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« C'est l'éducation, dit Rousseau, qui doit donner aux âmes la forme nationale, et diriger tellement leurs opinions et leurs goûts, qu'elles soient patriotes par inclination, par passion, par nécessité. Un enfant, en ouvrant les yeux, doit voir la patrie, et jusqu'à la mort ne doit plus voir qu'elle. Je veux qu'en apprenant à lire il lise les choses de son pays; qu'à dix ans il en connaisse les productions; à douze, les provinces; à quinze, l'histoire; à seize, les lois; qu'il n'y ait pas dans son pays une belle action ou un homme illustre dont il n'ait la mémoire et le cœur plein et dont il ne puisse rendre compte à l'instant'. » A la place de pátrie, mettez religion, et vous êtes parfaitement dans le vrai.

Puis, déplorant l'éducation païenne qu'il tourne en dérision, il ajoute : « Les moeurs inclinent visiblement vers la décadence, et nous suivons de loin les traces des mêmes peuples dont nous ne laissons pas de craindre le sort. Par exemple, on m'assure que l'éducation de la jeunesse et beaucoup meilleure qu'autrefois, ce qui pourtant ne peut guère se prouver qu'en montrant qu'elle fait de meilleurs citoyens. Il est certain que les enfants font mieux la révérence, qu'ils savent plus galamment donner la main aux dames et leur dire une infinité de gentillesses, pour lesquelles je leur ferais, moi, donner le fouet; 1 Gouvernement de Pologne, ch. IV.

qu'ils savent décider, trancher, interroger, couper la parole aux hommes, importuner tout le monde sans modestie et sans discrétion. On me dit que cela les forme; je conviens que cela les forme à être impertinents, et c'est, de toutes les choses qu'ils apprennent par cette méthode, la seule qu'ils n'oublient point'. >>

C'est une erreur. Les générations de collége se souviennent terriblement bien des maximes épicuriennes des poëtes profanes, des principes et des actes d'indépendance intellectuelle, des utopies républicaines, des vertus de parade, des fausses gloires, des ambitions avides dont le Paganisme est l'école. Quelques années plus tard, Rousseau aurait pu constater dans les démagogues de la Révolution la persistance de tous ces souvenirs.

1 Lettre à d'Alembert, p. 456.

CHAPITRE XV.

DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

L'auteur de l'Essai d'éducation nationale. Il montre le néant et l'anomalie de l'éducation classique.

Ignorance du latin. Ridi

cule des comédies et des amplifications. L'auteur de la Méthode d'éducation nationale.

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Il prouve que l'éducation de college cor

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Aux prêtres et aux philosophes se joignent, pour protester contre l'enseignement classique, les gens du monde. L'auteur de l'Essai d'éducation nationale, publié en 1763, insiste, comme tous les hommes sensés, sur le néant et l'anomalie de l'éducation classique. « J'en appelle, dit-il, à l'expérience et au témoignage de la nation. Les connaissances qu'on acquiert au collége peuvent-elles s'appeler des connaissances? Après dix ans de travail, sait-on même la seule chose qu'on a étudiée, les langues, qui ne sont que des instruments pour frayer la route des sciences? A l'exception d'un peu de latin, qu'il faut étudier de nouveau si on veut en faire usage, la

jeunesse est intéressée à oublier, en entrant dans le monde, presque tout ce que ses prétendus instituteurs lui ont appris. Est-ce là le fruit que la nation devrait tirer de dix années d'un travail assidu?... De cent étudiants, il n'y en a pas cinquante à qui le latin soit nécessaire. A peine en compterait-on quatre ou cinq à qui il puisse être utile dans la suite de le parler ou de l'écrire. Il n'y en a aucun qui puisse avoir besoin de parler grec ou de faire des vers latins. Il est donc contre la raison de dresser un plan d'éducation générale pour ce petit nombre de personnes. »

Études stériles, divertissements ridicules, gymnastique absurde, telle est l'éducation introduite par la Renaissance. « Dans nos colléges, continue l'auteur, les seuls divertissements sont les énigmes, les ballets et les pièces dramatiques, aussi ridiculement composées que déclamées; exercices d'autant plus méprisables que la perte du temps se réunit aux exemples du plus mauvais goût.

» Je voudrais proscrire entièrement ces amplifications ridicules, ces amas de figures de commande; ces paraphrases délayées. Quelles peuvent être les idées d'un jeune homme à qui on donne pour sujet d'amplification la harangue de César à ses soldats dans les champs de Pharsale? Il ne connaît ni César, ni Pompée, ni les Romains, ni les intérêts, ni la faiblesse, ni la force des deux partis. Le régent qui

ose se mettre à la place de César, ou lui prêter son sentiment, ne le connaît pas mieux. Il ne peut sortir d'un fonds si mal préparé que des fruits mauvais et sans goût. J'aimerais mieux qu'un jeune homme sût faire la description nette d'une fleur, d'une plante, d'un moulin, d'une charrue, que de savoir faire toutes les amplifications de collége et autres pareilles inepties. On oublie vite les connaissances acquises au collége, parce qu'elles n'ont aucun rapport avec la vie commune. »

Plus les mauvais fruits de l'éducation païenne approchent de leur pleine maturité, et plus les protestations et les avertissements se multiplient. La même année 1763 paraît un autre ouvrage, intitulé Méthode d'éducation nationale. Envisageant l'enseignement des colléges sous le point de vue des mœurs, l'auteur voit l'Europe couverte de malversations, de filouteries, de mauvaise foi, d'oppressions, de violences, d'impiétés. « Et pourquoi? s'écrie-t-il ; c'est que nos écoles, nos colléges et nos universités, au lieu de donner aux jeunes gens les idées et les notions qui pouvaient les conduire à la connaissance de Dieu, d'eux-mêmes et de leurs devoirs, et les préparer aux différents états de la société, leur en ont fermé la porte, en ne s'attachant qu'à leur surcharger la mémoire de langues étrangères, d'amplifications, de poésies et de récits ennuyeux; c'est

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