Immagini della pagina
PDF
ePub

savants modernes qui ont pris trop souvent le sénat pour la république, et la volonté de cette assemblée pour celle de la nation. Il s'en fallait de beaucoup cependant que le sénat jouât, dans la république, le rôle unique. D'une part, les magistrats, dépendants de fait pour tout ce qui concerne la partie financière, étaient indépendants de droit, et le sénat qui pouvait bien par des moyens détournés les mettre dans l'impossibilité d'agir, était impuissant à les arrêter par une défense directe, quand ils trouvaient moyen de se passer de son secours. Le sénat, en effet, n'avait point d'action propre, il ne pouvait ni nommer directement des commissaires, ni saisir directement le peuple d'une question, ni abroger un commandement (4), il ne pouvait pas même se réunir sans être convoqué par un magistrat; et César, dans son consulat, se défendit contre le veto de Bibulus, en s'opposant à toute réunion du sénat, empêchant ainsi cette assemblée suprême de manifester même sa désapprobation des violations journalières que se permettait l'ambition du consul (2). Ainsi, ce grand corps ne pouvait agir qu'avec l'aide des magistrats ou des tribuns, et ces officiers nommés par le peuple avaient une puissance trop indépendante et une responsabilité trop grande pour que le sénat put les transformer en instruments de sa volonté. L'autorité du sénat trouvait donc un premier contre-poids dans la puissance du magistrat; elle en trouvait un second dans la puissance du peuple.

(1) Les exemples cités par Beaufort, ts 1, p. 479 (édit. in-8°), sont des derniers temps de la république, et ne prouvent rien pour l'époque où les différents pouvoirs de l'Etat fonctionnèrent réguliè

rement.

(2) Appien, Guerre civ., 11, 10.-Cic. Pro Sextio, c. 19.

Le peuple, en effet, contenait le sénat : par la puissance législative; car les lois votées dans les comices obligeaient le sénat comme le reste de la nation, et ces lois n'étaient pas seulement comme chez nous des règlements généraux, mais pouvaient comprendre au besoin toutes les mesures possibles d'administration, le vote de la guerre, le commandement des armées, le partage des provinces: par le tribunat, le sénat ne pouvant rien faire, pas même se réunir, dès qu'un tribun s'opposait; et lors même qu'il n'y avait point d'opposition absolue, le sénat était tenu en respect, puisqu'il avait toujours à craindre que quelque tribun n'évoquât l'affaire devant le peuple, ressort suprême auquel cette assemblée avait toujours peine à se soumettre. Enfin le peuple maintenait chaque sénateur et par le droit de suffrage, puisque c'est du peuple seul qu'on pouvait obtenir le pouvoir et l'entrée dans les magistratures, et par la puissance judiciaire, le peuple s'étant réservé les jugements criminels comme une part essentielle de la souveraineté. Ainsi, comme le remarque le grave Polybe, quelque grand que fut son pouvoir, le sénat se trouvait encore inférieur an peuple qui avait gardé les plus importantes attributions de la souveraineté. Car, le peuple était seul maître et seul dispensateur des récompenses et des peines, ces deux mobiles de tout gouvernement, de toute république, en un mot, de toute vie humaine.

Οὐ μὲν ἀλλὰ καταλείπεται μερὶς καὶ τῷ δήμῳ, καὶ κατα λείπεταί γε βαρυτάτη. Τιμῆς γάρ ἐστι καὶ τιμωρίας ἐν τῇ πολιτείᾳ μόνος ὁ δῆμος κύριος, οἷς συνέχονται μόνοις καὶ δυναστεῖαι, καὶ πολιτεῖαι, καὶ συλλήβδην πᾶς ὁ τῶν ἀνθρώ πων βίος (1).

(1) Polybe, vi, 14, § 4.

CHAPITRE VI.

Du Tribunat (1).

Une nation ne peut exercer sa souveraineté directement; il lui faut des délégués qui agissent pour elle. Tels étaient les tribuns, simples représentants de la plèbe dans l'origine (2), créés pour empêcher l'oppression des consuls et du sénat réunis (3), en assurant le droit d'appel aux citoyens, mais plus tard, véritables ministres du peuple, comme les magistrats étaient les ministres du sénat, avec cette différence que les magistrats, comme le sénat, étaient chargés d'administrer et d'agir, et que la fonction des tribuns était de surveiller.

A proprement parler, les tribuns n'étaient point des magistrats, car ils n'avaient aucune part à l'administration (4), et c'est à une époque assez avancée de la république qu'on les a considérés comme tels, et qu'on a parlé de leur imperium (5); mais si le titre leur manquait, leur puissance n'était pas moins réelle, car la constitution leur donnait deux armes

(1) Beaufort, liv. Iv, ch. 7.-Walter, Rom. Rg. p. 162. -- Gottling, Reem. Staatsverfassung, § 102-104.

(2) Liv. 11, 56, et les notes de Drakenborch. D. de O. J. 1, 1.

Liv. 1, § 20.

(3) Appien, Guerre civ. 1; 1. ὁ δὲ δῆμος... ἀρχὴν ἑαυτοῦ προστάσιν ἀπέφηνε, καὶ ἐκάλεσε δημαρχίαν· ἐς κώλυσιν μάλιστα τῶν ὑπάτων, ἀπὸ τῆς βουλῆς αἱρουμένων, μὴ ἐντελὲς αὐτοῖς ἐπὶ τῇ πολιτείᾳ τὸ κράτος εἶναι.

(4) Plut. Quest. Rom. 81.... Την δημαρχίαν κώλυσιν ἀρχῆς μᾶλλον εἶναι, καὶ πρὸς ἀρχὴν ἀντίταξιν, ἢ ἀρχήν. Τὸ γὰρ ἐνστῆναι πρὸς δύναμιν ἄρχοντος, καὶ τὴν ἄγαν ἐξουσίαν ἀφελεῖν, ἐξουσία καὶ δύναμίς ἐστιν αὐτῆς.

(5) Cic. Adv. Rull. 11, 5. — Vell. Paterc. 11, 2.

་་་་་་་

tribus de toutes propositions, et de faire ainsi transformer leurs projets en lois, leurs menaces en juge

ments.

Le veto des tribuns, qu'on le remarque bien, était au fond de même nature que celui des autres magistrats; seulement les tribuns allaient de pair avec tous, et, de plus, l'inviolabilité de leur dignité et la force d'opinion leur donnaient une puissance irrésistible. La religion et le peuple étaient derrière eux, toujours prêts à les défendre et à les venger.

Le veto s'imposait sans motif d'opposition. Le droit des tribuns était absolu comme celui des autres magistrats. Quand le sénat voulut paralyser les rogations de Caïus Gracchus, il suborna le tribun Livius Drusus, comme il avait séduit M. Octavius pour arrêter l'aîné des Gracques; mais sans doute parce que Octavius avait parlé, on défendit à Drusus de motiver son opposition (1). Un tribun, en effet, dont le devoir était de faire triompher le vœu populaire (2), ne pouvait s'opposer aux lois des Gracques qu'en se renfermant dans un superbe silence et en argumentant des priviléges de sa charge. C'est un moyen familier aux ambitieux de mauvaise foi de se servir à faux des prérogatives que leur donne la constitution, et d'employer la lettre de la loi pour en étouffer l'esprit.

Le veto des tribuns arrêtait court tout acte des magistrats quel qu'il fût. Un tribun pouvait empêcher

(1) Appien, Guerre civ. 1, 23. Λίβιόν τε Δροῦσον ἕτερον δήμαρ χον ἔπεισε (ἡ βουλὴ) κωλύσαι τοὺς Γράκχου νόμους, οὐκ ἐπιλέγοντα τῷ δήμῳ τὰς αἰτίας· δέδοται δὲ τῷ κωλύοντι, μηδ' ἐπιλέγειν.

(2) Polybe, νι, 16, § 5. Οφείλουσι δὲ ἀεὶ ποιεῖν οἱ δήμαρχοι τὸ δοκοῦν τῷ δήμῳ, καὶ μάλιστα στοχάζεσθαι τῆς τούτου βουλήσεως.

un consul de réunir le sénat (1), suspendre les comices, et par conséquent le vote des lois ou la nomination des magistrats (2). La justice même était à leur discrétion; ils pouvaient arrêter une accusation (3), et, ce qui semble plus extraordinaire, le jugement rendu, ils pouvaient en empêcher et en modifier l'exécution. Ainsi, quand Scipion l'Asiatique, accusé de concussion, se déclara dans l'impuissance de satisfaire aux condamnations pécuniaires prononcées contre lui, on eut recours aux tribuns pour fléchir le préteur qui, esclave de la loi, ordonnait de vendre les biens du condamné, et de s'assurer de sa personne. Les tribuns, ennemis de l'Asiatique, refusèrent d'interposer leur autorité; un seul, Tibérius Gracchus, le père des Gracques, s'éleva audessus d'inimitiés misérables; par un décret que nous a conservé Tite-Live, il déclara qu'il laissait le préteur saisir les biens du condamné, mais qu'il ne souffrirait jamais qu'un homme qui avait porté si loin le nom romain allât pourrir dans une prison au milieu des ennemis qui avaient suivi son triomphe, et il ordonna la mise en liberté de Scipion, ce qui eut lieu immédiatement et sans opposition (4)

Le sénat, non plus que les autres pouvoirs de l'État, n'était à l'abri de l'intercession. Les tribuns pouvaient empêcher les délibérations du sénat, même quand il s'agissait des questions les plus urgentes, et des mesures d'administration les plus pressées (5).

(1) Polybe, vi, 16, 4.

(2) Cic. Leg. agr. 11, 12. Ad Q. Frat. ш, 3. Ad Att. iv, 16. Phil. 11, 33. Liv. vi, 35; VII, 17; x, 9; xxv, 2; xxvII, 6; xLv Dio Cass. XXXViii, 13; xl, 158. - Appien, Guerre civ. 1, 23. Plut. Caton d'Utique, c. 46.

21.

12,

[merged small][ocr errors]

- Cic. In Vat. 14.

(4) Liv. XXXVIII, 60.—Gell. iv, 14; vii, 19.—Tac. Ann. xiv, 48. (5) Liv. xxxi, 25.- Cic. Ad Fam. viii, 5, 7, 13.

« IndietroContinua »