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Thelegonus son filz ne fust mort, dont elle n'avoit eü confort depuis. Et quant elle le vit, si ot telle joye que elle en oublia toutes ses doleurs. Et nepourquant elle ne fu puis liée pour l'amour de Ulixes, et que elle n'en pleurast jour et nuit, comme celle qui depuis que il se parti de lié l'avoit amé touz jours de bon cuer, ne onques puis ne pot son cuer de luy oster, et si fu moult courrocée de sa mort et le pleura longuement. Thelegonus son filz fu preux et hardis et homs de grant cuer, et bien resembla son pere, car il estoit sages et de grant avis et bien parlant, et gouverna son royaume en paix par son senz; et par son avis et par sa force et par sa valeur acquesta il terres et possessions, et accrut son royaume et ses honneurs Et tint le royaume .lx. ans depuis la mort de son pere.

Ce chapitre cerrespond aux derniers vers du roman de Troie (éd. Joly, 30055-30092). Ici le texte du roman en prose (ms. 1612, fol. 139 a) est fort abrégé.

Suit un nouvel épisode, l'histoire de Landomatha, qui occupe la fin du roman en prose de Troie (ms. 1612, ff. 139 b-141 a).

(Fol. 165 c). Ci conmence l'ystoire de Landomacha (sic) le filz Hector.

Endementiers que Eneas et son filz Ascanius estoient en Ytalie, qui conquestoient le pays par leur enginz et (d) par leur force, crut et amenda Lendomatha le fiiz Hector, tant que il devint chevaliers preux et hardis, semillant a son pere. Si li souvint du tort et de l'outrage qui ot esté faite a son pere et a ses ancesseurs, et vous avez bien oy devant et entendu que Achillides li filz de Pyrrus, qui estoit son frere de par Andromacha sa mere, la grant amour que il avoit a luy et conment il departi sa terre...

Voici la fin de cet épisode 2 :

(Fol. 168 a). Conment Landomacha morut.

Après ce que il out ainsi alé triumphant par toute la oriental partie, si s'en retourna en Anchone et vesqui avec Thamarithe sa femme grant temps, et ot filz et filles qui après luy tindrent le regne. Et quant il out vescu tant comme (b) il plot a celuy qui le out fourmé, si trespassa de cest siecle. Or vous ay [conté] toute la vraie histoire de Landomacha le filz Hector.

Mesure est que nous facions ci fin de cestuy livre, car nous avons bien dit et raconté la vraie hystoire de Troie selunc ce que les aucteurs en ont dit et retrait, si que riens plus ne mains y est mis que droite verité.

Cy finist l'ystoire de Landomacha.

1. Plus clair dans 1612: Bien avez oï et entendu la grant amor que Achilidis li fils Pirrus ot aveuc Land matha le fils Ector, quar freres estoient de par Andromata lor mere.

2. Il faut comparer cette fin avec le texte, plus correct en certains endroits, du ms. 1612, qu'on trouvera ci-après, p. 80.

Après ce morceau nous reprenons la rédaction ordinaire à un chapitre qui, dans le ms. 246 (ci-dessus, p. 44) se trouve au fol. 58 b.

Ci commence de Eneas qui se parti de Troie et ala en Ytalie.

Quant Troye la grant fu arse et destruite, non pas toute, mais tant que li Grieu virent bien et sorent que jamais ne pourroit estre rescousse, ilz s'appareillierent pour entrer en mer, mais anchois commanda Agamenon a Eneas qu'il vuidast tantost le pays et la contrée...

L'accord se continue jusqu'au chapitre « Des roys qui regnerent en As» syre. Ore lairay ester des Hebrieux... ains furent princes de an en >> an pour leur peuples et leur cités gouverner » (fol. 183 a-d), ce qui correspond au fol. 69 a du ms. 246. Suit immédiatement, pour se continuer jusqu'au fol. 192 c une série de chapitres sur les Mèdes et les Perses, qui dans l'Histoire ancienne est placée plus loin. Il n'y a rien sur les Macédoniens ni sur Alexandre. Nous arrivons ainsi à notre section 7 qui commence au fol. 192 c avec cette rubrique : Or commence le fondement de la cité de Romme; cf. ci-dessus l'Histoire ancienne, ms. 246, fol. 69 a. Les vers cités plus haut (p. 47) sont transcrits (fol. 143 a) comme de la prose, et en fait ils sont, par quelques légers changements, réduits partiellement en prose. Toute la partie de l'Histoire ancienne qui se rapporte aux Mèdes, aux Perses, aux Macédoniens, à Alexandre le Grand (ms. 246, ff. 78 c-106 a) est omise, mais on vient de voir que pour les chapitres consacrés aux Mèdes et aux Perses, il y a simplement transposition. Quant à l'histoire d'Alexandre, elle est résumée en quelques lignes au fol. 208 b). L'ouvrage se termine enfin au même chapitre que l'Histoire ancienne en sa forme ordinaire (ci-dessus, p. 48) :

Comment Pompeius s'en repaira a Rome.

Quant Pompeius ot ainsi la cité de Jherusalem destruite, et trestout le regne d'Ayse jusqu'à l'entrée d'Ynde conquis et soubzmis a la seignorie de Rome........... Et adonques, quant Pompeius fu revenus en la cité de Rome, furent toutes les grans batailles apaisiées, si come Eutropius raconte, qu'il n'en estoit nulle qui granment fust grevable par trestout le monde. Et ce fu l'an qu'il ot .vij. cens ans que la cité de Rome avoit esté conmencé a faire.

Ici finissent les livres des hystoires du commencement du monde, c'est d'Adan et de sa lignie, et de Noé et de la seue lignie et des .xij. filz Israel et de la destruction de Thebes et du commencement du regne de Femenie, et l'ystoire de Troye la grand et de Alixandre le grant et de son pere et de Cartage et du commencement de la cité de Rome et des grans batailles que li Romain firent jusques a la naissance nostre Seigner Jhesu Crist, qu'ilz conquistrent tout le monde.

L'identité partielle des deux rédactions que nous venons d'étudier successivement ne peut s'expliquer que de deux façons: 1° par des emprunts, et en ce cas il s'agit de savoir lequel des deux ouvrages a été mis

à contribution par l'autre ; 2° par l'emploi indépendant d'une source commune. La seconde hypothèse me semble devoir être éliminée sans discussion. Reste la première qui offre, comme on l'a vu, deux alternatives. Les motifs qui me conduisent à considérer la rédaction analysée en dernier lieu comme postérieure à l'autre sont ceux-ci. D'abord l'Histoire ancienne jusqu'à César première rédaction) a en sa faveur le nombre prépondérant et la plus grande ancienneté de certains manuscrits. Puis il me paraît évident que l'ordre suivi dans cette rédaction est l'ordre primitif. Les différences que présente à cet égard ce que j'appelle la seconde rédaction sont causées par des transpositions dues à l'auteur de cette compilation. Entre autres arguments que je pourrais apporter à l'appui de cette façon d'envisager le rapport des deux ouvrages, je n'en ferai valoir qu'un seul, pour ne pas étendre outre mesure ce mémoire déjà trop long: c'est la preuve que fournit la rubrique finale transcrite ci-dessus, du ms. 301. Cette rubrique, qui mentionne « les hystoires du commencement du monde » celle d'Alexandre et de son père matières passées sous silence dans la compilation vient évidemment du ms. de l'Histoire ancienne d'après lequel a été rédigée la nouvelle compilation; et en fait cette même rubrique se trouve déjà dans le ms. de Vienne (ci-dessus, p. 59).

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A quelle époque remonte la seconde rédaction de notre Histoire ancienne? Elle ne peut être postérieure au xive siècle, car le ms. 301 a certainement été exécuté aux environs de l'an 1400, plutôt avant qu'après. Une circonstance dont je m'exagère peut-être la valeur me porte à croire qu'elle a dû être faite sous Charles V et probablement pour ce prince. On lit au folio 23 du ms. 24396, en tête de l'histoire de Troie, cette rubrique :

Cy conmence la grant et vraye histoire de Troye la grant en laquelle sont contenues les epistres et lettres que les dames envoyant (sic) aux seigneurs, et les seigneurs aux dames, laquelle hystoire contient .xxij. batailles, laquelle hystoire envoya le roy d'Espaine au roy de France Charles le quint, et est la dite hystoire toute complete sans riens abreger.

De cette rubrique, qui vient assurément d'un exemplaire plus ancien, car le ms. 24396 n'est que du xve siècle, on doit conclure que le roi d'Espagne ici mentionné, sans doute Henri II de Castille, dont on connaît les fréquents rapports avec Charles V, envoya à ce prince, si curieux de livres, un riche exemplaire du roman de Troie en prose. On trouva peut-être ce récit préférable à la traduction de Darès qui faisait partie de l'Histoire ancienne, et par suite, quelqu'un des écrivains qui travaillaient pour la librairie royale a pu être chargé de remanier l'Histoire ancienne, en y introduisant le roman de Troie et quelques-unes des héroïdes d'Ovide.

CONCLUSION.

Celui qui dorenavant explorera de nouveau et en détail le vaste terrain que nous venons de parcourir y fera sans doute plus d'une découverte. Toutefois, dès maintenant, nous pouvons considérer comme acquises des notions importantes et variées qu'il ne sera pas inutile de résumer brièvement. Pour la première fois, les deux compilations historiques que nous avons successivement analysées sont nettement distinguées l'une de l'autre et mises chacune à la place qui lui convient. Contrairement à une opinion qui, sans avoir jamais été nettement formulée, paraît cependant implicitement acceptée, elles ne sont ni de la même main ni du même pays, et l'une et l'autre ont une ancienneté qu'on ne leur supposait pas. La première en date se place entre 1223 et 1230. C'est la plus ancienne histoire universelle qui ait été composée en langue vulgaire. Sous la forme populaire du récit oral, elle nous présente une histoire sincère, sinon critique, qui donne la preuve d'une assez grande connaissance des sources historiques. Intéressante en ellemême, elle offre encore un sujet d'études singulièrement fécondes à qui voudra suivre dans le détail les modifications qu'on lui a fait subir et qui l'ont maintenue en faveur jusqu'à la Renaissance. Le second ouvrage ne peut guère être postérieur au milieu du XIIIe siècle. C'est l'une des sources du Trésor de Brunet Latin, et d'autres ouvrages encore l'ont utilisé. Pour la curiosité historique, pour le sentiment littéraire qui s'y révèlent, on peut le considérer comme l'une des œuvres les plus importantes du temps de saint Louis. L'auteur des Faits des Romains, qui a le goût des batailles et des beaux coups d'épée autant qu'homme de son temps, est déjà par certains côtés un précurseur de la Renaissance. Enfin nos deux compilations ont été lues et traduites en Italie, et il est fort à croire qu'elles ont reçu le même accueil en d'autres pays encore. Ce sont là des preuves nouvelles de l'expansion de notre vieille littérature à l'étranger. On voit donc qu'en somme les deux compositions historiques que j'ai essayé de faire connaître dans ce long mémoire ne méritaient pas l'oubli dans lequel on les a laissées jusqu'à présert, oubli d'autant plus inexplicable qu'il est peu de livres du moyen âge cont les exemplaires soient aussi nombreux et aussi facilement accessible. Elles. sont assurées maintenant d'obtenir dans notre histoire littéraire 1. place qui leur est due. On a fait, à diverses époques, d'autres compilations du même genre, le Trésor de Sapience, la Bouquechardière, la Fleur des Hisoires, dans lesquelles il y a d'intéressantes trouvailles à faire. Je seraisheureux si le présent mémoire pouvait suggérer à quelque érudit, en quête d'un sujet d'études, l'idée de les lire et de nous faire part du résultat de sa lecture.

APPENDICE

M. Mussafia a publié dans les comptes rendus des séances de l'Académie de Vienne, LXVII (1871), 297-344, un mémoire sur diverses rédactions italiennes de l'histoire fabuleuse de Troie, où il a fait preuve une fois de plus de critique et d'une connaissance approfondie de la littérature du moyen âge. Toutefois, faute de renseignements suffisants sur des ouvrages manuscrits dont il n'a eu à sa disposition que de courts extraits, faute surtout d'avoir connu la rédaction en prose du poème de Benoît de Sainte-More, il s'est vu en plus d'un cas réduit à présenter sur le caractère et sur l'origine de telle ou telle version de simples conjectures, alors que, s'il avait opéré sur des éléments moins incomplets, il lui eût été possible de procéder à un classement définitif. Les recherches que j'ai faites en vue du présent mémoire me permettent de résoudre l'une des questions, et ce n'est pas la moins importante, dont s'est occupé notre savant collaborateur.

Parmi les histoires troyennes que passe en revue M. Mussafia, il en est une, de Filippo Ceffi, qui a été imprimée pour la première fois à Venise en 1481, et qui, réimprimée à diverses reprises, a été de nouveau éditée à Naples en 1868 d'après plusieurs mss. par M. Dello Russo. C'est une version de l'Historia trojana de Guido delle Colonne. Nous n'avons pas à nous en occuper. La même version serait contenue dans le ms. 120 du fonds italien de notre Bibliothèque nationale (ancien 7721). Seulement ce ms. se termine par un explicit, rapporté par Marsand dans son catalogue, où il est dit que cette histoire de Troie a été rouvée nell'armaro di S. Paolo in Grecia », assertion qui ne vient pas de Guido delle Colonne. Il y aurait donc lieu de vérifier, remarque M. Mussafia, si cet explicit fait suite à l'épilogue final de l'Historia trojana où Guido déclare avoir fait son travail en 1287, ou bien si cet épilogue a été omis par le traducteur italien, afin d'attribuer au livre une origine plus illustre. On verra tout à l'heure qu'en fait la question se pose tout autrement, et peut-être M. Mussafia serait-il arrivé à la conclusion qui sera démontrée plus loin, s'il s'était rappelé un certain passage sur « l'almaire de Saint Pol de Corinte » qui a été cité plus haut, p. 66, et que M. Joly avait déjà rapporté dans son livre sur Benoit de Sainte-More, p. 423. M. Mussafia cite encore dans son mémoire diverses traductions dont deux seulement doivent être mentionnées ici. L'une, conservée dans un ms. de la Magliabechiana (à la Bibliothèque nationale de Florence), est l'œuvre d'un certain Binduccio dello Scelto. Elle se rapproche beaucoup de Benoit. Disons qu'elle le suit fort exactement, et que certainement Binduccio a eu sous les yeux le poème français. L'autre, conservée également dans un ms. de la Magliabechiana, IV, no 462, présente une singulière particularité pour le com

1. I manoscritti italiani della regia Biblioteca parigina, I, 66-67.

2. Telle est la véritable cote de ce manuscrit, comme je le tiens de notre collaborateur M. H. Morf, qui prépare un mémoire sur les versions italiennes de Guido delle Colonne et de Benoit de Sainte-More. M. Mussafia (voy. le volume cité des comptes rendus, p. 303, note 2), trompé par des indications inexactes, a pensé que ce devait être 42 ou 43.

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