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sur de jeunes têtes, à l'âge des passions naissantes, ce terrible sophisme!

Sans aller jusqu'à l'incrédulité en matière de dogme, n'est-il pas à craindre qu'en fait de pratique la plupart ne s'en tiennent aux vertus des grands hommes de l'antiquité, aux vertus des honnêtes gens, et qu'ils ne répètent avec un de leurs camarades: << Socrate, Zénon, Cicéron et Sénèque ont professé les principes de la plus saine morale. Entre cette morale et la morale chrétienne, entre la morale de Socrate et la morale de l'Évangile, quelle est donc la différence essentielle et caractéristique? La morale de Socrate est la morale humaine par excellence, la morale de ce monde et de cette vie; la morale de l'Évangile est la morale surhumaine, la morale de l'autre monde et de l'autre vie. L'une a pour but la vertu laïque, l'autre la perfection mystique; l'une fait des hommes, l'autre fait des saints. Or, est-il écrit que tous les hommes sont des vases d'élection? Non, c'est l'Évangile qui le dit : « Beaucoup d'appelés et peu d'élus. » Voici la conséquence à tirer de là: aux laïques les devoirs et les vertus laïques; aux mystiques les devoirs et les vertus mystiques'. >>

1 M. Alloury, dans les Débats, 30 avril 1852, et passim.— C'est la thèse vingt fois reproduite par Voltaire, par la Révolution, par tous les rationalistes modernes.

Regardez autour de vous, Madame, et voyez quelles vertus pratiquent, en général, les générations lettrées. Mais ce n'est pas tout: incapables d'enseigner à la jeunesse les vertus mystiques, c'està-dire les vertus chrétiennes, nécessaires aussi bien aux sociétés chrétiennes qu'aux individualités chrétiennes, les grands hommes de l'antiquité sont-ils bien, dans l'ensemble de leur doctrine et de leur conduite, des modèles sérieux des vertus purement laïques? C'est ce que nous allons examiner.

Le premier auteur latin qui attend l'enfant sur le seuil du collége, c'est l'Epitome historia sacra. Celuilà du moins n'est pas païen. Mais vous allez voir, comme dit le proverbe, que tout chemin mène à Rome. Après avoir parcouru ce petit abrégé d'histoire sainte, écrit en beau latin du dix-huitième siècle, époque à laquelle, dit le P. Judde, de la Compagnie de Jésus, les plus habiles professeurs avaient grand'peine à faire un thème qui vaille quelque chose, vos enfants arrivent, pour n'en plus sortir, dans la belle antiquité. Ils viennent de visiter la Palestine, la Mésopotamie, les lieux célèbres de l'Orient, où ils ont entendu parler le Dieu d'Adam, de Noé, d'Abraham, d'Isaac et de Jacob: comme récompense, on les fait passer à l'Appendix de diis et heroibus poeticis.

Cet ouvrage les conduit dans l'Olympe, où ils

voient agir et parler Saturne, Jupiter, les dieux et les déesses, pères et mères des héros grecs et romains, comparables, par l'éclat de leurs actions prodigieuses, aux patriarches et aux prophètes. Puis on les fait descendre dans la Grèce et à Rome, terres illustrées par la présence de ces dieux et de ces héros. Ils étudient leurs généalogies, leurs œuvres et celles de leurs glorieux adorateurs, racontées dans l'Epitome historiæ Græcæ, et dans le De viris illustribus urbis Romæ.

Comme vous voyez, Madame, « c'est pour les débutants un aperçu complet de toute l'antiquité. L'histoire sainte ouvre sans doute ce panorama, mais elle apparaît dans un lointain qui lui laisse la proportion d'un mythe par delà les temps héroïques et fabuleux, et comme pour remplir une lacune à une époque antérieure à tout document. La Bible semble donc avoir été amenée en trahison, comme Abel, sur ce terrain classique, pour y être vilipendée et victimée. Quelle est, en effet, la mesure d'importance d'une doctrine dans l'esprit d'un écolier? Le rang qu'on lui donne dans les classes, le degré de développement intellectuel auquel on la place dans l'échelle des connaissances. Eh bien, l'Histoire sainte et l'Epitome historiæ sacræ sont voués, au début des études, au dédain et à l'oubli. Un sixième qui se respecte ne serait-il pas mortifié d'une accointance

quelconque avec son Epitome? Un pareil rôle pour la sainte Écriture est un outrage; mieux vaut, pour un homme qui se respecte, ne pas figurer dans un festin que d'y occuper une place indigne de son rang'. >>

Mais revenons à l'Appendix. Les habitués de l'Ambigu et de la Porte-Saint-Martin s'étonneraient des turpitudes que renferme ce déplorable petit livre. Dans les soixante-seize pages dont il se compose, il n'est question que de faits divinement infâmes. C'est là, Madame, que vos enfants, peut-être à la veille de leur première communion, apprendront combien de fois, et sous combien de formes, Jupiter a été adultère; comment son frère enleva Proserpine; comment Hercule, vaincu par l'Amour, filait aux pieds d'Omphale; puis, les rapports impudiques des dieux et des demi-dieux, des déesses et des demidéesses Thésée et Ariadne, OEdipe et Jocaste, Hélène et Pâris, Agamemnon et Briséis, et autres << aventures variées et dramatiques, doux emblèmes » pour les âmes sensibles », comme parle l'édition expurgée de 1851. Je m'arrête, Madame; vous connaissez le livre à l'odeur; et pourtant on a le courage d'ajouter : « Il faut reconnaître le service » réel rendu à l'enfance, en mettant à sa portée cette » mythologie attrayante. >>

1 M. Vervorst, p. 80.

L'éducation classique lui en rend un autre. De l'Olympe elle la conduit dans la Grèce. L'Epitome historiæ Græcæ apprend à l'enfant que les Grecs, qui adoraient et qui même imitaient les dieux et les déesses, dont il vient d'étudier l'édifiante histoire, ne s'en trouvaient pas plus mal. « Vertus civiles et militaires, sagesse d'administration, conquêtes, victoires, gloire des arts, tout échoit à ces Grecs qui se passent du vrai Dieu. Ils vivent pour eux-mêmes, indépendants et contempteurs de toute autorité ; par là ils deviennent le premier peuple du monde. Que nous est-il advenu de plus grand? et qui sait si nous devons au christianisme quelque chose? Toutes les religions paraissent bonnes, et si les prêtres d'aujourd'hui prêchent pour la leur, ceux d'autrefois en firent sans doute autant'. »

Le De viris succède à l'Epitome historiæ Græcæ. Ce nouveau classique appelle vos enfants dans l'ancienne Rome. Là, ils sont entourés d'une pléiade d'hommes illustres dont le maître a soin de rehausser le brillant éclat. C'est l'illustre Romulus, allaité par une louve, chef de bandits et meurtrier de son frère; c'est l'illustre Numa, père de l'idolâtrie romaine et confident de la nymphe Égérie, qui autorise dans ses lois le divorce, la promiscuité et l'infanticide; c'est l'illustre peuple de Rome qui, au 1 M. Vervorst, p. 83.

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