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Il forme l'atmosphère dans laquelle on naît, on grandit et on meurt. Combien connaissez-vous, je ne dis pas de cités ou de familles, mais d'individus qui ne se ressentent pas de son influence? combien, même parmi les Chrétiens, qui jugent chrétiennement de toutes choses? Pourtant il est écrit: Celui qui n'a pas l'esprit de Jésus-Christ ne lui appartient pas : Si quis spiritum Christi non habet, hic non est ejus. Jugez, d'après ce principe, à qui l'Europe actuelle appartient.

Or, cet esprit païen qui, en philosophie, en politique, en religion, en littérature, continue de produire avec un redoublement d'énergie des générations de naturalistes, de blasphémateurs, de régicides, de matérialistes, d'indifférents, de jeunes gens ingouvernables, où en est le foyer? où est le premier laboratoire de toutes ces doctrines sauvages, qui menacent les sociétés modernes d'un cataclysme sans exemple? à quelle école la jeunesse lettrée apprend-elle qu'on peut être un grand homme, avoir de grandes vertus, réaliser la plus brillante civilisation, élever les peuples au plus haut degré de prospérité et de gloire, sans le christianisme? N'est-ce pas, avant tout, dans les maisons d'éducation, au milieu des hommes et des peuples païens, sans cesse offerts à son admiration? Et en présence de ce qui se passe, malgré les aveux chaque jour répétés des

victimes de l'enseignement classique, vous osez dire que l'étude des auteurs païens est moins dangereuse aujourd'hui qu'autrefois, et qu'on peut sans crainte continuer un système qui a conduit l'Europe au bord de l'abîme, mais qui, selon vous, ne saurait l'y faire tomber !

Nous le répétons: il est impossible que vous croyiez à ce que vous dites.

Passant à une autre question qui nous a été faite, nous avons à examiner «< comment, après quinze siècles de christianisme, l'Europe s'est laissé fasciner par la Renaissance au point de se soustraire, autant qu'elle a pu, à l'empire de la rédemption pour se replacer sous l'empire de Satan. » De tous les phénomènes du monde moral, celui-là est à coup sûr le plus redoutable et le plus digne d'étude '.

Il est le plus redoutable. — Si on connaît l'arbre à ses fruits, que faut-il penser de la Renaissance? Appuyée sur des monuments incontestables, l'histoire lui attribue la révolution française, mère et modèle de toutes les autres; le Voltairianisme avec son impiété et sa luxure; le Protestantisme avec son fanatisme sanglant; le Césarisme avec sa centralisation monstrueuse; le Rationalisme avec sa triple

1 Nous en parlerons brièvement, attendu que nous l'avons déjà examiné dans nos précédentes livraisons, notamment dans le Rationalisme.

apothéose de l'homme dans l'ordre intellectuel, dans l'ordre moral et dans l'ordre politique '.

De là, deux faits éternellement douloureux : le premier, que le progrès du monde occidental par le christianisme a été suspendu. Les grandes lignes de la civilisation évangélique et nationale ont été brisées; et, grâce à la Renaissance, l'Europe de Charlemagne et de saint Louis, l'Europe des croisades et des merveilleuses transformations sociales, ressemble à une grande cathédrale inachevée. Le second qu'aux pierres d'attente on a voulu relier des constructions d'un style différent qui, s'ajustant mal au plan primitif, manquent d'harmonie et de solidité.

La conséquence de ce labeur anormal a été ce que nous voyons depuis quatre siècles, une civilisation boiteuse, moitié chrétienne et moitié païenne, et par cela même corrompue et corruptrice, qui étiole les nations, les égare, les rend indignes de leur baptême, et qui, les faisant constamment osciller entre JésusChrist et Bélial, les condamne, dans le présent, à marcher de révolution en révolution, et, pour l'avenir, accumule sur leurs têtes des calamités, dont la somme effrayante échappe à tous les calculs.

Tels sont les fruits de la Renaissance. Qu'est-elle donc en elle-même et comment la définir? La Re

1 On voit qu'il s'agit ici, comme dans tout notre ouvrage, de la cause première et non des causalités secondaires.

naissance n'est pas autre chose, dit M. Cousin, qu'une éclatante revanche du paganisme gréco-romain sur le christianisme; suivant l'expression de Balzac, c'est le mariage adultère de deux civilisations et de deux religions contraires; c'est, comme parle George Sand, la résurrection de la chair; c'est, selon M. Michiels, une nouvelle édition du paganisme, raffiné ei illustré; c'est, dit M. Alloury, la mère de tout ce que nous voyons.

La Renaissance n'est donc pas, comme l'ont prétendu certains catholiques, un magnifique mouvement, mais un déplorable retour de l'Europe chrétienne vers le paganisme. Les protestants, les révolutionnaires et les voltairiens connaissent leur généalogie: or, tous se proclament fils de la Renaissance et déclarent avec orgueil que leur mère est la contradiction absolue du catholicisme. Ils écrivent aujourd'hui même : « Accepter le droit public, l'art, l'industrie, la science, tels qu'ils sont sortis des flancs de la Renaissance, de la Réforme et de la Révolution, ce serait pour l'Église abdiquer, ce serait abjurer sa croyance 1. >>

Sauf erreur, tout cela signifie, dans le langage catholique, que la Renaissance pourrait bien être le commencement du retour divinement prédit du Prince de ce monde au sein des nations chrétienne, 1 La Presse, septembre 1858.

traînant à sa suite le nombreux cortége d'impiétés, de blasphèmes, d'arts, de théâtres, de modes, de danses, de livres, de mœurs et d'usages corrupteurs, d'oracles même et de prestiges, dont il était accompagné dans l'antiquité païenne et qui caractérisent encore son empire au sein des nations idolâtres. S'il n'est pas de phénomène plus redoutable que celui-là, il n'en est pas qui soit plus digne d'étude.

Comment Satan a-t-il obtenu cet insolent triomphe? En séduisant l'Europe. Comment l'a-t-il séduite? De la même manière qu'il séduisit les pères du genre humain. On sait qu'il les attaqua tout à la fois dans leur raison et dans leurs sens. Vous serez comme des Dieux, leur dit-il, eritis sicut Dii; voilà la tentation de la raison, l'orgueil. Il les éblouit par la beauté et la bonté apparente du fruit défendu, bonum ad vescendum aspectuque delectabile, voilà la tentation des sens, la volupté. Au même piége il a pris l'Enrope moderne '.

A ses yeux, la Renaissance fait miroiter l'indépendance de la raison dont jouissait le monde avant d'être soumis au joug de la foi chrétienne et la beauté de la forme littéraire, artistique, sociale et politique, que l'homme émancipé avait su imprimer

1 Sur les causes de l'étonnante facilité avec laquelle l'Europe a embrassé la Renaissance, voir notre liv. du Rationalisme.

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