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conspiraient contre la vie du pape et rêvaient, dans la capitale même du Catholicisme, la restauration du Polythéisme ancien. Déjà un de leurs chefs, Pomponius Lætus, s'arrogeait le titre de souverain pontife, comme le prouve une inscription gravée par eux-mêmes sur les parois d'une grotte, où ils tenaient leurs ténébreuses assemblées. A partir de cette époque, « les papes, ajoute M. Charpentier, protégent encore les lettres, mais les lettres sacrées; ils protégent aussi les arts, mais ils s'efforcent de les ramener à un caractère chrétien 1. >>

Cependant, le mal sorti des flancs de la Renaissance cause d'étranges ravages. Les lettrés rationalistes d'Italie ont pondu l'œuf, Luther le fait éclore: Peperi ovum, Lutherus exclusit. La robe de l'Église est mise en lambeaux par le schisme et par l'hérésie; sa face auguste est souillée; l'iniquité devient générale. Une réforme est nécessaire: Paul IV convoque le concile de Trente.

Un des plus célèbres théologiens de l'auguste assemblée, Melchior Canus, proteste avec énergie contre l'étude fanatique de la philosophie et de la littérature païenne, dont il signale les effets désastreux : « Les saints Pères, dit-il, condamnent ceux qui préférent la philosophie à l'Évangile, pour qui Averroès est saint Paul; Alexandre d'Aphrodisée, saint

1 Dans le Rationalisme,

Pierre; Aristote, Jésus-Christ; Platon, non un homme divin, mais un dieu : Non divinus, sed deus. L'Italie surtout est féconde en hommes de ce caractère. Contempteurs des saintes lettres, ils s'attachent aux doctrines de ces philosophes et, leur nacelle amarrée aux rochers des Sirènes, ils chantent, navigateurs insensés, non les Prophètes, non les Apôtres, non les Évangélistes, mais Cicéron, Platon et Aristote! Ceux qui s'occupent trop de littérature païenne, se remplissent presque tous d'erreurs dont il est presque impossible de les délivrer: qui vix elui possunt. C'est ce qui a motivé le décret du concile de Latran. Il y a, du reste, parmi nous une loi trois fois sainte qui interdit une semblable étude au delà d'un certain âge; elle la permet seulement aux adolescents, non pas à tous, mais à ceux qui montrent plus de talent1. >>

A la même époque, une autre voix, non moins autorisée que celle de Canus, signalait, comme nous, les ravages de la lèpre païenne, communiquée à l'Europe par la Renaissance. Le premier effet de cette honteuse maladie est celui qu'avaient constaté en eux-mêmes saint Augustin et saint Jérôme, effet inévitable qu'on peut constater aujourd'hui, sur la

1 Est etiam apud nostros lex sacratissima, quæ in hujusmodi disciplinis solum adolescentes neque omnes, sed ingeniosos exercet. - De Loc. theol., lib. IX, c. Ix.

plus vaste échelle, dans toutes les générations de collége, depuis quatre siècles : je veux dire le dégoût des lettres chrétiennes et surtout de l'Écriture sainte. Écoutons un des plus profonds ascétiques du seizième siècle, un de ces hommes de Dieu dont la parole fait autorité.

<< La sagesse du monde, dit le père Louis de Grenade, enfle le cœur de vanité; celle de Dieu l'enflamme de charité. Si donc, lorsque Dieu m'enseigne lui-même par sa parole, je me détourne de lui pour recourir à des maîtres du siècle et de la terre, ne faisje pas injure à ce divin maître? Ne méprisé-je pas sa doctrine lorsque je la considère moins que celle des hommes, que je préfère à la sienne? Si le nombre des personnes qui tombent dans cette erreur n'était pas si grand, il y aurait moins sujet de s'en plaindre. Mais que dirai-je quand presque tout le monde vit de cet abus? On dit qu'au détroit de Magellan, d'ordinaire, de trois vaisseaux il s'en perd un; mais dans ce détroit dont nous parlons, à peine de cent y en a-t-il un de sauvé.

>> Combien le monde a-t-il aujourd'hui d'étudiants, pendant que Jésus-Christ a si peu de vrais disciples! A peine ont-ils commencé à ouvrir les yeux pour connaître Dieu, qu'ils s'abandonnent aussitôt à la lecture des philosophes et des lettres humaines, où durant plusieurs années ils n'entendent pas le nom

ni une seule parole de Jésus-Christ. Nous devrions tenir ces études pour une grande plaie et un grand malheur de notre vie, principalement si nous considérons ce que dit saint Grégoire de Nazianze, que toutes les sciences et les raisonnements des païens ressemblent aux fléaux et aux plaies de l'Égypte, qui sont entrés dans l'Église pour la punition de nos péchés '. »

Mais le sujet de sa plus grande douleur, aussi bien que de la nôtre, est de voir qu'au lieu de réserver pour un âge plus avancé l'étude des choses païennes, on abreuve l'enfance de ce lait empoisonné. «Que si, continue le pieux et savant auteur, la misérable condition de notre siècle nous réduit à cette nécessité, il faudrait au moins attendre un temps plus propre, et prendre garde que le bâtiment des vertus fût auparavant si bien établi en celui qui commence, qu'il pût aisément supporter cette charge. Mais qui peut voir sans une extrême douleur que lorsque l'âme est encore tendre et qu'un jeune homme ne fait que commencer à goûter la douceur du lait de Jésus-Christ, on le retire de ses mamelles pour l'attacher à celles des philosophes païens, où il ne trouve point d'autre pâture que des arguments et des sophismes? Car, dites-moi, je vous prie, qu'est-ce que cela, à le bien considérer ? sinon 1 Traité de l'Oraison, part. II, § 8, c. IV.

faire la même chose que faisait ce cruel Pharaon pour détruire le peuple de Dieu, quand il commanda qu'aussitôt qu'il naîtrait un enfant måle on le submergeât dans les eaux du Nil. N'est-ce pas ce que nous voyons en ce temps, où à peine une âme a commencé à renaître en Jésus-Christ et avant qu'elle ait pris quelque force en ce nouvel être qu'elle a reçu, on la plonge dans ces eaux où elle se noie et où elle perd tout l'esprit de dévotion qu'elle avait déjà conçu 1? »

L'étude du paganisme n'éteint pas seulement la piété et l'esprit chrétien, il appauvrit encore la raison et crée des générations d'utopistes. C'est ce que remarquait, il y a plus de trois siècles, Balthasar Bonifacio: «< Dans les écoles d'aujourd'hui, écrit ce profond penseur, nos enfants deviennent archifous, pueri nostri hodie in scholis stultissimi fiunt, parce qu'on ne leur apprend rien qui soit applicable à notre état actuel. Nous croyons avoir fait pour eux un chef-d'œuvre, quand nous leur avons donné, comme dit l'Apôtre, des maîtres qui leur chatouillent les oreilles et dont l'enseignement détourne leur entendement de la vérité et les passionne pour les fables A veritate quidem auditum averlant totoque animo ad fabulas convertantur2.

1 Traité de l'Oraison, part. II, § 8, c. IV. 2 Hist. Ludicr., lib. III, c. xvII, p. 404.

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