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mement, nous l'avons vu plus haut, le titre de «< Livre de César » ou « Vie de César ». Et en effet le chapitre commençant par « Il plout a Cathon et a ses compaignons » se retrouve dans le ms. 23083 au fol. 165 b « Après volt Caton qu'il alaissent el regne Juba qui marchissoit » aus Mors, mès un perius divers lor empeeçoit lor chemin par .j. felon >> trespas qui estoit en lor voie. » Voici, à partir de ce point, la correspondance entre les chapitres interpolés qui ont pris place dans les Historiens des Croisades et le ms. 23083:

[CH. XLVII). Quant Cathonz et si compaingnon furent el desert entré... 23083, fol. 167 b.

23083,

[CH. XLVIII]. La chalour fu levée si grant que trop... = 23083, fol. 168 c. [CH. XLIX]. Uns jouvenciaux de grant lingnaige, Aulus avoit non... fol. 169 b.

[CH. L]. Lorz toust de meintenant il ravint une triste aventure... 23083, fol. 169 c.

[CH. LI]. Aprèz avint une maniere moult diverse... = 23083, fol. 169 d. [CH. LII]. N'orent mie granment avant alé... 23083, fol. 170 a. [CH. LIII] Estes vous, einsint comme il aloient... 23083, fol. 170 a. [CH. LIV]. Aprèz avint que Murcus [lis. Murrus], unz connestables...., 2 23083, fol. 170 b.

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[CH. LV]. Un matinet avint que Publius, .j. niez Sciphyon... 23083, fol. 170 c.

[CH. LVI]. Tant alerent toutes voiez que fortune leur apareilla j. pou d'aide... 23083, fol. 171 a.

[CH. LVII]. De cel flun du Nil ont maintez genz demandé... Phrase de transition faite par l'interpolateur qui ici passe plusieurs pages où il est question des amours de César et de Cléopâtre. Mais à la septième ligne du même chapitre nous retrouvons la teneur des Faits des Romains: Cil Achoreuz qui estoit evesques d'Alixandre seoit desor .j. faudestuel... 23083, fol. 175 d.

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...

Ce chapitre LVII se termine par ces mots : «< ainz arose toutes les >> valées et les plains et les chanz d'Egypte jusques aus montaingnes », qui se retrouvent dans le ms. 23083 au fol. 177 b. Le chapitre LVIII est pris de la partie du Fait des Romains qui correspond au troisième livre de la Pharsale; mais n'a pourtant rien de commun avec Lucain :

[CH. LVIII]. Quant li roiz de Macedoinne, li granz Alixandrez, qui tant conquist de terrez, fu alez a toutes ses olz jusques vers Oriant, droit vers le nessement del soloil, il se logierent tuit ensemble suer le flun du Nil que saint Jeroisme apele en la Bible Gyon. La endroit s'aresta Alixandre quant il ot tant alé

1. Je remarque une fois pour toutes que l'interpolateur omet d'assez longs passages.

2. C'est le passage où il est question du basilic; voy. ci-dessus, p. 18.

par mer et par terre, et bien cuidoit estre au coron de la terre par deverz Oriant. Adonques li fu dit qu'il ne troveroit dès illeuc en avant ne home ne fame il fist emplir une nef de quanque mestierz li fu, puis mist de sa gent dedenz. Li dui chevetainnes de cele nef orent a non Mitoines et Aristeus...

C'est le récit même du voyage d'Alexandre au Paradis terrestre, tel que nous l'avons trouvé plus haut (p. 14-5), dans les Faits des Romains. On pourrait constater ailleurs encore dans notre ancienne littérature, des emprunts aux Faits des Romains. Jean Mansèl, par exemple, au xve siècle, en a introduit des parties considérables dans Fleur des Histoires. Mais je ne pousse pas plus loin la recherche, les deux emprunts que j'ai signalés suffisant à prouver la date relativement ancienne de l'ouvrage.

Ce qui caractérise cette histoire de César, c'est un mélange singulier de traduction et de développement poétique. On dirait l'œuvre d'un humaniste uni, je ne dirai pas à un poète, mais à un jongleur. L'humaniste traduit, et souvent assez heureusement, les textes latins, le jongleur apparaît dans toutes les scènes qui pouvaient plaire à un auditoire du moyen âge, et les arrange à la mode des romans de chevalerie. Assurément personne ne croira que les Faits des Romains aient été composés par deux collaborateurs, s'associant pour traiter les diverses parties du sujet selon leurs aptitudes particulières. Ce genre de collaboration n'était pas pratiqué au moyen âge. Mais il ne semble pas absurde à première vue de supposer que l'auteur inconnu du Fait des Romains ait eu sous les yeux, outre les écrivains romains qu'il nomme, une chanson de geste, d'ailleurs inconnue, ayant pour matière l'histoire de Jules César. Et en réalité il n'est pas impossible qu'il ait existé sur César un poème antérieur à celui de Jacot de Forest qui, par sa date, est ici hors de cause', bien que les témoignages qu'on a invoqués en faveur de cette hypothèse 2 ne soient pas concluants. Mais je ne crois pas que le Fait des Romains puisse fournir un argument en faveur de l'existence d'un tel poème. Le même écrivain pouvait réunir les connaissances d'un clerc aux aptitudes d'un jongleur. Cette supposition n'a rien d'invraisemblable au XIIIe siècle. Il n'y a véritablement pas disparate entre les diverses parties de l'ouvrage. Les passages mêmes qui sont traduits avec le plus d'exactitude décèlent un homme habitué à manier sa langue, disposé à traiter librement sa matière, un écrivain doué d'une certaine originalité et qui est quelque chose de plus qu'un simple translateur. A part les morceaux tels que les récits de bataille ou l'épisode de Cléopâtre, dans lesquels les textes latins

1. Voy. Romania, XII, 380.

2. Fr. Michel, Guerre de Navarre, 421-4; cf. Flamenca, p. 284 note, et p. 427.

ne sont suivis que de très loin, on rencontre en un grand nombre d'endroits, comme l'analyse qui précède l'a prouvé, des additions, de brefs développements que l'on ne peut aucunement considérer comme des emprunts à un poème.

Si j'ai été amené à soulever la question à laquelle je n'hésite pas à répondre négativement, c'est qu'un instant j'ai pu croire que l'auteur avait eu sous les yeux un poème sur César et même qu'il en avait conservé quelques vers En effet, dans le ms. fr. 1391, l'un des plus anciens que nous possédions des Faits des Romains, on lit, au haut du feuillet 162 b, un passage en vers. Dans la marge supérieure le copiste a écrit Rime: Voici ces rimes :

Assaracus li dist:

Sire compains, qui vos a fait boichier ?
Molt bien savriés..j. porcel depecier
Levus s'en rit, si ra feru Disdier:

Si souavet li rest le hanepier
Que la cervele li fist dou test voidier.
Assaracus qui tint sa mace
Aïde a descombrer la place
.V. en ocist en peu d'espace
L'un apeloit l'en Cyriace;
Celui frossa et nés et face
Assaracus en cele chace.

Lors fu li estorz granz; cil de la galie ne porent plus endurer...

Ces vers qui se rattachent de loin à un passage du IXe livre de la Pharsale sont, à première vue, suspects. Ce mélange de décasyllabes et d'octosyllabes est inusité. En réalité, ils sont l'œuvre d'un copiste qui s'est amusé à mettre en vers la prose qu'il avait sous les yeux. Voici, d'après deux mss., le texte original.

Fr. 23083, fol. 162 a

Assaracus li dist: « Si[r]e compains, qui vouz fist bouchier? je cuit que vouz savriez bien despecier .j. porc. Levins s'en rit. Après vait ferir Didier, si durement qu'il en abati la cervele a ses piés. Assarracus qui une mache tint a .ij. mains, aide la place a delivrer. Il en a .v. ocis en molt petit de terme. Li uns ot nom Triaches; celui froissa il tout dusqu'es dens. Li estours fu granz et perilleus; cil de la galie nel porent endurer.

Fr. 23082, fol. 194 C

Assamtus li dist: Sire compainz qui vos a fet bouchier? Molt savriés bien tuer un porcel et depecier. Levius s'en rist, si ra feru Didier; si

souavet li rest le hannepier qe il li respondi (sic) toute la cervele. Et Assaratus qui tint sa mace aide a descombrer la place, et en pou d'espace en ocist .v. Si en avoit li uns non Tiriace, et a celui froissa il le nés. Lors fu li estors granz et cil de la galie ne les pooient endurer.

Les Faits des Romains ont été de bonne heure lus et copiés en Italie. L'un de nos plus anciens mss., celui qui porte à la Bibliothèque royale de Belgique le n° 10168-72, se termine par un explicit ainsi conçu :

(Fol. 170 c). Explicit li roumanz de Julius Cesar, qui fu escrit a Roume en l'an de grace mil .cc, lxxx & xiij., et fu l'essamplaire pris a mesire Luqe de Sabele, un chevalier de Roume.

D'autres encore, parmi les mss. énumérés plus haut, sont d'origine italienne. Mais il y a plus : il existe jusqu'à trois traductions italiennes du même ouvrage. De l'une, qui paraît la plus ancienne, on connait une copie mutilée, d'une autre on a des copies assez nombreuses; la troisième. est représentée par une ancienne édition imprimée, et par un manuscrit.

La première traduction italienne est celle dont quelques extraits ont été publiés par Nannucci dans son Manuale della litteratura del primo secolo della lingua italiana', d'après un ms. de la bibliothèque Riccardi, à Florence, qui porte pour titre Lucano tradotto in prosa, et qui est daté de 1313. La seconde version, peut-être moins ancienne, en tout cas moins ample, car elle élague beaucoup de parties de l'original, nous a été conservée par de très nombreuses copies, et a été publiée d'après un ms. de Sienne, dans la Collezione di opere inedite o rare dei primi tre secoli della lingua 2. L'éditeur, M. Banchi, n'est pas arrivé à se faire une idée nette de la différence des deux textes. Faute d'avoir comparé les deux versions à l'original français, dont pourtant il connaissait l'existence 3, il a considéré le texte le plus court, celui qu'il a édité, comme la rédaction première dont l'autre texte ne serait qu'une amplification. M. Mussafia, rendant compte de la publication de M. Banchi, a conjecturé au contraire que les deux textes devaient être deux versions du français faites indépendamment l'une de l'autre 4. Cette conjecture est fondée. Je vais transcrire un passage du Fait des Romains en regard duquel je placerai la partie correspondante des deux versions. Ce passage est l'un de ceux que Nannucci a publiés d'après le ms. Riccardi, et il se trouve que pour cette partie de l'ouvrage la version éditée par M. Banchi est très peu abrégée, ce qui rendra facile la comparaison des trois textes. On remarquera que si, en général, ici comme partout ailleurs, la version la plus étendue (ms. Riccardi) est la plus exacte, néanmoins,

1. 2e édition, I, 507-11, 513-5; II, 172-92.

2.

I fatti di Cesare; testo di lingua inedito del secolo XIV, pubblicato a cura di Luciano BANCHI. Bologna, Romagnoli, 1863, in-8, LXXVII-390 pages. 3. I mentionne, p. XXI, le ms. de Venise enregistré plus haut, p. 3. Quant au ms. de Lodovico comte de Porcia, cité p. XXVII, d'après Liruti, c'est le ms. Canonici de la Bodléienne (voir ci-dessus, p. 2).

4. Jahrbuch f. rom. u. engl. Literatur, VI (1865), III.

çà et là le français est rendu plus fidèlement dans la version la plus courte [éd. Banchi). D'où résulte avec évidence que ces versions sont indépendantes.

FAIT DES ROMAINS.

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LUCANO.
(Nannucci, II, 176.).

Segnori cavalieri, chiun

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(Banchi, p. 160.)

(Fr. 20083, fr. 129 b.) Seignor chevalier, quiSignori cavalieri che ora conques parla ore contre que parlò ora contra me, parlavate contra di me e moi et maneça de bouche e mi minacciò colla boca minacciavate di bocca e et de main, or me puet ici e colle mani, or mi puote di mani, ora mi potete trouver prest. Veez ci qui trovare presto. Ve- qui vedere. Qui è mio mon piz nu et descouvert, dete qui il mio petto ignu- petto nudo e discoverto, appareillé a recevoir cox do e scoperto, apparec- apparecchiato ai colpi riet plaies. Viegne avant chiato di ricevere colpi e cevere. Vegna avanti chi qui voudra; et qui ne fedite. Vegna innanzi chi vorrà, e chi non mi vorrà me vodra sivre en la ba- vuole; chi non vorrà se- seguire in battallia, metta taille, mete juz ses armes; guire, ne più essere in giue sue armi e si fugga. si s'en fuie. Cil qui ceste battaglia, metta giù su' E quelli che cominciaro noise ont commenciée ici armi e fuggasi. Coloro che loro discordia, discuoet ceste discorde descue- questo romore hanno gia prano bene loro coraggio, vrent bien leur corages, cominciato e questa dis- che non anno talento di qu'il n'ont talent de grant cordia, mostrano bene ciò gran cose proseguire, e chose parsivre; il ne ch' egli hanno in cuore, non badano se non fugbéent mès fors a fouïr. che non hanno volontà gire; e sembiano che sia Il semble qu'il soient lassé di grandi cose seguire ne l'odio e la' nvidia; e ciò et anuié de ce qu'il me compiere, anzi intendono è a me bene. Partitevi, chiet bien. Alez vous ent solamente a fuggire; e e me lassate andare, e me et me leissiez aler et m'a- pare che sieno lassi e ri- abbandonate a mia forbandonez a ma fortune et creduti, e dispiace loro tuna. E se a Dio piace, a ma bataille. Et, se Dieu perchè bene m'avviene, e l'armi che voi mi lasseplest, les armes que vous mi sembra che sieno l'odio rete averanno duca in ciò. me lerroiz, dars et espées, e l'invidia; e cio è a me che voi m'avete servito. avront seignors. bene. Andate via, voi,

e me lasciate andare, e
abbandonatemi solamente
alla fortuna mia e alle mie
battaglie, che, se a Dio
piace, l'armi che voi mi
lascerete troveranno se-
gnori.

Grâce à l'obligeance de notre savant collaborateur, M. P. Rajna, professeur à Florence, je suis en mesure de donner quelques renseignements sur le ms. Riccardi qui contient, on vient d'en avoir la preuve,

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