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très-avide, incroyablement avide

Laudis avidissimi semper fuimus, sum etiam avidior etiam quam satis est gloriæ; incredibili cupiditate teneor, ut nomen nostrum illustretur1.

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Pour obtenir des louanges, il n'y pas de bassesse qu'il ne fasse il les mendie à genoux; il ne rougit de rien. Il se fâche quand on ne le loue pas: << Brutus croit sans doute que je lui en dois parce qu'il m'appelle optimum consulem, excellent consul? Un ennemi pourrait-il me donner une plus maigre louange? Quis enim jejunius dixit inimicus? » Enfin nous l'avons vu, avec une impudeur sans exemple, prier, supplier, rogo atque etiam rogo, l'historien Lucceius de mentir pour le louer.

Il n'est pas moins avide d'honneurs. Préteur en Cilicie, il repousse quelques barbares; aussitôt il se croit digne du triomphe. Pour l'obtenir, il écrit lettres sur lettres à ses amis de Rome, à Atticus, à Caton, à Brutus, à tous les membres du Sénat individuellement. Dans une de ses lettres, il annonce que les destinées de la République vont se décider par de sanglantes tragédies, et que des maux incalculables vont fondre sur Rome; mais rien ne lui fait perdre de vue les intérêts de sa vanité : « Je te prie, d'abord, dit-il dans cette même lettre, d'ima

1 Ad Attic., lib. I, ep. 15; Ad famil., lib. IX, ep. 4, et passim. 2 Ad Attic., lib. XII, ep. 21.

giner comment je pourrai me ménager avec César, et ensuite de penser à mon triomphe: Deinde de ipso triumpho. Je n'aurai pas de peine à l'obtenir si la République demeure tranquille. Je te prie de voir les sénateurs qui se sont opposés à ma demande et de leur indiquer les personnes qu'il faut mettre en jeu. J'ai écrit à tous les sénateurs, excepté Hirrus et Crassipède, mais je leur écrirai '. »

Il s'adresse surtout à Caton, son intime ami. Mais celui-ci, voyant le ridicule d'une pareille demande, vote publiquement dans le Sénat contre Cicéron 2. Cet échec ne le décourage pas; il écrit à Atticus : « J'emploierai tous les moyens de réussir et j'espère que je réussirai: omnia experiar et ut spero assequar 3. »

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Voilà quelques traits de la modestie de Cicéron : passons à ses autres vertus.

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Constance de Cicéron. Il serait plus facile de compter les ondulations du roseau agité par les vents, que les inconstances de Cicéron: sa vie n'est qu'une oscillation perpétuelle entre tous les partis: le matin pour Pompée, le soir pour César, le lendemain pour et contre Octave; mais toujours pour lui, pour sa vanité, son ambition et sa chère tribune aux harangues. Grand comédien, dont les acteurs

1 Ad Attic., lib. VII, ep. 1.2 Ad famil., lib. XV, ep. 16.3 Ad Attic., lib. XV, ep. 46.

eux-mêmes se moquent en plein théâtre: « Tu te plains de ne pas avoir assez de place, lui cria un jour le comédien Labérius; cela m'étonne, toi qui es toujours assis sur deux chaises'! >>

Prudence de Cicéron. Philosophe, il se fait le disciple et l'interprète des sophistes grecs, et par le scepticisme qu'il propage, il hâte la ruine de sa patrie en ébranlant toutes les croyances; homme d'État, il est dupe de tous les partis. Ses meilleurs amis lui imputent les deux plus graves imprudences commises de son temps: la loi Manilia, qui prépare la puissance de Jules César; et les senatus-consultes en faveur d'Octave qui établissent l'Empire sur les ruines de la République.

Force de Cicéron. Il consacre une partie des Tusculanes à prouver que le sage est toujours heureux, sapientium perpetua bene vivendi facultate. Accusé par Clodius, au sortir du consulat, au lieu de faire tête à l'orage, il s'abdique, il s'oublie, il s'abîme dans sa douleur au point d'en être ridicule. Retiré en Macédoine, il pleure comme une femme. De retour à Rome, il n'a le courage d'aucune de ses opinions. Il ne connaît que les demi - résolutions, les demi-partis; ses amis ont procuration de penser, de décider pour lui: «Que faire? où fair? tire-moi

1 Macrob., lib. II, c. m, et lib. VII, c. III.

de cet embarras1! » tel est le refrain ordinaire de ses lettres.

Reconnaissance de Cicéron.-Envers César: gracié, bien accueilli, placé dans l'ordre des patriciens, comblé par César de bienfaits innombrables, comme il le dit lui-même, innumera merita, Cicéron aiguise le poignard de Brutus. Envers son père : il annonce ainsi à Atticus la mort de ce vieillard : « Mon père est mort le 7 des calendes de décembre .... >> Pas un mot de regret!

Envers Terentia: Cicéron, jeune encore, épouse Terentia, d'une illustre famille et qui lui apporte de grandes richesses. Devenue mère de deux enfants, Terentia donne à Cicéron pendant son exil les plus grandes preuves de dévouement. Démarches, sollicitations, privations, rien ne lui coûte: elle va jusqu'à vouloir vendre ce qu'elle possède pour secourir son mari 3. Cicéron lui prodigue les remercîments les plus vifs, les noms les plus tendres, les éloges les plus complets. « Les nombreuses lettres que je reçois, d'accord avec l'opinion publique, me font connaître votre force d'âme, votre incroyable vertu, et les fatigues de corps et d'âme que vous avez affrontées pour moi. >> Sa grande douleur est de penser qu'elle souffre à 2 Ad Attic., lib. I, ep. 1. —

1 Ad Attic., lib. VII, ep. 12. 3 Ad Famil., lib. XIV, etc., etc.

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cause de lui; il ne soupire qu'après le moment de la revoir; si jamais il a ce bonheur tous ses maux seront oubliés; en attendant il fond en larmes à la pensée de l'absence. Il l'appelle : Ma Terentia, ma vie, mon âme, mon âme délicieuse, ma très-douce, ma très désirée, ma très-fidèle, ma très-excellente femme. Terentia n'a aucun défaut, elle est la reine de toutes les vertus: Terentia mea, vita mea, anima mea, anima dulcissima.... mea Terentia, fidissima, atque optima uxor, suavissima et optatissima Terentia1.

Grâce, en grande partie, aux démarches de Terentia, Cicéron est rappelé de l'exil. Une des premières choses qu'il fait, c'est de répudier la très-douce, la très-fidèle, la très-excellente Terentia! On crie au scandale : Cicéron aggrave sa faute en voulant se justifier. Il accuse Terentia de n'être pas une bonne ménagère, de manquer d'affection pour lui et de n'avoir pas pourvu à ses nécessités pendant son exil.... Mendaciunculis adspergendum2.

Le vrai motif de ce divorce, c'est le besoin d'argent. Malgré sa grande fortune, Cicéron est criblé de dettes. C'est pour les payer, ou mieux pour ac

1 Ad Famil., lib. XV, ep. ad 24; édit. in-12, 1744.
2 Plutarch., In Cic., et Leon. Aretin., Vita Cicer., p. 51.

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