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l'une par l'autre, tendirent au même but. Le parti de Marius reprit les lois des Gracques dans un intérêt d'ambition; Sylla, par une réaction terrible, abattit, je ne puis pas dire le parti populaire, car il n'y avait plus de peuple romain, mais le parti qui se servait des institutions démocratiques pour combattre le parti de la noblesse qui s'appuyait sur le sénat; les réformes de Sylla, trop admirées par Montesquieu, n'étaient point viables, et ses successeurs et ses partisans furent obligés de rétablir les anciennes institutions. Sylla, ramenant la constitution aux premiers jours de la république, avait voulu rétablir dans l'État un ordre privilégié, comme autrefois celui des patriciens, en donnant au sénat la direction absolue des affaires; mais le sénat, composé des chefs de la noblesse, des hommes qui se partageaient les provinces à dévorer, le sénat, sans le contre-poids des tribuns et des tribunaux populaires, ne fut plus qu'une insupportable oligarchie. Pompée essaya quelques réformes, marquées de la timidité et de l'indécision qui font le cachet de son caractère; César, dans son consulat, et plus tard dans sa dictature, prépara les voies à l'empire; Octave, ce grand politique, acheva ce que son père avait commencé; il anéantit les derniers vestiges des institutions républicaines, et assura au sénat une juste prépondérance, en lui confiant une part importante dans l'administration, mais limitée par la toutepuissance impériale. Ces lois, si sagement calculées qu'elles durèrent jusqu'à la chute de l'empire, eussent fait le bonheur du monde, si les successeurs d'Auguste eussent imité sa prudence et sa modération; mais le despotisme perdit tout, et le monde

n'échappa aux cruautés des proconsuls que pour être le jouet des folies et du délire impérial.

Telles furent les phases de la révolution qui détruisit la république et amena l'empire. Ces grandes querelles judiciaires sont restées incomprises tant que dans notre vie politique nous n'avons pas connu les agitations de la démocratie, et il est incroyable avec quel dédain et quelle légèreté les historiens et les jurisconsultes ont traité des questions qui ont tenu une si grande place dans l'histoire de Rome. Mais aujourd'hui les Romains sont plus près de nous. L'expérience de la vie publique, l'habitude du jugement par jurés, l'exemple d'un pays voisin, l'Angleterre, dont la constitution aristocratique offre plus d'un rapport avec la constitution romaine, nous donneront, sur le rôle qu'ont joué les tribunaux romains, des lumières que l'étude attentive des textes ne pouvait donner à des hommes plus savants que nous, mais dont les yeux n'étaient point dessillés par la pratique de la démocratie.

Ajoutons qu'une telle étude n'est peut-être pas sans utilité immédiate, et que nous entrons dans une époque où l'érudition ne doit pas gagner seule à l'étude des démocraties anciennes. Nos institutions sont sans doute fort différentes des institutions romaines; mais enfin, dans un pays libre, où la nation gouverne par ses délégués et juge par ellemême, il ne peut être sans intérêt et sans profit de savoir comment le peuple de l'antiquité considéré comme le plus parfait modèle dans l'art du gouvernement, avait réglé les pouvoirs publics et l'administration, et comment s'est pervertie une constitution qui, en peu de temps, avait élevé Rome au faîte de la puissance. Une des causes principales de la décadence romaine fut, comme nous le montrerons, la

public que l'infamie des jugements; et ces pages ne seront pas perdues, si le lecteur reçoit une impression d'horreur et de mépris pour la vénalité et la

corrup

tion des jugements, poussées à Rome au delà de toutes limites; s'il se convainc, par une étude attentive, que la première condition d'existence pour un gouvernement libre, c'est la sincérité des tribunaux chargés d'assurer la responsabilité des magistrats; si enfin, apprenant par l'histoire romaine combien la corruption a peu profité aux partis qui ont essayé de cet infàme moyen, et combien de fois, dans des retours subits, la fortune a dirigé le glaive de ces lois partiales contre ceux mêmes qui l'avaient aiguisé, il reste pénétré de la vérité de cet adage souvent répété dans notre vieille jurisprudence française, et bien plus vrai encore dans les régions de la politique que dans celles du droit civil, que justice est le commun profit de tous,

DIVISION DE L'OUVRAGE.

Le but qu'on se propose dans cette étude, c'est de chercher dans les querelles soulevées par les lois criminelles, une des causes de la décadence romaine; c'est de montrer comment se perdirent les garanties qui, pendant les premiers siècles, avaient fait la grandeur de Rome, en assurant la responsabilité des magistrats, et comment, ces garanties détruites, Rome déchirée par l'ambition de quelques hommes fut heureuse de se jeter entre les bras d'un maître. Mais pour bien comprendre quels abus soulevèrent l'indignation populaire, et sur quels motifs sérieux les tribuns s'appuyèrent pour demander le redressement des griefs qui mettaient en danger la république, il est nécessaire de prendre d'abord une idée exacte de ce qu'étaient les magistratures romaines, si différentes des nôtres, et de savoir quels moyens donnait la constitution pour maintenir le jeu régulier des institutions. Nous dirons ensuite, et avec plus de détail, comment l'équilibre des pouvoirs publics se détruisit, quand les conquêtes eurent porté Rome hors de l'Italie, et nous verrons comment, au lieu de chercher une réforme sérieuse et qui eût sauvé l'État, les factions se firent des lois criminelles, une arme pour s'entre-combattre; enfin, et pour suivre les institutions républicaines jusqu'au moment où elles disparaissent étouffées sous les institutions impériales, nous dirons comment les empereurs,

des attributions redoutées, et surtout en transportant la juridiction populaire au sénat, devenu, dans les mains de l'empereur, un instrument de tyrannie. Ainsi : la république jusqu'à l'époque des Gracques ; le septième siècle; l'empire jusqu'au règne d'Adrien, telles sont les trois divisions de ce livre, divisions qui répondent aux trois révolutions qu'éprouvèrent, chez les Romains, les lois criminelles.

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