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garanties? C'est ici le point capital. Si vous prêtez l'oreille, vous entendrez les cent voix du monde lettré vous dire que les auteurs donnés pour précepteurs à vos enfants sont les plus grands hommes qui aient paru dans le monde, les plus beaux génies de l'antiquité, les plus célèbres philosophes, les orateurs les plus éloquents, les moralistes les plus purs, les poëtes les plus aimables et les plus divins, les historiens les plus élégants, toute la fleur des siècles d'or de la littérature, et surtout des hommes tellement admirables de vertus, que, dans l'impuissance où nous sommes de jamais les égaler, c'est un devoir pour nous d'adorer leurs reliques'.

En effet, on vous nomme parmi les Latins: Cornélius Népos, Quinte-Curce, César, Ovide, Cicéron, Salluste, Tite-Live, Horace, Virgile, Sénèque, Juvénal, Térence, Pline l'Ancien et Pline le Jeune, Tacite et d'autres encore; parmi les Grecs : Démosthène, Euripide, Sophocle, Eschyle, Homère, Pindare, Aristophane, Hésiode, Platon, Socrate et leurs nombreux émules. L'éloge de ces maîtres, ou, pour continuer votre comparaison, de ces futurs nourriciers de vos enfants, a été prononcé, depuis quatre siècles, plus souvent que celui des prophètes et des apôtres, c'est-à-dire des milliers de fois, par des

1 Voir la neuvième liv. de la Révo'.

hommes respectables. Permettez que je vous le dise, Madame, vous êtes bien difficile ou vous devez être pleinement rassurée. N'est-ce pas cet éloge soutenu qui rassure tous les parents, qui les fait dormir tranquilles, qui même les rend fiers, dès qu'ils sentent leurs enfants à l'école de ces admirables maîtres?

<< Difficile tant qu'il vous plaira, m'écrivez-vous; mais ma sollicitude de mère et ma curiosité de femme ne me laisseront de repos ni jour ni nuit, que je n'aie entre mes mains les certificats authentiques de bonne doctrine, de bonne vie et de bonne mœurs des instituteurs de mes enfants. » — Puisque tel est votre dernier mot, j'obéis; car ce que femme veut..., etc. Dans les lettres suivantes, je vous donnerai l'éloge abrégé de chacun de ces grands hommes, éloge qui sert de fondement à l'opinion publique; je le compléterai par quelques détails biographiques, tirés exclusivement des auteurs païens: sauf erreur, ils sont de nature à piquer votre curiosité de femme et à éclairer votre sollicitude de mère.

Agréez l'assurance du respectueux dévouement avec lequel je suis,

Madame,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur.

J. GAUME.

DEUXIÈME LETTRE.

En franchissant le seuil du collége, les enfants entrent dans un monde

Pourquoi cela? Pour les faire vivre au sein de la belle

nouveau.

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Jusqu'ici, vos enfants, placés sous vos ailes au sein du foyer domestique, ont vécu dans un monde chrétien et français. Les enseignements qu'ils ont reçus sur vos genoux, l'Histoire sainte dans laquelle vous leur avez appris à lire, le Catéchisme qu'ils ont étudié, la Vie des saints et des martyrs à laquelle vous n'avez pas voulu qu'ils fussent étrangers, les conversations mêmes dans lesquelles ils ont souvent entendu nommer le pape et les évêques qui gouvernent l'Église, les princes qui sont à la tête de leur pays tout a contribué à développer en eux leur double qualité de Chrétien et de Français. De l'antiquité païenne, de la mythologie, des Grecs et des Romains, peu ou point de nouvelles. Eh bien, ce développement normal va être suspendu ou notablement modifié.

En franchissant le seuil de leur collége ou de leur petit séminaire, vos fils entreront dans un monde nouveau. Ce monde nouveau est ce qu'on appelle, depuis la Renaissance, la belle antiquité. Il se compose essentiellement de trois Républiques: Rome, Athènes et Sparte. Ces Républiques seront pendant huit années consécutives le séjour de vos enfants. Là, il ne sera question que par accident du Christianisme, de l'Église et de la France. Le Paganisme, avec ses dieux, ses capitaines, sa langue, sa religion, son histoire, absorbera dix heures par jour. Rome, Athènes, Sparte; Sparte, Athènes, Rome : tel sera le refrain des thèmes, des versions, des compositions en vers et en prose. Rome, Athènes, Sparte : voilà les pays qui borneront l'horizon intellectuel de vos fils; voilà les noms qui retentiront sans cesse à leurs oreilles comme synonymes d'héroïsme, de patriotisme, de sagesse, de lumières, de vertus, de liberté, de civilisation et de gloire.

Si vous demandez pourquoi on dépayse ainsi la jeunesse, on vous répondra que « c'est pour la tirer de la barbarie ou l'empêcher d'y tomber, pour lui apprendre les belles-lettres et l'éloquence, pour l'humaniser, pour la polir et la rendre digne de sa religion, de son pays et de son temps. » Si vous ne comprenez pas le rapport qu'il y a entre la fin et les moyens, on vous dira qu'il n'est pas nécessaire que

vous le compreniez; que cela même est au-dessus de l'intelligence des femmes et des mères; qu'il suffit que vos enfants le comprennent. Or, ils le comprendront facilement, car leurs professeurs, en soutane ou en toge, ne leur parleront que chapeau bas des Grecs et des Romains, et voici les axiomes qu'ils auront soin de leur répéter chaque jour, sur tous les tons, directement ou indirectement, jusqu'à ce qu'ils les aient rivés dans leurs têtes:

<«< Au milieu des ténèbres universelles qui enveloppent l'humanité, on ne voit que trois points lumineux Rome, Athènes et Sparte. Là tout est admirable; la religion qu'on professe est la plus riante et la mieux appropriée à la nature de l'homme, c'est la religion des grands génies, des grands peuples et des grandes civilisations. La politique est la mieux entendue et la mieux suivie qu'on connaisse; nulle part plus de liberté : chaque citoyen est membre actif de l'État et prend part aux affaires publiques, qui sont ses propres affaires; rien n'approche de la perfection des institutions sociales et domestiques; les sciences, les lettres et les arts n'ont pas eu d'autre patrie que ces immortelles contrées, et ils y brillent d'un éclat incomparable. Les Grecs et les Romains furent plus que des hommes, ce sont des demi-dieux qui nous désespèrent par leurs vertus, plus qu'ils ne nous encouragent par leurs exemples. Nous leur

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