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complir sans que la forme du Verbe, qui est la parole, fùt changée et dans son esprit et dans ses goûts? Malheureusement nous avons perdu le vrai goût du beau, parce que l'idée chrétienne s'est affaiblie dans notre commerce prolongé avec le Paganisme.

En un mot, la vérité historique, philosophique, est que le Christianisme a créé un ordre de beautés particulier qui transfigure la littérature et les arts : beautés vraies, opposées aux beautés conventionnelles de l'antiquité profane. Cela veut dire tout à la fois. que le Christianisme a une langue, un art, une littérature à lui; et que cette langue, cet art, cette littérature du Christianisme sont à la hauteur du Christianisme lui-même : tant pis pour ceux qui ne le

voient pas.

<< Mais le baccalauréat! Avec des classiques chrétiens comment faire des bacheliers? >> Comme on en fait avec des classiques païens. Que faut-il pour être bachelier? Savoir un peu de tout, sans savoir le tout de rien; traduire une page de latin en français et vice versa, même avec indemnité d'un solécisme; expliquer, sans faire trop de contre-sens, quelques phrases de grec et de latin; allonger en style plus ou moins correct quelques lieux communs; répondre tant bien que mal à certaines questions dont la solution demande surtout de l'a

plomb et de la mémoire : voilà. Et vous croyez sérieusement que l'étude des auteurs chrétiens, telle que nous l'avons indiquée, est un obstacle invincible à l'acquisition de ce riche trésor de science et de littérature? Comment le savez-vous? quelle expérience pouvez-vous produire?

« Nous le savons a priori. » - Et nous, a priori, nous nous permettons d'affirmer le contraire. Convenez-vous que plus un sol est fertile, plus la végétation des plantes qu'il nourrit est rapide et vigoureuse? Quel est, suivant vous, le sol le plus fertile, le Christianisme, ou le Paganisme? Dans les âmes nourries de Christianisme, toutes les facultés deviendront plus vigoureuses et acquerront une aptitude plus grande à toutes les sciences. Cela signifie qu'avec notre enseignement vous ferez non-seulement des bacheliers, mais, ce qui vaut un peu mieux, des hommes sérieux et des citoyens utiles. A priori la présomption est donc en faveur des auteurs chrétiens.

<< Sans doute; mais dans l'application il en est autrement. Ce n'est pas le latin chrétien qu'il faut savoir pour être bachelier, c'est le latin païen. On ne vous interroge pas sur saint Augustin, mais sur Cicéron; sur saint Chrysostome, mais sur Démosthène. » — Je pourrais d'abord vous répondre que le latin exigé pour être bachelier n'est rigoureusement ni païen

ni chrétien; c'est un latin quelconque. J'ajoute, et, jusqu'à preuve contraire, je soutiens que le jeune homme capable d'expliquer à livre ouvert saint Chrysostome, Tertullien, saint Augustin, saint Jérôme, sera en état d'expliquer de la même manière Démosthène, Tacite, Cicéron, Salluste. Mais accordons pour un moment qu'avec les auteurs chrétiens, on apprendra moins vite et moins bien le latin exigé pour le baccalauréat. Il y a un moyen facile de parer à cet inconvénient.

Nous laissons parler un père de famille : « Le bagage des auteurs païens, sur lesquels on ne craint pas de gaspiller exclusivement le temps de la jeunesse chrétienne, pendant les dix plus belles années de la vie, est formé de quelques volumes dont la totalité pourrait être lue, expliquée, commentée en moins d'une année, le grec et le latin étant déjà sus d'ailleurs. Personne ne contestera cela. C'est un fait qu'attestent les épreuves du baccalauréat, ce minotaure moderne des intelligences. En effet, ne voit-on pas, à Paris, des professeurs, sous le nom de préparateurs au baccalauréat, réparer en trois ou six mois les brèches d'une éducation trop peu sûre d'elle-même, pour ne pas chercher un badigeon qui l'approprie aux examens?

>> Si cette industrie, qui restaure ainsi un latiniste en quelques mois, subsiste depuis l'origine du

baccalauréat jusqu'à ce jour, c'est qu'apparemment elle fait réussir, sans quoi elle ne serait pas née viable. En vain dira-t-on que ces élèves sont plus faibles que les autres; là n'est pas la question. Puisque ces élèves sont reçus, il faut bien admettre que pour le résultat final ils valent les autres.

» Là-dessus je raisonne ainsi : Admettons, ce qui est une concession gratuite, qu'avec les auteurs chrétiens on apprenne moins facilement le latin nécessaire au baccalauréat qu'avec les auteurs païens; admettons de plus, ce qui est un fait certain, que les préparateurs au baccalauréat ne demandent que trois mois, mettons-en six, une année même, pour réformer un latiniste païen, on devra bien accorder que deux années suffiraient pour le même objet dans un établissement qui adopterait la réforme. Alors tout est concilié : la christianisation de l'enseignement et les exigences du baccalauréat.

>> Pour compléter le nombre dix, temps ordinaire. des études classiques, restent huit années pour faire l'instruction, et, ce qui vaut beaucoup mieux, l'éducation de la jeunesse avec nos auteurs chrétiens. C'est alors que la raison des élèves, mûrie au foyer vivificateur des grands littérateurs, poëtes, prosateurs, orateurs et philosophes de l'Église, sera cuirassée contre le faux et le vide des auteurs païens, ce qui les rend toujours dangereux, si expurgés

qu'ils soient d'ailleurs. C'est alors, et alors seulement, que l'étude des auteurs païens sera un avantage au point de vue littéraire et au point de vue moral, comme l'a si bien prouvé M. Bastiat et vousmême, Monseigneur, dans vos lumineux écrits 1.

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Mais cette supposition n'en est plus une. Tous les établissements d'instruction qui ont adopté la réforme reconnaissent par expérience, qu'avec les auteurs chrétiens l'étude du latin et du grec, se fait mieux et plus vite qu'avec les auteurs païens. A l'étranger les examens publics, en France les épreuves du baccalauréat, sont venus donner raison à des vérités d'ailleurs évidentes par elles-mêmes.

On nous a fait d'autres questions, celles-ci par exemple: « A qui persuaderez-vous que c'est Virgile et Cornélius Nepos qui ont perdu l'Europe? » Que répondre à des gens qui ne comprennent pas que le chêne sorte du gland? A des gens qui ne savent pas, ou qui ont l'air de ne pas savoir, que l'éducation fait l'homme et l'homme la société ; que l'éducation se fait par la transmission des idées; que la transmission des idées se fait par la parole écrite

1 De R..., 44 avril 1858. Avec un admirable bon sens l'auteur attaque la routine dans la méthode actuelle d'enseigner les langues. Nous partageons complétement ses idées; on les trouvera dans notre premier ouvrage : le Catholicisme dans l'éducation, 1835.

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