s'en apercevoir, à moins de soumettre tous les mss. à un examen très minutieux, ce que je n'ai pas fait.. 3o Le récit ne s'arrête pas au même endroit que dans la plupart des mss., c'est-à-dire au triomphe de Pompée, à son retour de Jérusalem (ci-dessus, pp. 48-9), mais il se poursuit pendant plusieurs chapitres de façon à comprendre une partie de l'histoire de César. Les mêmes chapitres, moins le dernier ou les deux derniers, subsistent en deux de nos plus anciens mss.: Bruxelles, 10175, et Bibl. nat. fr. 9682. Je vais présentement transcrire le prologue. Nous verrons ensuite quelles conclusions nous devons en tirer. Com ses cuers le veut e demande; Qui si le fait sauve iert sa paine, En la fin en a tel merite Qui mout charement li profite, De ce seit sa pensée certe, 12 16 20 24 Ens es sains fons, si com il devrent E l'uile et la cresme recevrent La orent il a Deu covenent1 Qu'en lui creiroient fermement, 44 E ces comandamens feroient. Por Deu! segnor, s'il ne le font, Passé avront obedience; S'amende n'est par penitence, Perdu en avront la contrée 48 28 Ou il eüst esté toz dis Mout a sergans, et nequedent Se passé n'eüst son comant, 60 1. Corr. covent. 84 D e Deu est bons li comenciers : A lui comencerai premiers, Coment Adan forma e fist, Coment en paradis le mist, E com Adans entra en paine, N'i lairai riens que d'oir en oir De Noé ne doie retraire Quels hom il fu, de quel afaire, De ses enfans, de lor lignage 112 116 120 124 Ou il out maint prodome e sage 128 E maint felon e maint mauvais, Avant sera li livres fais Coment les terres deviserent 88 E departirent e sevrerent, E qui funda la tor Babel, 92 Ne nus ne redoute la mort 100 104 De Babiloine et dou roi Bel, E tot en ordene vos dirai, 432 136 140 144 (f. 2) 1. Corr. Si en, Le passage capital dans ce long préambule est celui où l'auteur anonyme désigne comme son seigneur et protecteur le châtelain de Lille Roger (vv. 262-5). M. de Reiffenberg pense qu'il s'agit de Roger, troisième du nom, neuvième châtelain, qui mourut en 12292 ». C'est l'opinion adoptée par M. Th. Leuridan, auteur d'un mémoire intitulé Les Châtelains de Lille 3 (p. 129), qui toutefois fait de ce Roger le quatrième du nom, et fixe la date de sa mort au 7 mars 1230 (N. S.). Roger était en fonction dès 1208 4. D'accord avec M. de Reiffenberg et M. Leuridan, je suis persuadé que c'est bien à ce Roger qu'il est fait allusion dans notre prologue; car le seul personnage du même nom qui, par la suite, ait été qualifié de châtelain de Lille, était en fonction vers 1303 (Leuridan, p. 141), ce qui est évidemment beaucoup trop tard. Nous sommes donc assurés que notre Histoire ancienne a été faite, ou du moins commencée, entre 1208 et 1230. Mais nous pouvons préciser 1. Ms. Wancres. 2. Philippe Mouskès, I, CCVI. 3. Lille, 1873, in-8. (Extrait des Mém. de la Société des sciences de Lille.) 4. Depuis 1211 seulement, selon M. Leuridan (p. 124), mais cf. l'article de M. Giry, Revue critique, 1875, 1, 62. davantage. Dans une moralisation en vers qui fait suite au récit de la mort d'Alexandre, on lit : Obliés fu tost Alixandres; (f. 252 b) Obliés est li rois de France Qui mout honora sainte iglise; E Deus qui les bons loe et prise En sa plus haute mansion L'en rende si haut gueredon Com il fist a la Magdeleine Qui de pechés est monde et saine... L'empereur Baudouin mourut en 1206. Le roi de France dont il est ici question ne peut être que Philippe-Auguste ou Louis VIII, et par suite la rédaction de l'ouvrage doit être placée entre 1223 et 1230. On a vu par les vers 223 et suivants que l'auteur se proposait de conter les premiers temps au moins de l'histoire de France, sans oublier les événements qui intéressaient la Flandre, son pays ou du moins celui de son seigneur (vv. 238-42). Or, dans les mss. les plus complets, il s'arrête, après quelques pages sur César, à la guerre des Gaules. L'ouvrage est donc resté incomplet. Peut-être, son protecteur mort, ne s'est-il pas senti le courage de continuer l'œuvre laborieuse qu'il avait entreprise. L'Histoire ancienne, telle qu'elle nous apparaît dans son état primitif, était un livre destiné à être lu ou récité à haute voix devant un auditoire. C'est ce qui est rendu évident par les passages si nombreux où on voit l'auteur s'adresser à son public en des termes qui supposent un public écoutant et non un public lisant: Dit vous ai... De ce ne vous vueil plus dire... N'en dirai ore plus. Beaucoup de ces formules sont restées dans le ms. 246 d'après lequel j'ai analysé l'ouvrage: elles sont plus nombreuses encore dans le ms. 20125, où on remarque notamment que beaucoup de chapitres commencent par Seignor... Le premier chapitre rapporté ci-dessus, p. 38, contient toute une mise en scène; c'est visiblement un exposé oral. Ce genre n'est nullement exceptionnel : les récits du ménestrel de Reims, rédigés vers 1260, offrent le même caractère ; ils ont été composés, comme l'a dit M. de Wailly « pour des auditeurs plutôt que pour des lecteurs ». Le prologue en vers, l'intercalation de considérations morales également en vers, qui formaient comme un repos entre deux contes comme on disait jadis, tendent au même but, qui était de plaire à des auditeurs laïques accoutumés aux chansons de geste et aux romans d'aventures. Il n'était point sans exemple de placer en tête 1. Récits d'un ménestrel de Reims, p. vj. |