divorce, M. Portalis démontrait que le projet de loi soumis aux délibérations de la pairie n'était point de nature à obtenir son approbation, et, par toutes ces raisons, il concluait à ce qu'il fût rejeté,

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27 et 28 mars. Cette question du divorce, tant de fois agitée, depuis quarante ans, dans nos assemblées législatives, était désormais toute chance d'arguments nouveaux aux orateurs qui voudraient la traiter. C'est donc principalement dans ce qu'elle offrira d'actuel et en rapport avec les circonstances présentes que nous devous suivre la discussion de la Chambre des pairs sur ce sujet.

Opposé au divorce en 1797, dans le conseil des cinq-cents, en 1803, dans le comité de législation du Tribunat, M. le comte Siméon annouçait n'avoir pas de motifs suffisants pour chan

ger d'opinion en 1832; il y persistait avec d'autant plus de conviction, qu'il était certain, selon lui, que le divorce, réclamé par quelques individus, ne l'était par aucune nécessité publique et générale.

L'opposition au divorce était comme une tradition de famille pour M. le marquis de Malleville; mais en défendant les doctrines que son père avait toujours professées, l'orateur invoquait en outre celles de la Chambre des pairs elle-même, qui, deux fois, en 1816, avait voté l'abolition du divorce, sans aucune contradiction et presque à l'unanimité. Cette abolition avait été confirmée depuis 1830, par l'ordre du jour prononcé sur une pétition qui réclamait contre elle. Aussi la question n'était plus neuve depuis long-temps, et M. de Malleville ne pouvait que résumer des arguments déjà présentés.

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. Mais, disait-il ensuite, pourquoi tant d'efforts et de raisonnements pour résoudre une question qui est principalement soulevée, ainsi qu'on en est plusieurs fois convenu dans l'autre chambre et dans celle ci, par des intérêts politiques ou de circonstance ?

Pendant quinze ans, aucune voix ne s'est élevée, aucune pétition n'a été présentée en faveur du divorce; et encore aujourd'hui, ce ne sont ni les pères ni les mères de famille, ni les protestants i les juifs, qui en provoquent le rétablissement. Il n'est reclamé qu'en haine de la Restauration, de la theocratie, de la réaction de 18167; il est réclamé comme une des conséquences et comme le complément de la révolution de 1830,

On voudrait, ce semble, achever d'effacer dans le mariage tout caractère de sacrement, toute idée de lien religieux. On ne veut plus également de consécration pour les pactes les plus augustes, pour ceux qui lient réciproquement le peuple et la royauté. On ne veut plus que le jour du soleil soit consacré, chez nous, par ce saint repos pendant lequel, de presque toutes les parties de l'univers, s'élèvent vers l'Éternel les hommages du genre humain. Qu'espère-ton y gagner pour la morale publique et la gloire de la nation française?

Froisser de plus en plus ces idées religieuses, attaquer ces usages antiques, c'est, comme en 1792, mécontenter, révolter les ames honuê. tes, à quelque communion qu'elles appartiennent. C'est, à leurs yeux, ternir l'honneur d'un règne qui nous a pourtant offert le modèle de toutes les vertus domestiques. »•

Mais d'un autre côté, et pour rester fidèles aussi à des opinions qui avaient reçu la sanction de l'autorité paternelle, MM. Boissy d'Anglas et Lanjuinais élevèrent la voix en faveur du divorce, cette institution que la plupart des peuples ont

admise, disaient-ils en observant que ce consentement presque unanime qui dans toutes les époques se prononça pour elle semble fournir la preuve que ses avantages dépassent ses inconvénients, et qu'elle n'est contraire ni à l'intérêt des mœurs, ni à la félicité publique. Après tout, que demandait-on ? Le rétablissement du titre VI du Code civil.

Je m'étonne, ajoutait M. de Lanjuinais, qu'une des mesures les plus sages qui vous aient été proposées depuis les événements de juillet rencontre tant d'opposition dans cette Chambre. En effet si la réaction contrerévolutionnaire de la Chambre des députés de 1815 n'avait pas mutilé le Code civil, le plus beau monument de notre révolution, quelqu'un d'entre nous, usant de son droit d'initiative, serait-il venu après 1830 demander l'abrogation du divorce comme principe destructif de l'ordre social ?»

De même que la loi du 8 mai 1816, portant abolition du divorce, était une conséquence directe de la Charte octroyée, l'abrogation de cette loi était aussi, aux yeux de M. le comte Cornudet, une conséquence directe et nécessaire de la Charte de 1830!

Cependant le projet en délibération avait rencontré de nouveaux adversaires, qui, tout en renonçant à l'avantage d'offrir des idées neuves, et en se résignant à suivre des routes battues, ne l'attaquèrent pas avec moins de vivacité.

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Messieurs, disait M. le comte de Tascher, il y a dans l'histoire des nations, il faut bien le reconnaître, des époques critiques où la société, ébranlée sur ses bases, chancelante et incertaine dans son allure, semble, malgré le contentement beat de quelques esprits faux, s'éloigner des voies de la civilisation; et elle est plus ou moins violemment entraînée dans cette marche rétrograde par ses deux ennemis naturels : le relâchement des mœurs et la réaction des intérêts individuels.

A ces époques apparaissent d'ordinaire des lois ou des prétentions qui, d'abord symptômes du mal dont elles secondent ensuite les développements, accélèrent la décadence des mœurs et fortifient la réaction des intérêts personnels que comprimait nécessairement l'esprit d'association.

Telle a été, Messieurs, la loi du divorce, à l'époque remarquable où elle apparut en France pour la première fois, essuyant le sang qui avait pu rejaillir sur elle, et telle elle se présente encore aujourd'hui, où certes nous n'avons pas besoin de jeter dans la société de nouvelles causes de perturbation.

Je viens donc me joindre à votre commission pour combattre la résolution qui vous est présentée, comme contraire à la nature du mariage, au maintien des bonnes mœurs et aux principes d'une bonne et sage législation.

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