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quelques arpents d'un terrain abandonné: c'était un sol rebelle à la charrue, impropre à nourrir des troupeaux, peu propice à la vigne. Cependant, au milieu des buissons, il y avait planté quelques légumes qu'entouraient des lis blancs, des verveines, des tiges grêles de pavots. Il se croyait aussi riche qu'un roi, et lorsque, le soir, bien tard, il rentrait dans sa maison, il couvrait sa table de mets qu'il n'avait point achetés. Le premier il cueillait la rose du printemps et les fruits de l'automne. Et quand le triste hiver fendait encore les pierres sous la gelée ou arrêtait le cours des fleuves par les glaces, lui se mettait déjà à tailler les rameaux de la tendre hyacinthe, se raillant de l'été lent à venir et des zéphyrs en retard. Aussi était-il le premier à voir les nombreux essaims de ses abeilles fécondes et à presser le miel écumant de leurs rayons. Il avait des tilleuls, des pins abondants; et autant ses arbres fertiles comptaient de fleurs au printemps, autant il récoltait de fruits en automne. Il avait même transplanté, en les disposant par rangées, des ormes tout grands, des poiriers bien affermis, des pruniers sauvages rapportant déjà des fruits et des platanes prêtant déjà leur ombre aux buveurs. Mais, empêché par les bornes étroites de mon sujet, je passe sur tout ce qui a rapport aux jardins et laisse à d'autres après moi le soin de les chanter.

CCXI

(Tom. 1, p. 362.)

Seules de tous les animaux, les abeilles élèvent leur progéniture en commun, partagent ensemble les demeures d'une même cité, vivent régies par des lois puissantes ; seules elles connaissent une patrie et des pénates fixes, et, prévoyant l'hiver qui doit venir, elies se livrent l'été au travail, amassant et réservant dans l'intérêt commun. Les unes, en effet, pourvoient aux vivres et, d'après le pacte convenu, travaillent dans les champs; bon nombre, à l'in

Experiuntur et in medium quæsita reponunt.
Namque aliæ victu invigilant et fœdere pacto
Exercentur agris; pars intra sæpta domorum
Narcissi lacrimam et lentum de cortice gluten
Prima favis ponunt fundamina, deinde tenaces
Suspendunt ceras; aliæ spem gentis adultos
Educunt fetus; aliæ purissima mella
Stipant et liquido distendunt nectare cellas.
Sunt quibus ad portas cecidit custodia sorti,
Inque vicem speculantur aquas et nubila cæli,
Aut onera accipiunt venientum, aut, agmine facto,
Ignavum fucos pecus a præsæpibus arcent.
Fervet opus, redolentque thymo fragrantia mella;
Ac veluti lentis Cyclopes fulmina massis
Cum properant, alii taurinis follibus auras
Accipiunt redduntque, alii stridentia tingunt
Æra lacu; gemit impositis incudibus Ætna';
Illi inter sese magna vi brachia tollunt
In numerum, versantque tenaci forcipe ferrum:
Non aliter, si parva licet componere magnis,
Cecropias innatus apes amor urget habendi,
Munere quamque suo. Grandævis oppida curæ,
Et munire favos, et dædala fingere tecta.
At fessæ multa referunt se nocte minores,
Crura thymo plenæ; pascuntur et arbuta passim
Et glaucas salices casiamque crocumque rubentem,
Et pinguem tiliam et ferrugineos hyacinthos.
Omnibus una quies operum, labor omnibus unus:
Mane ruunt portis; nusquam mora; rursus easdem
Vesper ubi e pastu tandem decedere campis
Admonuit, tum tecta petunt, tum corpora curant;
Fit sonitus, mussantque oras et limina circum.
Post, ubi jam thalamis se composuere, siletur
In noctem, fessosque sopor suus occupat artus.
Virg., Georg., IV, v. 153-190.

(1) Var.: antrum.

térieur de la ruche, donnent pour premier fondement aux rayons les larmes du narcisse et la gomme gluante qui provient de l'écorce des arbres, puis construisent par étagesle solide édifice de cire; d'autres élèvent les jeunes nourrissons, espoir de la nation; d'autres encore condensent le miel le plus pur et remplissent les alvéoles d'un liquide nectar. Il en est à qui est échu le soin de garder les portes et, à tour de rôle, elles observent les signes de pluie et les nuages du ciel; ou bien elles déchargent de leurs fardeaux celles qui arrivent; ou bien, se formant en troupe, elles éloignent de leur demeure la bande des frelons paresseux. Le travail est ardent, et du miel parfumé s'exhale l'odeur du thym. Ainsi s'empressent les Cyclopes quand avec des masses de fer malléables ils forgent les foudres de Jupiter; les uns, au moyen de soufflets en cuir de taureau, appellent et déchaînent les vents; les autres plongent dans l'eau l'airain frémissant; l'Etna gémit sous le poids des enclumes; et leurs bras se soulèvent avec effort pour retomber en cadence sur le fer que retournent les mordantes tenailles telles (s'il est permis de comparer les petites choses aux grandes) les abeilles de Cécrops, que pousse uneardeur innée d'acquérir, travaillent chacune en son emploi.. Les plus vieilles prennent soin de la cité, construisent les rayons, façonnent l'artistique édifice; les plus jeunes ne rentrent qu'à la nuit, fatiguées et les pattes chargées de thym; elles butinent ça et là sur les arbousiers et les saules verdâtres, sur la casse, le safran vermeil, l'onctueux tilleul et l'hyacinthe aux teintes sombres. Toutes ont les mêmes heures de repos, les mêmes heures de travail. Le matin, elles s'élancent au dehors; point de retardataires; et par contre, dès que l'étoile du soir les avertit de cesserleur pâture et de quitter les champs, aussitôt elles regagnent la ruche pour y réparer leurs forces; il se fait un grand bruit; elles bourdonnent autour des fentes et de l'entrée, puis, une fois que chacune est posée dans sa cellule, le silence s'établit pour toute la nuit et le sommeil qui leur est bien dû s'empare de leurs membres fatigués.

CCXII

Orphée perd Eurydice par sa faute. Son desespoir et sa mort.

Jamque pedem referens casus evaserat omnes,
Redditaque Eurydice superas veniebat ad auras,
Pone sequens, namque hanc dederat Proserpina legem;
Cum subita incautum dementia cepit amantem,
Ignoscenda quidem, scirent si ignoscere Manes.
Restitit, Eurydicenque suam, jam luce sub ipsa,
Immemor, heu! victusque animi respexit. Ibi omnis
Effusus labor, atque immitis rupta tyranni
Foedera, terque fragor stagnis auditus Avernis1.

Illa, << Quis et me, inquit, miseram, et te perdidit, Orpheu,
Quis tantus furor? En iterum crudelia retro
Fata vocant, conditque natantia lumina somnus.
Jamque vale: feror ingenti circumdata nocte,
Invalidasque tibi tendens, heu! non tua, palmas. »
Dixit, et ex oculis subito, ceu fumus in auras
Commixtus tenues, fugit diversa, neque illum,
Prensantem nequicquam umbras et multa volentem
Dicere, præterea vidit, nec portitor Orci
Amplius objectam passus transire paludem.
Quid faceret? Quo se rapta bis conjuge ferret?
Quo fletu Manes, quæ numina voce moveret?
Illa quidem Stygia nabat jam frigida cymba.
Septem illum totos perhibent ex ordine menses,
Rupe sub aeria, deserti ad Strymonis undam,
Flevisse, et gelidis hæc evolvisse sub antris',
Mulcentem tigres et agentem carmine quercus.
Qualis populea mærens Philomela3 sub umbra
Amissos queritur fetus, quos durus arator
Observans nido implumes detraxit; at illa
Flet noctem, ramoque sedens miserabile carmen

(1) Var.: Averni.

(2) Id.: astris.

(3) Cf. Hom., Od., XIX, 518-523; XVI, 217.

CCXII

(Tom. I, p. 368.)

Déjà Orphée revenait vainqueur de tous les obstacles et Eurydice recouvrée remontait vers le séjour de la lumière, marchant derrière lui (car telle était la condition qu'avait imposée Proserpine), quand tout à coup un désir insensé saisit l'imprudent amant, faute bien pardonnable, si les mânes savaient pardonner. Il s'arrêta, et, presque aux portes du jour, s'oubliant hélas ! et vaincu par l'amour, il tourna la tête pour voir sa chère Eurydice. Alors furent perdus tous ses efforts; le traité conclu avec l'impitoyable tyran des enfers se trouva rompu; et trois fois un bruit strident retentit dans les marais de l'Averne. « Quel est, s'écria Eurydice, pour me perdre, malheureuse que je suis! et pour te perdre aussi, ô mon Orphée, quel est l'emportement de ton amour! Voilà que, pour la seconde fois, les cruels destins m'appellent à eux et que mes yeux mourants s'éteignent dans le sommeil. Adieu! je suis emportée par la nuit épaisse qui m'enveloppe et vainement je te tends les mains, hélas! je ne suis plus à toi!» Elle dit, et soudain, comme une fumée qui se dissipe dans le vague des airs, elle disparut aux yeux d'Orphée : il voulait saisir les ombres, il voulait parler encore, vains efforts! elle ne le vit plus et du nocher de l'Orcus il n'obtint plus la permission de repasser les marais qui les séparait. Que faire ? Où porter ses pas après que son épouse lui était ravie de nouveau ? Par quels pleurs émouvoir encore les Mânes, par quels accents fléchir les divinités de l'enfer ? Déjà froide, Eurydice voguait dans la barque du Styx.

Durant sept mois entiers, dit-on, sous une roche escarpée, près des rives désertes du Strymon, il pleura et redit ses douleurs aux antres glacés, adoucissant les tigres, remuant les chênes par ses plaintes harmonieuses. Telle, sous le feuillage d'un peuplier, la plaintive Philomèle déplore la perte de ses petits qu'un laboureur barbare a surpris et arrachés encore sans plumes de leur nid; elle gémit

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