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Aun. 1652. dont il étoit noté par arrêt, il obtint séance, ce ne fut La Fronde. souvent que pour entendre des choses très mortifian

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tes. Bailleul, qui présidoit le parlement en l'absence de Molé, et Amelot, premier président de la cour des aides, lui dirent, presqu'en mêmes termes, « qu'ils << s'étonnoient de voir sur les fleurs de lis un prince qui venoit de se liguer avec les ennemis des fleurs de << lis, et qui, les mains encore teintes du sang des François, venoit faire trophée de ses victoires dans le << sanctuaire de la justice. » Quelques membres de la chambre des comptes ne parlèrent pas moins vigoureusement. Condé rougit de ces apostrophes; mais il n'en marqua pas le vif ressentiment qu'on devoit attendre d'un homme de son caractère : il parut même que ce fut moins pour se venger des particuliers que pour soumettre les corps, qu'il permit d'ameuter la populace contre ceux qui lui étoient contraires. Il y eut, comme on l'avoit déja vu arriver, beaucoup de conseillers insultés dans les rues; les salles du palais se remplissoient journellement de mercenaires soudoyés, journaliers, artisans, domestiques, qui crioient : Vivent les princes! point de Mazarin! Pareil tumulte se faisoit entendre dans la place de Grève quand le corpsde-ville s'assembloit. Cependant le prince, malgré la crainte qu'il inspiroit, ne put obtenir du parlement que des arrêts aggravants contre Mazarin, et non pas une autorisation à lever de l'argent et des troupes, comme il desiroit. Le corps-de-ville, auquel il demandoit qu'il écrivit aux principales villes du royaume, pour former une union avec la capitale, se contenta d'ordonner qu'il seroit fait une députation au roi, pour

le supplier de donner la paix à son peuple. Le prince Ann. 1652. fut plus heureux auprès du duc d'Orléans : ses égards, La Fronde, ses déférences gagnèrent entièrement Gaston, qui lia enfin sa fortune à celle de Condé, sans cependant renoncer à la faculté de prêter quelquefois l'oreille aux conseils du coadjuteur.

Pendant que le prince travailloit à décorer son parti Siége d'Édes suffrages extorqués à la capitale, son armée, can- tampes. tonnée autour d'Etampes, dans des quartiers de rafraîchissement, diminuoit, soit par la désertion, soit par les maladies que l'inaction enfante (1). Turenne, au contraire, se renforçoit par les détachements qu'on lui envoyoit de la frontière, qu'on laissa ainsi, à force de la dégarnir, en proie aux Espagnols. L'armée royale se plaça entre les rebelles et Paris, afin que le parti que le prince y entretenoit ne pût tirer avantage de ses forces. Cette position procura aussi à Turenne l'occasion de rétablir l'honneur des armes du roi, un peu altéré à Bleneau. Mademoiselle s'ennuyoit à Orléans, quoiqu'elle n'y fût pas tout-à-fait sans amusements. Elle écrit qu'elle faisoit arrêter les courriers, qu'elle ouvroit les lettres des particuliers, y lisoit les affaires de famille, les intérêts de commerce, les intrigues domestiques, dont elle se divertissoit avec ses demoiselles. Néanmoins, comme elle n'avoit plus rien de brillant à faire dans cette ville, elle desira retourner à Paris, et demanda un passe-port à Turenne : il lui écrivit que non seulement il l'enverroit, mais qu'il mettroit sur sa route son armée en bataille. Cette lettre, communi

(1) Montpensier, t. II, p. 48.

La Fronde.

pes,

Ann. 1652. quée, piqua d'honneur les officiers de l'armée d'Etamcomme Turenne l'avoit bien prévu. Presque tous jeunes et galants, ils accompagnèrent la princesse hors de leurs lignes. On y reçut mesdames de Frontenac et de Fiesque, maréchales de camp, pour réaliser une plaisanterie de Gaston, qui leur avoit donné ce titre (1). A peine la princesse étoit partie, et on étoit encore dans le désordre de cette fête militaire, lorsque Turenne, qu'on croyoit occupé à préparer la sienne, parut. Il avoit laissé dans son camp ses lieutenants, chargés de recevoir la princesse; et lui-même, avec l'élite de son armée, vint fondre sur celle du prince, qu'il surprit: mais il y avoit de vieilles troupes qui se formèrent sur-le-champ, soutinrent le choc avec fermeté, et se retirèrent, en combattant, dans le faubourg d'Etampes, où elles arrêtèrent Turenne. Comme il n'avoit ni canons, ni munitions, il se retira : mais il revint, quelques jours après, mettre le siége devant cette place, pour ensevelir, comme dans un seul tombeau, les principales forces du parti.

Le duc de Larraine en France.

L'armée assiégée étoit presque aussi forte que l'armée assiégeante. Cette égalité occasiona des combats fréquents et meurtriers, dont il étoit difficile au public de prévoir l'issue; mais les chefs avoient des espérances prochaines d'un secours qui devoit faire pencher la balance (2). Charles IV, duc de Lorraine, dé

(1) Gaston leur écrivit un jour : « A mesdames de Fiesque et de « Frontenac, maréchales-de-camp de l'armée de mes filles. Voyez Mém. de Montpensier, t. II, p. 59.

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pouillé sous Louis XIII de ses états par les François, Ann. 1652. s'étoit fait une armée composée de vagabonds de tous La Fronde. les pays. La licence les attiroit sous ses étendards, et le pillage étoit leur solde. Il la promenoit comme un orage sur les frontières de France et d'Espagne, se vendant ordinairement à cette dernière puissance, mais sans s'interdire le droit de se livrer à la France, si elle vouloit l'acheter plus cher. Comme on savoit qu'il étoit toujours en vente, la cour le marchanda. Le duc d'Orléans, qui étoit son beau-frère, mit aussi son enchère. Sans se promettre affirmativement à l'un ni à l'autre, Charles entra en France par la Champagne, qu'il parcourut et pilla tranquillement, parceque la cour, croyant l'avoir assez payé pour être sûre de lui, défendit à ses troupes de l'inquiéter; mais elle fut cruellement détrompée, lorsque, arrivé le 31 mai près de Paris, Charles IV se joignit aux princes.

On parla aussitôt d'aller secourir Étampes. Dans les conseils qui se tinrent sur la manière d'exécuter cette entreprise, le duc de Lorraine montra le plus grand empressement. Nulle objection, nulle difficulté de sa part; mais, quand il fut question de marcher, il survint des obstacles. L'artillerie n'étoit pas prête, la poudre manquoit. On avoit encore besoin d'informations. Charles étoit désolé de ces contre-temps; il s'en mettoit dans une espèce de fureur, il se couchoit par terre, se rouloit, se frappoit la tête, de dépit d'être arrêté dans une si belle carrière. Pour le consoler, on lui donnoit des repas et des fêtes : quand il étoit dans les plaisirs, il paroissoit tout oublier, et on ne pouvoit plus l'en tirer. Si on lui parloit d'affaires, il répondoit-tantôt avec le

La Fronde.

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Ann. 1652. plus grand sérieux, tantôt en plaisantant. Gondi voulut un jour l'entreprendre en présence du duc d'Orléans. « Avec les prêtres, dit-il ironiquement, il faut prier Dieu; qu'on me donne un chapelet : ils ne se doivent << mêler d'autre chose que de prier et de faire prier les << autres. >> Il paya de la même monnoie les dames de Montbason et de Chevreuse : « Dansons, mesdames, <«<leur dit-il en accordant une guitare; cela vous con<< vient mieux que de parler d'affaires. » Il ne fut pas possible au prince de Condé de lier avec lui un entretien suivi. Charles l'éluda toujours ; et quand Mademoiselle cherchoit à entamer une conversation, il lui fermoit la bouche en s'extasiant sur ses charmes, en se récriant sur son esprit. Il lui baisoit la main, se jetoit à ses genoux, et mêloit à la galanterie des idées et des manières si burlesques, qu'on finissoit par rire et ne savoir que penser de

Il s'en retourne.

son caractère.

Tout s'expliqua enfin, quand on sut que ces bizarreries cachoient une négociation du duc de Lorraine avec la cour. Elle savoit qu'en lui offrant de l'argent il étoit toujours prêt à avancer la main pour le recevoir. On lui en montra, et il consentit à s'en retourner, pourvu qu'on levât le siège d'Étampes. Cette condition ne pouvoit qu'être agréable à Turenne, qui se voyoit par-là débarrassé d'un siège dont les suites l'inquiétoient il exécuta fidélement le traité, et retira ses troupes de devant Étampes. Il laissa ainsi l'armée des princes libre de concourir à une perfidie que Charles méditoit. Le Lorrain s'étoit campé à Villeneuve-SaintGeorges, et avoit établi sur la Seine un pont de bateaux par où il comptoit recevoir les troupes qui sortiroient

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