Immagini della pagina
PDF
ePub

comme vous la haute importance. Comme vous, nous regrettons de les voir de plus en plus négligées et ignorées. Mais, contrairement aux funestes préjugés de la Renaissance, nous croyons que l'unique moyen d'en ranimer l'étude, c'est de faire étudier nos langues chrétiennes comme l'unique moyen de régénérer la littérature et les arts, c'est d'y faire rentrer l'élément chrétien, artistique et littéraire.

<< Mais le beau latin, que deviendra-t-il, si on n'étudie plus ou peu les auteurs du siècle d'or? » C'est ici l'éternelle fin de non-recevoir qu'on oppose à la réforme des études. En vain l'histoire montre jusqu'à l'évidence que l'Europe périt par le système d'enseignement païen. On ferme les yeux pour ne pas voir, les oreilles pour ne pas entendre. La bouche seule reste ouverte pour crier : Le beau latin! Sauvons le beau latin! Remarquons d'abord que la plupart de ceux qui réclament le plus fort ne connaissent guère ni le beau ni le latin: semblables à ces émeutiers de la Restauration qui criaient : Vive la Charte, sans savoir ce que c'était que la Charte. Remarquons en outre qu'on a vingt fois répondu victorieusement à leurs difficultés, et garanti le beau latin, en leur prouvant que le Christianisme ne fait

* 1 Notamment Érasme, analysé dans notre Préface aux Lettres

de saint Bernard.

de mal à personne : peine perdue. Le peuple ne raisonne pas, le parti pris encore moins.

Non dans l'espérance d'éclairer des aveugles volontaires, mais dans l'intérêt des personnes qui cherchent sincèrement la vérité, examinons une dernière fois leurs prétentions. Suivant les patrons de l'enseignement classique, il y a deux religions la religion du vrai et la religion du beau. Le Christianisme est la religion du vrai; le Paganisme est la religion du beau. Le Christianisme est vrai, malheureusement il n'est pas beau; le Paganisme n'est pas vrai, mais il est beau, supérieurement beau, exclusivement beau. Ces deux religions opposées sont nécessaires, mais non au même degré le beau est plus nécessaire que le vrai. Pour connaître la religion du beau et la pratiquer passablement, c'est-à-dire pour n'être pas exclu, comme barbare, de la république des lettres, il faut étudier le Paganisme, de huit à dix heures par jour, toute la semaine, pendant neuf ans. Pour connaître la religion du vrai et n'être pas damné, il suffira d'étudier l'Évangile quelques heures, chaque dimanche.

Que voulez-vous? disent-ils. Le Verbe éternel n'a pas su parler. Il est arrivé trop tard. Quand il est venu, le siècle du beau langage était passé pour toujours. Le Fils de Dieu a bien pu créer un monde

nouveau, mais il n'a pas su faire une langue. Il n'a pas pu ou il n'a pas voulu enrichir l'Église, son épouse, les chrétiens, ses enfants, des dons que l'esprit de mensonge prodiguait à ses adorateurs. Il a condamné sa religion à être éternellement tributaire du Paganisme, qu'il a détruit. Il est malheureux que Jésus-Christ n'ait pas fait rhétorique. L'infériorité des Apôtres et des Pères vient de ce qu'ils l'ont eu pour maître, plutôt que Démosthène ou Cicéron. Sorti de Jérusalem, le Christianisme n'a pas, il ne peut pas avoir de littérature. Pour être reçue dans le monde lettré, il faut de rigueur que la pensée chrétienne aille se faire habiller à Athènes ou à Rome. Là seulement sont les tailleurs, les parfumeurs, les coiffeurs de l'idée. Tout ce qui ne sort pas de leur officine est grotesque ou barbare.

Le Paganisme n'est pas seulement la religion du beau littéraire, il l'est aussi du beau artistique, philosophique, social, et même religieux suivant quelques-uns. Tout ce qui ne porte pas sa belière est gothique. Il faut le cacher ou le détruire. En conséquence, on a vu, pendant trois cents ans, les zélateurs de la religion du beau, mutiler nos monuments indigènes, déchirer nos philosophies, bouleverser nos institutions, et finir par replacer dans les temples gréco-romains qu'ils ont rebâtis, les belles divinités de l'Olympe. Leur fièvre est un peu

moins chaude. Nul aujourd'hui n'oserait soutenir que la Somme de saint Thomas, la Sainte-Chapelle de Paris, l'ancienne constitution de la monarchie française, sont des œuvres barbares. Encore un peu, il en sera de même de la langue et de la littérature chrétiennes.

Pour cela, dites-vous, il faudra que l'opinion revienne des antipodes. Elle en reviendra vous savez qu'elle connaît la route. « Il y a vingt ans on riait de ceux qui osaient mettre la cathédrale de Reims au-dessus de Saint-Pierre de Rome; et je me souviens d'avoir été à peu près traité d'impie et d'imbécile par un homme respectable, à qui j'avais manifesté cette préférence en 1839. Dans trente ans on rira du chrétien qui hésitera à mettre, sous tous les rapports, les Pères et les grands écrivains du moyen âge au-dessus des auteurs classiques et de leurs modernes imitateurs 1.

En tout ceci la vérité est que le Christianisme est tout ensemble la religion du vrai et la religion du beau, et la religion du beau précisément parce qu'il est la religion du vrai, pulchrum splendor veri.

La vérité est que le Christianisme étant un fait divin, est un fait complet. Non-seulement pour satisfaire toutes les facultés de l'homme, mais pour les

1 M. le comte de Montalembert, Lettre du 25 octobre 1851.

développer et les ennoblir, il n'a rien à mendier à

personne.

La vérité est qu'en délivrant l'humanité de la servitude du démon, le Christianisme ne l'a pas appauvrie. Tous les dons naturels du génie, de l'art, de l'éloquence et de la poésie, il les lui a laissés, aussi beaux que Dieu les avait répandus sur les païens. Il a ajouté les dons surnaturels: source bien autrement féconde et bien autrement riche d'inspirations littéraires, oratoires, artistiques et poétiques.

La vérité est que le Christianisme, héritier de toutes choses, hæres universorum, a pris, ou mieux, a repris au Paganisme tout ce qu'il avait de bon, de vrai, de beau dans tous les genres et dans tous les ordres il ne lui a laissé que ses erreurs et ses hontes.

La vérité est qu'en reprenant son bien, le Christianisme n'a rien détruit. Il a tout conservé, tout purifié, tout ennobli. Parce que l'horizon s'est agrandi, parce que l'humanité s'est élevée, le beau est devenu plus beau, le vrai plus vrai, le bon meilleur.

La vérité est que le Christianisme a littéralement retourné le monde ce qui était en haut dans les choses et dans les opinions humaines, a été mis en bas; et ce qui était en bas a été mis en haut. Est-ce que ces grandes révolutions du Verbe ont pu s'ac

« IndietroContinua »