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réclamations perpétuelles de l'un contre les envahissements de l'autre.

Le genre humain est encore au berceau, et à l'enseignement de Dieu, Satan oppose son enseignement. Plus tard, Dieu formule son enseignement par l'organe des prophètes; il le fixe dans un livre, dépositaire de ses vérités, et, sous les peines les plus graves, interdit celui de son adversaire. De son côté, Satan formule son enseignement par l'organe de ses faux prophètes; il le fixe dans des livres, dépositaires de ses mensonges, et ne néglige aucun artifice pour dégoûter le monde de l'enseignement divin. Dieu a sa Bible, Satan la sienne. Bases de l'éducation, ces deux Bibles opposées font les peuples à leur image: Dieu a son peuple, Satan le sien. Tel est le spectacle que présente le monde antérieur au Messie.

Dans les temps postérieurs à l'Évangile, le même antagonisme continue. L'établissement, le maintien et la propagation du Christianisme ne sont qu'une lutte de doctrines. Descendu sur la terre, afin de réunir dans une même société tous les peuples égarés par l'enseignement du démon, le Fils de Dieu donne au monde un livre dépositaire de ses oracles. Ce livre, le plus beau de tous les livres, sera au monde régénéré ce qu'est la racine à l'arbre, la source au fleuve, la boussole au navigateur. Vie religieuse, vie civile, vie publique et privée, philosophie, poésie, littéra

ture, art, civilisation, tout sortira de ce livre comme les rayons du foyer, les branches de l'arbre, les conséquences du principe. Pour être, sous tous les rapports, aussi parfaits que la faiblesse humaine peut le permettre, il suffit aux peuples, disciples de ce livre, de s'en nourrir et de réaliser dans leurs œuvres les enseignements qu'il contient.

Ainsi le comprend le nouveau peuple de Dieu. L'Évangile est à peine rédigé, qu'une protestation solennelle se fait entendre contre la Bible de Satan. A mesure qu'ils sortent des eaux du Baptême, les hommes apostoliques disent aux nations: «Abstenez-vous de tous les livres des gentils, abstine ab omnibus libris gentilium. Qu'avez-vous à faire de ces doctrines, de ces lois étrangères, de ces faux prophètes? Ces doctrines ont fait perdre la foi à quelques hommes légers. Que vous manque-t-il dans le code divin, pour que vous ayez recours à des fables? Voulez-vous de l'histoire? vous avez le livre des Rois. Vous faut-il de la philosophie ou de la poésie? vous en trouvez dans les Prophètes, dans Job, dans les Proverbes, et avec plus d'abondance et de perfection que dans aucun autre ouvrage des sophistes et des poëtes païens: car la parole de Dieu est seule la source de la sagesse. Recherchez-vous du lyrique? lisez les Psaumes. D'antiques origines? lisez la Genèse. Des lois, des préceptes de morale?

prenez le code divin du Seigneur. Abstenez-vous donc de tous ces ouvrages profanes et diaboliques : ab omnibus itaque alienis et a diabolo excogitatis fortiter abstine'.»

Ai-je dit autre chose?

Ce monument capital, qui est tout à la fois une protestation si énergique contre l'étude des auteurs païens et une exhortation si éloquente à l'étude des livres chrétiens, remonte à dix-sept siècles: et on écrira que je suis un novateur ! Il résume fidèlement la pensée de l'Église primitive: et on dira que j'insulte l'Église 2!

Or, l'Église ne se déjuge pas. L'esprit qui l'animait dans son berceau est le même qui l'anime aujourd'hui et qui l'animera toujours. De la Constitution apostolique qui vient d'être citée, nous sommes donc en droit de conclure, a priori et sans recourir à d'autres preuves, que l'Église n'a jamais cessé et ne cessera jamais d'être antipathique à l'étude des livres païens. Pour en convenir, il n'est pas nécessaire de lui reconnaître l'assistance divine; il suffit de lui accorder la somme de bon sens qu'on

1 Constit. Apost., lib. I, c. vi; apud Labb., t. I, p. 215; et Ver rongeur, p. 37.

2 Omnis enim regularis ordo in ipsa habetur, et nihil a fide adulteratum, neque a confessionis neque ab ecclesiastica gubernatione et regula. S. Epiph. ap. Bar., t. II, p. 102, no 9.

ne refuse à aucun être raisonnable. Tout peuple est fait par un livre l'Église a pour mission de faire des peuples chrétiens. Comment supposer qu'elle voie avec indifférence entre les mains de ses enfants, des livres païens qui sont, à ses propres yeux, les livres du démon a diabolo excogitatis, ou, comme parle un de ses interprètes les plus autorisés, la Bible même de Satan: cibus est dæmoniorum, secularis philosophia, carmina poetarum, rhetoricorum pompa verborum1? C'est à la lumière de ces grands principes qu'il faut éclaircir les points plus ou moins obscurs de la tradition.

Mais nous n'en sommes pas réduits à de simples raisonnements. Commencée avec l'Église, la protestation contre l'étude des livres païens n'a jamais cessé ouvrons l'histoire. Le mal étant impérissable sur la terre, on voit de siècle en siècle le démon s'efforcer de remettre sa Bible en vigueur parmi les chrétiens. «< Aux époques mêmes les plus solennelles, on trouve, comme dit Ozanam, des lettrés indisciplinés, qui ne s'inspirant ni du silence des cloîtres, ni des pieux récits aimés du peuple, retournent aux sources profanes et font revivre dans leurs compositions non-seulement les fables, mais la sensualité du Paganisme. >>

1 S. Hier., Epist. ad Dam. de duob. filiis opp., t. IV, p. 453. 2 Écoles en Italie, p. 20 et suiv.

L'esprit chrétien ne demeure pas muet. A chaque nouvelle tentative s'opposent d'énergiques réclamations. Il serait trop long de les rappeler ici; aussi bien nous les avons citées ailleurs'. Mieux vaut présenter quelques faits généraux, évidents comme la lumière du jour. Résumé authentique de la tradition, ils prouvent tout à la fois la perpétuité de la protestation apostolique, et la puissance de cette protestation, devenue, dans les siècles antérieurs à la Renaissance, la reine de l'opinion et la règle de la conduite.

Premier fait le latin du moyen âge. Voulant à tout prix nous transformer en novateur, quelques adversaires nous ont reproché d'avoir dit qu'à l'époque de la Renaissance, il y avait eu rupture dans l'enseignement, tandis que la Renaissance n'aurait fait que continuer le système établi avant elle. Soit; mais il reste une question à résoudre. Si, au moyen âge les auteurs païens étaient les livres classiques de la jeunesse 2; s'ils étaient étudiés et expliqués, comme on l'a fait depuis la Renaissance, pendant sept ou huit années: d'où vient que, suivant vous et suivant tous les renaissants, nos aïeux du moyen

1 Voir le Ver rongeur; les Lettres à monseigneur Dupanloup; le Rationalisme.

2 Il n'y avait pas de livres les manuscrits étaient très-rares et d'un prix excessif.

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