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Comment Cesar conquist France 1.

France estoit molt grans au tens Juille Cesar: ele estoit devisée en .iij. parties. Li François qui manoient en une des parties estoient apelé Belgue. Cil de la seconde partie Poitevin ou Aquitain, tot a un; cil de la tierce Celte. Ces .iij. manieres de François n'estoient pas d'un lengage ne d'une maniere de vivre. Belgue estoient li plus fort a cel tans, genz sanz soulaz et sanz compaingnie, por ce que loingtain estoient, ne marcheanz ne genz d'autres terres ne reperoient gueres entre euz. qui i portassent choses ne deduit qui les cuers des gens amoloient aucune foiz. Voisin estoient as Sesnes d'outre le Rin. Toute jor estoit bataille entreus et les Sesnes : ce les rendoit plus durs et plus felons. Toute jor couroient li un seur les autres. Garonne court entre les Poitevins et ces François qui lors estoient apelé Celte. Marne et Sainne les deçoivrent des Belgues, car ces deux iaves corent entre Celtes et Belgues. Une partie des Belgues apeloit on Helveçois purement por une iave qui a nom Helve, qui cort cele part 2. Li Rins estoit marche d'une part entre les Sesnes et ces Belgues Helvecois. Li chiés de ces Belgues qui n'estoient pas Helvecois commençoit au Rosne [et a Garonne 3]; si s'estandoit jusque a la mer d'Ocean, si que cil païs de Belgues estoit contre Oriant et contre Septemtriun; Poitevin, Aquitain estoient de Geronne 4 jusque aus porz d'Espaingne, contre Ocidant et Septemtriun; Celte françois entre Sainne et Marne et la mer, par devers Midi et Ocidant (fol. 20 d, 21 a).

Les Germani de César sont devenus des Sesnes, proprement des Saxons, et les Aquitani sont identifiés avec les Poitevins. Plus loin des Allobroges de César sont métamorphosés en Bourguignons, les Cantabri sont des Gascons, les Morini des Flamands, etc. Cette recherche des équivalents exige plus de science qu'une transcription pure et simple des noms antiques. Au début du 1. III César nous dit que Servius Galba alla prendre ses quartiers d'hiver «< in vico Veragrorum, qui appellatur Octodurus. >> Octodurus est, comme on sait, Martigni en Valais. Notre auteur traduit : << [Galba] s'en vint en Chablois, la ou saint Morise gist ore >> (fol. 37 c). Ce n'est pas si mal trouvés.

1. Ms. 23083, fol. 20 d. Le lecteur du xvie siècle déjà mentionné plus haut écrit au bas de la page une longue note pour protester contre l'emploi de France au lieu de Gaule.

2. César ne dit rien de cela.

3. Rétabli d'après 1391.

4. La Garonne, ms. 1391.

5. J'ai noté, en parcourant l'ouvrage, un certain nombre d'identifications que je vais donner pour ce qu'elles valent, sans croire utile de les discuter. Quelques-unes, parmi celles qui sont rejetées en l'état actuel de la science, se

Les descriptions de bataille offrent en abondance des exemples d'un rajeunissement d'un autre genre. Prenons-en un dans le récit de la défaite d'Arioviste. Il y a dans le latin (I, LII). « Id cum animadvertisset >> Publius Crassus adolescens qui equitatui praeerat, quod expeditior >> erat qam ii qui inter aciem verşabantur, tertiam aciem laborantibus »> nostris subsidio misit. » Voici ce que ce passage est devenu chez notre traducteur :

Quant ce vit Publius Crassus, uns nobles jovenciaux qui gardoit la chevalerie del tierz convoi, qui touz estoit encore frès, n'encore n'avoit guieres feru, il guie ceus de sa garde cele part ou il vit que li Romain avoient le poior 1; il choisi Conabre, le serorge Ariovistus, qui avoit lors abatu et ocis Mucien, .j. vaillant chevalier romain. A celui s'eslessa Publius Crastus tout avant, et le feri par tel vertu de son espié qu'il li faussa le blanc hauberc et li mist le fer tranchant parmi le cors, d'outre en outre, si que Conabrez trebucha mort de la sele. Lors ot plus de .M. Sesnes entor lui, qui le cuidierent encore vif: si fesoient parc a lor espées entor lui, mais li chevalier qui suivoient Publius Crassus, qui orent veu ce biau cop que cil qui lor connoistables estoit avoit fet, si ferirent es Sesnes a eslès; si les derompirent au premier assaut et foulerent et abatirent. (Fol. 31 a).

Citons encore dans le même genre le récit de la mort d'Indutiomarus. Voici ce que nous lisons dans César, au dernier chapitre du 1. V: «< In >> ipso fluminis vado deprehensus Indutiomarus interficitur, caputque >> ejus refertur in castra. » Mais dans la version française la scène est épique :

Et Labienus ne li sien n'entendirent fors a Inditiomarus chacier non ; et il en avint si bien que Sceva l'aperçut la ou estoit a meïsmes d'un gué: n'i avoit que de l'entrer anz, quant Sceva lessa l'aigle qu'il portoit et le feri de la hante qui fu grosse et de fresne, et bon fer esmoulu avoit en son : le blanc haubert li faussa endroit le costé destre près de l'eschine; mais il ot vestu .j. cuir de sar

sont perpétuées jusqu'à ces derniers temps. Je continue à citer d'après le ms. 23083. Pour les noms latins on aura recours aux index de César :

Ágedincum, Baugenci, ff. 67 b, 77 c.

Avaricum, Sanceurre, ff. 67 d, 68 b, 71 a.

Bibracte, Biausne (Beaune), f. 83 a.

Genabum, Giem, ff. 66 b, 67 c.

Gergovia, Clermont, f. 71 c.

Lemonum, Lisignon, f. 87 a b.

Metiosedum, Gevisi, voir plus loin, p. 11.

Vellaunodunum Senonum, Meün, f. 67 b.

Le compilateur a esquivé Bratuspantium, sur lequel on eût été curieux d'avoir son avis. Il rend Uxellodunum par Vexelloduns (fol. 90 d), ce qui ne nous apprend rien.

1. Ms. pooir.

pent a pure sa char; la s'arestut li fers d'acier. Sceva, qui ot le cuer vassal et le braz fort et roide, l'enpaint par tel vertu qu'il le porte a terre del destrier seur la rive, si près qu'a pou ne chaï dedenz l'iave. Indiciomarus sailli em piez, et tret le branc d'acier: tel cop en done Sceva parmi son hiaume que il l'en trenche une piece. Li brans descendi contreval en coulant si trancha le cheval parmi les ars devant : Sceva chaï a terre seur les piez. Indiciomarus le cuida sesir as braz, qui granz estoit et corsuz, mès Sceva ot son cop entesé de l'espée, si que il le fendi dès l'espaule amont jusque au foie onques ne hauberc ne cuiriée nel garanti. Indiciomarus trebuche et Sceva receuvre : si li coupa le chief a tot le hiaume, puis le ficha en son la hante de l'aigle d'or. Atico rendi le destrier Inditiomarus par la resne. Il sailli sus; si s'eslesse a esperon vers les lices, la teste en son la lance (fol. 58 b c).

C'est le style des chansons de geste: pour un peu l'auteur eût écrit en

vers.

Au 1. VII, ch. XLVI, on lit: «< tanta fuit in castris capiendis celeritas >> ut Teutomatus, rex Nitiobrigum, subito in tabernaculo oppressus, ut >> meridie conquieverat, superiore corporis parte nudata, vulnerato equo >> vix se ex manibus prædantium militum eriperet. » C'était une belle matière à développer. Ecoutons maintenant notre auteur français:

Celitomacus, li rois de la Marche, qui estoit venuz en l'aide de Vertigetorix, se dormoit en son paveillon a meriane; il fu si seurpris que il sailli toz nuz en ses braies seur son cheval; a paines eschapa, car li destriers fu en .iiij. leus navrez, et .j. romain l'ot pris par les resnes; seu cuida retenir, mès il avoit le poing gros et ossu: si li donna tel cop lez l'oïe que cil cheï a terre touz estenduz. Se li Romains n'eüst la teste armée, anbedui li oeil li fussent de la teste volé. Ainsint eschapa li rois (fol. 74 a b).

Le récit de la bataille où Labienus défit Camulogenus, devant Lutèce (César, VII, LVII et suiv.), est des plus curieux à cause de l'interprétation topographique donnée à certains passages qui sont un perpétuel sujet de controverse pour les antiquaires. Je ne puis transcrire le morceau entier : il est trop long. Je remarque seulement que l'énigmatique Metiosedum du ch. LXI est rendu par Gevisi (fol. 77 a), c'est-à-dire Juvisi, identification qui se rapproche singulièrement de celle de J. Quicherat qui plaçait ce lieu à Athis. Le récit de l'auteur français n'est pas exempt de développements poétiques: on y peut lire par exemple l'émouvant récit d'un duel entre Labienus et Camulogenus qui est resté inconnu à César. Mais ce que je veux extraire de ce chapitre, c'est une incidence de l'auteur qui n'est pas sans intérêt pour l'histoire de l'ancien Paris :

1. Mémoires de la Société des Antiquaires de France, XXI (1852), 384.

Coment Labienus assist la cité de Paris

Entre ices choses Tytus Labienus fu venus devant Lutece, une des citez principaus de France, que l'en apele ore Paris, mès n'estoit pas a icel tens de grant renomée si comme ele est ore. .IIII. legions avoit Labienus o soi. La cité seoit en une ille enmi Sainne, si comme ele fait encore, et estoient les entrées molt durement boeuses; [por ice avoit non Lutecia qui sone « boeuse » 2]. Entor le mont Saint Estienne et Sainte Genevieve n'avoit lors nul habitant, mès au tans seinte Creeust 3 qui fonda le mostier del mont en l'eneur de saint Pere l'apostre, ou Clodoeus 4 ses barons gist, i comença l'en a abiter, et meïsmement puis que li rois Chilperiz, qui fu fiuz de leur fils ot fet.j. theatre es vingnes qui sont entre Sainte Genevieve et Saint Victor. De cel theatre que je vos di duroit encore une partie en estant au jor que li rois Phelipes conmença Paris de murs a ceindre par devers Petit pont (fol. 76 a b).

Le théâtre construit selon notre auteur par Chilpéric n'est point différent des arênes dont on a découvert un fragment important en 1870, rue Monge, à l'endroit même désigné par le texte qu'on vient de lire. Cet amphithéâtre est romain, mais Grégoire de Tours (Hist. Franc. V, XVIII) en attribue, comme l'auteur des Faits des Romains, la construction à Chilpéric. Adrien de Valois avait déjà indiqué qu'il avait dû être non pas édifié, comme le dit Grégoire, mais refait par le petit-fils de Clovis. M. Delisle a cité des vers d'Alexandre Nekham d'où il résulte qu'à la fin du xii' siècle il subsistait encore de cet amphithéâtre des restes considérables 6. Mais on ignorait jusqu'à présent que ces ruines avaient été déblayées lors de la construction de l'enceinte méridionale de Paris par Philippe-Auguste, c'est-à-dire en 12117.

L'auteur suit les Commentaires à peu près jusqu'à la fin; exactement jusqu'au ch. LII du huitième livre (fol. 94 b). Puis il fait quelques emprunts à Lucain (fol. 94 c d), et raconte en passant la mort tragique du

1. Ms. entor; je corrige d'après le ms. 1391, fol. 73 b.

2. Ce qui est entre [ ] est restitué d'après 1391.

3. Crehelt, 1391.

4. Flodoveus, 1391, forme à noter. voy. Grégoire de Tours, II, XLIII.

5. Ms. fiuz; je corrige d'après 1391.

Pour le lieu de la sépulture de Clovis,

6. Bulletin de la Société des Antiquaires de France, 1858, p. 151. La note de M. Delisle et divers extraits relatifs au même monument ont été réimprimés dans une brochure publiée en 1870 lors de la découverte de la rue Monge (Les Arènes de Paris..., se vend aux Arènes et à la Société de numismatique et d'archéologie, in-8, 32 pages).

7. C'est en 1211 selon Guillaume le Breton (Bouquet, XVII, 85 d) que fut construite cette partie de l'enceinte.

triumvir Marcus Crassus. Au chapitre De la largesce de Julius Cesar, dont il conquist tout le monde (fol. 95 a), l'auteur se rattache à Suétone, ch. xxvi2, qu'il suit jusqu'au ch. xxxi, ajoutant de temps à autre des remarques de son propre fonds, comme ici: Suetone, xxvIII: « ... Su>> perque Italiæ Galliarumque et Hispaniarum Asiæ quoque et Græciæ >> potentissimas urbes precipuis operibus exornans. » Fait des Romains:

Par desus tot ice il fesoit fere riches edefices, si comme mares, tetrines 3 et palès par les plus nobles citez de Lombardie et de France et d'Espaingne, d'Aise, de Gresce: encore apert a Paris le palès de Termes, que il fist fere, et en autres citez treuve l'en encore de ses oevres (fol. 95 c).

Des passages pris d'ailleurs, de Lucain par exemple, sont intercalés çà et là. La Sybille est citée (fol. 96 c). Nous arrivons ainsi à la partie du Fait des Romains qui est imitée de Lucain. Dans le ms. que je suis de préférence (fr. 20083), cette partie commence ainsi :

Ci conmence li premiers livres Lucan de Julius Cesar.

Quant Cesar, qui donques estoit a Ravane a toute s'ost, oï la nouvele que li senaz avoit refusée la proiere que li tribun faisoient pour lui, et que li tribun estoient parti par mal de la cité de Romme, il fist tantost appareillier ses legions et les envoia de la terre de Ravane tout quoiement, que li citoien ne s'aperceüssent de ce qu'il vouloient envaïr Romme et soi venchier, car s'il le seüssent, espoir il le vousissent retenir et prendre comme cil qui estoient de la feauté de Romme. Et pour miex faindre la chose, il ala avec les citoiens au theatre pour esgarder les communs jus de la vile, et ala esgardant une grant place ou il devoit edefier .j. cercle ou li chevalier as espées se combatoient a la guise qui est devisée arrieres (fol. 97 a).

Mais, malgré la rubrique de ce chapitre, nous sommes encore dans Suétone. L'auteur raconte d'après cet historien (ch. xxxII) l'apparition qui s'offrit aux yeux étonnés de César sur les bords du Rubicon; il l'eût trouvée autrement présentée dans la Pharsale, mais il s'en est tenu à

1. L'occasion lui en est fournie par les vv. 103-6 du 1. I de la Pharsale. 2. Le chapitre commence ainsi : « Cesar tendi as hautes choses et [fu] en >> esperance de monter, car il vit que par grace de peuple pooit a baillie avenir. » Bien pesast au senat qui que la requeïst pour lui, quant il ert fors. Por ce ne trespassoit nule largesce a privé n'a commun, et fist fere un trop riche » pledouer a Rome.. » Suétone: « altiora jam meditans et spei plenus, >> nullum largitionis aut officiorum in quemquam genus publice privatimque

» omisit. Forum de manubiis inchoavit... »

3. Leçon corrompue: 1391 (fol. 92 d) mires, termes; 23082 (fol. 117 b) mesons, terrines; 246 (fol. 222 c) murs, termes.

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