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pire français, et le 10 juin, au bruit de l'artillerie du château Saint-Ange, le pavillon tricolore flotta sur Rome. La nuit suivante, furent affichées les copies d'une protestation de sa sainteté et une bulle d'excommunication. Enfin, du 5 au 6 juillet, le pape et le cardinal Pacca furent arrêtés au Quirinal. On les fit sortir de Rome, habillés l'un en pape, l'autre en cardinal, sans argent, sans effets. Je n'exposerai pas ici les détails pénibles, les divers accidents, quelquefois curieux ou touchants, du voyage de Pie VII, depuis Rome jusqu'à Savone, où il fut d'abord détenu dans le palais épiscopal.

L'empereur, ayant divorcé avec l'impératrice Joséphine, épousa MarieLouise. Les cardinaux, qui de Rome avaient été précédemment appelés à Paris, où ils étaient séparés du pape, assistèrent tous à la cérémonie de l'acte civil; mais lors de la cérémonie religieuse, plusieurs ne se présentèrent pas, sous prétexte que le pape n'avait pas prononcé la dissolution du premier mariage; l'empereur s'indigna, défendit qu'ils reparussent à la cour, et ordonna qu'ils ne s'habillassent qu'en noir. Ils furent exilés en diverses villes de la France,

Napoléon avait nommé le cardinal Maury à l'archevêché de Paris; de tous les droits du Saint-Siége, il ne restait guère que le droit de confirmation et d'institution canonique: des évêques français écrivirent au pape une lettre où quelques expressions lui permirent de lire la menace de faire pourvoir à la conservation de l'église de France par elle-même, si le pape l'abandonnait; il adressa soudain au cardinal Maury une bulle qui déclarait que toute institution faite par des évêques serait nulle.

L'empereur s'irrita, envoya l'ordre d'examiner tous les papiers du pape; ils furent scrutés avec le soin le plus minutieux; on s'empara même de ses bréviaires, et on lui notifia la défense de communiquer avec aucune église de l'empire, avec aucun sujet de l'empereur. La dépêche officielle se terminait ainsi : « Il verra que sa majesté est assez puissante pour faire ce qu'ont fait ses prédécesseurs et déposer un pape. »

Une grande assemblée, composée d'ecclésiastiques, de conseillers et de grands dignitaires, fut convoquée devant l'empereur, qui déclama beaucoup contre le pontife romain, et se montra disposé à prendre contre lui des mesures violentes. Aucun des cardinaux ni des évêques n'osa réfuter les faits erronés ni les fausses maximes que contenait ce discours. Le seul abbé Émery entreprit cet acte courageux; son opinion fit grande impression sur Napoléon, qui, se tournant vers les évêques, leur dit : « Vous « vouliez me faire faire un pas de clerc en m'engageant à demander au « pape une chose qu'il ne doit pas m'accorder. » Mais bientôt l'empereur convoqua à Paris, en concile national, les évêques de l'empire et ceux du

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royaume d'Italie. Ce concile décida que les évêchés et les archevêchés ne seraient pas vacants plus d'un an, et que, si le pape n'accordait pas pas l'institution, elle serait donnée par le métropolitain. Il fallait obtenir que le pape sanctionnât cette décision; cinq cardinaux lui furent députés à Savone; on leur adjoignit monsignor Bertazolli. Pressé par cette députation de cardinaux et de prélats, le captif confirma par un bref le décret du concile. Quoique ce bref fût une concession qui coûta ensuite beaucoup de larmes au saint-père, l'empereur le rejeta, parce qu'on y déclarait l'église romaine mère et maîtresse de toutes les autres, et que le pape exigeait que les évêques, autorisés à donner l'institution canonique, exprimassent qu'ils la donnaient en son nom.

Pendant plusieurs mois on laissa le saint-père tranquille à Savone; Napoléon était occupé à son expédition de Russie. Tout à coup le pape malade est amené à Fontainebleau, sans sortir de la voiture qu'on n'ouvrait que pour lui offrir quelques aliments. Arrivé dans la résidence impériale, il fut permis aux cardinaux qui se trouvaient à Paris de venir auprès de lui, et ils entreprirent de le disposer à faire de nouveaux sacrifices pour rétablir la paix de l'église.

L'empereur, au retour de la désastreuse campagne, se hâta de renouveler des tentatives d'accommodement avec l'illustre captif; il se rendit luimême avec l'impératrice auprès du pape, auquel il prodigua des démonstrations d'amitié. Je crois inutile de retracer toutes les manoeuvres qui, selon le biographe de Pie VII, furent pratiquées pour obtenir sa signature au bas du nouveau concordat de 1813, dont les principales conditions étaient l'abandon tacite de la souveraineté de Rome, et la permission au métropolitain d'accorder l'institution aux nouveaux évêques, si le pape ne l'accordait pas dans six mois. L'empereur fut si satisfait de cette dernière victoire, qu'il fit chanter le Te Deum dans toutes les églises.

M. Artaud a rassemblé avec un soin habile toutes les circonstances qui devaient faire excuser un captif dangereusement malade, sans cesse obsédé, privé de tous bons conseils. Soit que Pie VII eût reconnu qu'on l'avait trompé, soit qu'il eût jugé qu'il s'était trompé lui-même, une rétractation solennelle inspirée par ses regrets, ou, si l'on veut, par son repentir, lave honorablement la tache et le tort d'un consentement momentané. Après avoir pris conseil des cardinaux que le raccommodement avait ramenés auprès de lui, le 24 mars 1813, le pape adressa à l'empereur sa rétractation, écrite toute de sa main. C'est la meilleure excuse qu'on puisse donner en faveur de cette victime du pouvoi impérial.

Il serait fastidieux de rapporter tous les nouveaux essais de négociations qui, au nom de l'empereur, furent tentés sans succès auprès du pape.

Qu'il suffise de dire que Napoléon, ayant déjà éprouvé de grands revers, eut le bon esprit de ne pas attendre qu'une autre autorité que la sienne délivrat le captif de Fontainebleau. Des voitures non annoncées arrivent dans la cour du château, et le 23 janvier 1814, après avoir fait aux cardinaux une allocution qui leur indiquait leur devoir, le pape part, ainsi que plusieurs cardinaux, pour retourner à Rome par le midi de la France. Ce fut peu de temps après, à Fontainebleau même, que Napoléon signa son abdication.

Le pape arriva à Rome le 24 mai. Je n'ai pas besoin de rapporter que, soit en France, soit en Italie, son voyage fut partout une sorte de triomphe. Des relations politiques s'établirent bientôt entre Pie VII et Louis XVIII.

Maintenant que le grand personnage qui occupait presque toute la scène en est descendu, l'histoire de Pie VII n'offre, dans les années qu'il vécut à Rome paisible et vénéré, que l'intérêt ordinaire attaché au règne d'un pontife qui cherche à réparer les maux du passé et qui dispose avec ardeur le bien de l'avenir. Le Saint-Siége avait obtenu la restitution de ses domaines. Le biographe de Pie VII a mis un grand intérêt et une sorte d'orgueil national à expliquer, dans des détails assez étendus, que ce pontife avait eu la sagesse de profiter de plusieurs institutions que le gouvernement français avait fondées à Rome, ou que son exemple avait montrées dignes d'être imitées. Une loi du 6 juillet 1816 reproduisit une division territoriale existant déjà sous la domination française, régla la nature des contributions, la perception des droits de timbre et d'enregistrement, détermina les attributions des tribunaux, maintint l'égalité du prix du sel et du tabac, etc. etc. etc. Ces détails suffiront pour faire juger du reste.

Je ne m'arrêterai pas non plus sur le concordat de 1817. L'auteur n'a pu se dispenser de retracer avec quelques développements les nouvelles discussions qui s'élevèrent entre la cour de Rome et celle de Paris au sujet de l'exécution de ce concordat; mais je crois inutile de m'y arrêter. Je dois me borner à dire qu'après de longues et minutieuses négociations, les deux cours convinrent de nouveaux articles.

Pie VII mourut âgé de quatre-vingt-un ans, le 20 août 1823. Napoléon était mort en 1821. Aujourd'hui que ces deux illustres personnages appartiennent à la postérité qui doit les juger impartialement, si l'on cherche à établir un parallèle entre l'empereur et le pontife, il sera peutêtre permis de dire : Napoléon s'éleva lui-même au rang suprême avec une hardiesse préméditée; il n'attendit pas que la fortune vînt à lui, il la brusqua avec succès, et, renversant tour à tour les barrières qui le séparaient du pouvoir, il se fit premier consul, il se fit empereur. Chiara

monti, modeste dans ses voeux, heureux de son obscurité, fut appelé successivement, et presque malgré lui, à des dignités ecclésiastiques; et quand tous les suffrages se réunissaient pour lui offrir la tiare pontificale, il se refusait encore le sien.

L'un, fils de la liberté, parvenu en se déclarant son défenseur, l'a étouffée, dès qu'il a pu le faire avec impunité. L'autre, fils de la religion, n'a cessé de lui consacrer tous ses instants, tous ses vœux; et acceptant pour elle les chagrins, l'exil, la prison, lui est demeuré fidèle jusqu'au dernier soupir.

La postérité conservera sans doute un sentiment de haute admiration pour tout ce qu'a fait de beau et de grand cet homme extraordinaire, cet intrépide guerrier, ce profond administrateur, qui, habile à profiter des grandes et des petites circonstances, et souvent à les faire naître, agit presque toujours par sa seule puissance, par sa seule renommée, sans principes arrêtés, sans but fixe et déterminé, et surtout sans éprouver le désir d'être utile à la France. Dans le saint pontife, la postérité vénérera un pasteur à la fois indulgent et courageux, qui, se prêtant aux ménagements que l'esprit de son siècle et l'intérêt de la religion paraissaient exiger, eut le courage de s'arrêter, la vertu d'accepter la persécution, quand les fimites du devoir ne lui permirent plus de condescendre aux volontés impérieuses du conquérant.

Napoléon, forcé d'abandonner deux fois le trône et la France, meurt au loin dans un désert maritime, n'ayant d'autres consolations que les souvenirs de sa gloire éclipsée, et accablé sans doute du regret de n'avoir pas mieux employé, au profit des sujets qu'il n'a plus, sa gloire et ses talents. Pie VII, réduit à une résistance d'inertie, prépara sa victoire sur son oppresseur et la réintégration solennelle des droits de la tiare par une vertueuse résignation; et dans sa prison, dans son exil, qui n'étaient pas sans consolation ni même sans gloire, il jouit constamment du sentiment de sa vertu et de cette espérance qui n'abandonne jamais l'opprimé réduit à souffrir pour elle.

On pourrait dire que Napoléon a eu l'art de subjuguer l'admiration, mais n'a guère mérité de reconnaissance; agrandissant ses vœux en raison de ses succès, il a toujours poussé le vaisseau de l'état, sans trop s'inquiéter des écueils où il se briserait enfin : que Chiaramonti, appelé dans des temps orageux à conduire la nacelle de saint Pierre, a côtoyé le rivage, cédant à la tempête qui grondait sur la pleine mer, et qu'avec l'adresse et le courage d'un pilote expérimenté, il est parvenu à regagner heureusement le port.

Événement véritablement remarquable! cet empereur, dont les agents

sévères avaient quelquefois refusé au pape captif la consolation de profiter des bienfaits de la religion, à qui même on n'avait pas permis dans son exil l'assistance de son propre confesseur, envoie de l'île Sainte-Hélène une supplique à Rome pour obtenir du pontife, rétabli sur son trône, un ecclésiastique catholique qui puisse lui fournir à lui et aux siens les secours de la religion. Un prêtre corse, presque octogénaire, nommé Bonavia, se dévoua à faire le trajet, fut agréé et partit.

J'ai présenté cette analyse des deux volumes qui contiennent l'ouvrage de M. Artaud sur Pie VII, parce que j'ai cru que c'était le meilleur moyen d'en faire connaître le mérite et l'importance. Malgré la position de l'auteur et l'influence qu'elle pouvait avoir sur ses opinions, on trouve partout un vif désir de faire connaître la vérité; l'auteur n'avance aucune assertion importante qu'en la justifiant par des pièces officielles ou probantes. L'ouvrage de M. Artaud sera une lecture agréable et instructive pour les personnes qui voudront connaître ou se rappeler les événements de l'époque qu'il embrasse, et surtout pour celles qui auront à en écrire l'histoire.

RAYNOUARD.

TRAITÉ des Essais par la voie sèche, ou des propriétés, de la composition et de l'essai des substances métalliques et des combustibles; à l'usage des ingénieurs des mines, des exploitants et des directeurs d'usine; par M. P. Berthier. Deux vol. in-8°, 13 planches. Paris, chez Thomine, libraire, rue de la Harpe, no 88; 1834.

SECOND ARTICLE.

CHAPITRE V. — Réactifs.

En chimie, on donne, à proprement parler, le nom de réactifs à des corps que l'on met en contact avec une matière pour en reconnaître la nature, ou du moins celle de quelqu'un ou de quelques-uns de ses principes constituants, parce que de ce contact résulte un phénomène prévu plus ou moins facile à constater; or, ce phénomène pouvant être considéré comme le produit de deux facteurs; du facteur connu ou du réactif employé dans l'intention de produire le phénomène, on déduit l'autre facteur ou le

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