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et la ferme proprement dite. L'arrentement n'est autre chose qu'une ferme cédée pour un temps illimité. Il diffère de l'afféagement en ce que le bailleur conserve toujours le domaine direct sur son héritage, et en cas de défaut de payement de la rente pendant deux ou trois ans tout au plus, il a droit d'expulser celui qui en est débiteur. » L'arrentement est surtout employé pour les moulins; il est beaucoup moins usité pour les terres labourables. Le fermage proprement dit, sans être bien répandu, est plus ordinaire que l'arrentement. Il n'est pas plus productif, parce que les baux ne sont pas d'assez longue durée. << La coutume de la province interdit les baux de plus de neuf ans, et ce terme est trop court pour qu'un fermier puisse mettre les terres en valeur et les y soutenir... La plupart des fermes ne sont que de trois et de six ans. Qu'on les suppose de neuf, il est aisé de voir qu'il y a près de la moitié de ces neuf années qui sont perdues pour le cultivateur, et par conséquent pour les propriétaires. Le fermier entrant trouve tout à faire. Ses soins. et son travail ne peuvent lui profiter qu'après deux et même trois ans. Sa culture se soutient pendant deux ou trois années. Elle languit ensuite, parce qu'il cherche uniquement à jouir de ses travaux, et qu'il ne cherche pas à en faire jouir son successeur. Ainsi celui qui le remplace est dans la même position : il trouve tout à faire (1). »

La tenure la plus usitée est le métayage. Les métairies un peu étendues sont louées à moitié fruits; les petites métairies ne sont louées qu'au tiers (2). Ce sont les plus nombreuses. << Presque toutes les fermes de Bretagne sont très petites. Il faudroit joindre dix ou douze de la plupart de ces fermes pour en former une aussi grande que celles des autres pays (3). » En général fermiers et métayers sont également dépourvus de capitaux. « Dans toute la haute Bretagne, la misère des labou

(1) Arch. d'llle-et-Vilaine, C. 276, fo 55. Société d'agriculture, 1759-1760, 227-228. C. 2726, 94 ro.

(2) Corps d'observations de la

(3) Arch. d'Ille-et-Vilaine,

reurs est si grande, qu'ils sont absolument hors d'état de se procurer par eux-mêmes les choses les plus indispensablement nécessaires à la culture des terres, comme les bestiaux de toute espèce, les charrues, les charrettes, les semences de la première année. Si le propriétaire ne les leur fournissait pas, les héritages demeureroient nécessairement en friche. Cette fourniture se nomme chateil, cheptel ou ensouchement, et elle est quelquefois un objet de 3,000 livres, dont le propriétaire ne se rembourse que lorsqu'un second fermier succède au premier (1). » Le payement du cheptel achève d'épuiser les ressources du fermier, qu'il met hors d'état de couvrir les dépenses qu'exige une exploitation sérieuse. La condition du propriétaire semble meilleure dans le fermage que dans le métayage. Le fermage en effet lui promet un revenu fixe, au lieu que le produit du métayage devient illusoire en cas de mauvaise récolte. En réalité les apparences sont trompeuses; les baux qui semblent les plus avantageux sont souvent les plus ingrats. « Chacun afferme ses biens le plus qu'il peut, et celui qui, par accident, les afferme excessivement, y perd beaucoup plus qu'il n'y gagne, parce qu'il n'est point payé ou qu'il l'est mal, que sa ferme est discréditée et qu'il est obligé dans la suite de la donner à un prix fort inférieur à sa valeur réelle (2). »

L'agriculture est grossière et fort éloignée des améliorations qu'elle a reçues en Angleterre et en Hollande. Un tiers de la province est couvert de landes et de terres vagues, propres seulement à fournir de maigres pâtis au bétail (3). Dans les terres cultivées, l'assolement et ce qu'il y a de plus rudimentaire. Dans les régions les plus fertiles, aussitôt qu'un champ a donné une récolte de céréales, on le laisse en jachère. Dans la paroisse de Pléboulle, par exemple, « il n'y a jamais qu'une partie des terres ensemencées; l'autre reste toujours en guéret d'été (4). Quand le sol est pauvre, le paysan ne se contente plus d'une

(1) Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. 2726, fo 54 vo. C. 65. (4) Ibid., C. 77.

- (2) Ibid., fo 67 ro.

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(3) Ibid.,

année de jachère : « Les terres, après avoir rapporté des grains, se reposent pendant trois ou quatre ans (1). » Il est même des contrées où le repos des terres dure plus longtemps encore. Les jachères couvrent ainsi une bonne partie du sol labourable. << Les années de repos sont presque des années de stérilité. Les paysans ont le funeste préjugé de les regarder comme un temps de ressource pour la nourriture des bestiaux (2). » Ce n'est une ressource que parce que les prairies sont rares et insuffisantes. Elles inspirent même à la plupart des paysans une certaine défiance; il les croient improductives, parce qu'elles ne servent qu'à nourrir le bétail (3).

Il en résulte que « le défaut d'engrais est sensible dans toute la province (4). » Ce n'est pas que les laboureurs en méconnaissent la nécessité. Sur toutes les côtes ils récoltent soigneusement le goëmon qui servira à fumer leurs terres. Mais dans l'intérieur de la province, ils en sont réduits au fumier de leur étable, qu'ils entassent dans leur cour, où il est desséché par le soleil, détrempé par la pluie, ce qui lui enlève toutes ses qualités. Ils ajoutent à leur fumier la balle de leur avoine et de la mauvaise paille, qu'ils font pourrir à l'entrée de leur demeure et qui ne peut leur donner qu'un engrais assez pauvre (5). Il est même des cantons où règne « l'abus de brûler les fumiers au lieu de les laisser consommer, ce qui produit à la vérité un engrais plus prompt, mais beaucoup moins puissant (6). »

Il est rare que le paysan ait une quantité de bétail proportionnée à l'étendue du terrain qu'il exploite. Ce bétail est mal soigné et mal nourri. Les étables sont si mal aménagées qu'une partie du fourrage qu'on donne aux animaux est perdue. « Un usage qu'on croit généralement répandu dans la province, en fait perdre une très grande quantité. Le bétail est couché lorsqu'il mange; ainsi le foin qu'on lui donne est étendu sur la

(1) Corps d'observations de la Société d'agriculture, 1757, 65. (3) Ibid., 97. (4) Ibid., 109. - (5) Ibid., 91.

1760, 23. 1757, 94.

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litière. D'où il arrive que celui que les animanx laissent ou par satiété ou par dégoût, est absolument perdu, et cette perte va plus loin qu'on ne pense (1). » Le fourrage fait, d'ailleurs, défaut dans presque toutes les fermes. Depuis le commencement du printemps jusqu'à la fin de l'automne, le bétail n'a d'autre nourriture que l'herbe rare et maigre qu'il trouve dans les landes et les guérets (2). Pendant l'hivernage, les paysans coupent du houx et de l'ajonc, qui est haché et pilé et forme le principal aliment de leurs animaux domestiques (3). Aussi, dans toute la province, le bétail est communément maigre, faible, et le laboureur est hors d'état de former des élèves. A peine ces élèves ont-ils atteint l'âge où leur travail peut donner des profits, qu'il est forcé de les vendre aux habitants des provinces voisines (4). Quand arrive le printemps, sa provision de fourrage est épuisée. Pour peu que la végétation soit en retard, il n'a plus rien à donner à son bétail. « Les fermiers sont alors réduits à vendre à vil prix des bestiaux qu'ils sont hors d'état de nourrir. Par là ils portent un coup irréparable à leurs récoltes, puisqu'ils perdent toute ressource du côté des engrais (5). »

Non seulement les petits tenanciers ne donnent pas à leurs terres les engrais nécessaires, mais ils les travaillent mal. Ils se bornent à donner un labour à leurs guérets, tandis que trois ou quatre suffiraient à peine pour certaines terres qui sont lourdes, compactes, humides et froides. Ils n'ont pas la précaution de choisir, pour leurs semailles, des grains de qualité exceptionnelle. Ils ne songent jamais à sarcler leurs blés, « négligence qui nuit à la récolte actuelle, et encore plus à celles qui doivent suivre, par la multiplication des graines des mauvaises herbes. » Quand arrive l'époque de la moisson, « on coupe le blé par gorge, c'est-à-dire à huit ou dix pouces au-dessus du sol et le chaume n'est enlevé que longtemps après la récolte. Ces deux pratiques concourent encore à multiplier les mauvaises herbes, puisque

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leur graine est épargnée et qu'elle a le temps de mûrir et de se répandre (1). »

On comprend que, dans de telles conditions, le rendement des terres est insignifiant. « Les fermiers ordinaires, on pourroit presque dire tous les fermiers, sèment à peu près deux cents livres de froment par journal. Ils recueillent cinq, six, et tout au plus sept cents livres pesant. C'est deux et demi, trois, ou tout au plus trois et demi pour un, semence comprise. S'ils convertissoient leurs pâtures en prairies artificielles, ils récolteroient trois et demi pour un dans les années les moins favorables, et année commune, quatre et même jusqu'à cinq pour un, semences déduites. Ils seroient en état de faire des élèves, et leur bétail, en augmentant, multiplieroit les moyens de subsistance domestique et ces petits profits qui font toute l'aisance du fermier (2). »

De nos jours, dans toutes les fermes, la vente des veaux est regardée comme une source de profits. Le laboureur nourrit ses veaux et les engraisse avec soin, pour en tirer plus d'argent. Au XVIIIe siècle, le paysan breton calcule autrement. Il ne peut se résoudre à se priver du lait de ses vaches. Il trouve qu'il perd à nourrir une bête dont tout le lait est employé à nourrir son veau. « Il faut, dit-il, nourrir la mère tandis que le veau épuise son lait. Ainsi, outre le prix de la nourriture, on est privé du lait et du beurre qui feroient subsister la famille du fermier ou par leur consommation, ou par le prix qu'on en retire (3). » Aussi le paysan ne garde jamais longtemps un veau dans son étable. Il est rare qu'il ne le vende pas avant une dizaine de semaines (4). Pendant le carême, comme il se fait une bien plus grande consommation de lait, les veaux sont vendus quatre à cinq jours après leur naissance (5).

Le beurre devrait être une des ressources de la Bretagne. Elle en produit une assez grande quantité. Celui de la Prévalaye est estimé des gourmets, qui le considèrent comme le meilleur

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