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lesquelles on lui demandoit son avis. (Voy. Marc-Aurèle, no VIII.) Quant aux principes de sa philophilosophie, il ne se piqua pas, comme nous l'avons dit, d'approfondir les mystères impénétrables de la nature. Il crut que le sage devoit la laisser dans les ténèbres où elle s'étoit ensevelie; il tourna toutes les vues de son esprit vers la morale ; et la secte ionienne n'eut plus de physicien. Socrate chercha dans le cœur même de l'homme le principe qui conduisoit au bonheur : il y trouva que l'homme ne pouvoit être heureux que par la justice, par la bienfaisance, par une vie pure. Il traitoit les matières avec tant de netteté, de naturel et de simplicité, qu'il faisoit entendre à ses disciples tout ce qu'il vouloit, et qu'il leur faisoit trouver dans leur propre fonds la réponse à toutes les questions qu'il leur proposoit. Il forma une école de morale, bien supérieure à toutes les écoles de physique; mais, dans le temps qu'il instruisoit les autres, il ne veilloit pas assez sur lui-même. Il s'expliquoit très-librement sur la religion et sur le gouvernement de son pays. Sa passion dominante étoit de régner sur les esprits, et d'aller à la gloire en affectant la modestie. Cette conduite lui fit beaucoup d'ennemis ils engagèrent Aristophane à le jouer sur le théâtre. Le poète leur prêta sa plume, et sa pièce, pleine de plaisanteries fines et mordantes, accoutuma insensiblement le peuple à le mépriser. (Voy. ARISTOPHANE.) Vingtdeux ou vingt-trois ans après, il se présenta un infâme délateur, uommé Mélitus, qui l'accusa 1o d'être le détracteur des anciennes divinités de la Grèce, dont il blâmoit les passions ridicules, et de se vanter d'avoir un génie qui

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l'inspiroit; 2o d'être le corrup teur de la jeunesse; 3° l'ennemi du gouvernement populaire, parce qu'il vouloit rejeter la voie du sort dont on se servoit pour élire les magistrats. Lysias, qui passoit pour le plus habile orateur de son temps lui apporta un discours travaillé, pathétique, touchant, et conforme à sa malheureuse situation, pour l'apprendre par cœur, s'il le jugeoit à propos, et s'en servir auprès de ses juges. Socrate le lut avec plaisir, et le trouva fort bien fait. « Mais de même, lui dit-il, que si Vous m'eussiez apporté des souliers à la sicyonienne (c'étoient alors les plus à la mode) je ne m'en servirois point, parce qu'ils ne conviendroient point à un philosophe; ainsi votre plaidoyer me paroît éloquent et conforme a règles de la rhétorique, mais peu convenable à la grandeur d'ame et à la fermeté dignes d'un sage." Son apologie fut un discours simple, mais noble, où l'on voyoit briller le caractère et le langage de l'innocence. « Je comparois, il à ses juges, devant ce tribunal pour la première fois de ma vie, quoiqu'âgé de plus de 70 ans. Ici, le style, les formes, tout est nouveau pour moi. Je vais parler une langue étrangère; et l'unique grace que je vous demande, c'est d'être plutôt attentifs à mes raisons qu'à mes paroles. Votre devoir est de discerner la justice; le mien est de vous dire la verité. On m'accuse de ne pas admettre les divinités d'Athènes, et de croire à un génie particulier; ma réponse est facile. J'ai offert souvent aux dieux du pays des sacrifices devant ma maison; j'en ai souvent offert sur les autels publics; j'en ai offert devant tous mes disciples, et Athènes en a été témoin. J'ai blâmé les

dit

de bien, qui

périr tant de gens
en fera périr tant d'autres; car je
ne dois pas me flatter qu'elle s'é-
puise par mon supplice. Au reste,
mes ennemis sont plus à plaindre
que moi, puisqu'ils sont injustes.
Pour échapper à leurs coups, je
n'ai point, à l'exemple des autres
accusés, employé les menées
clandestines, les sollicitations
ouvertes. Je vous ai trop respec-
tés pour chercher à vous atten-
drir par mes larmes, ou par
celles de mes enfans et de mes
amis, assemblés autour de moi..
C'est au théâtre qu'il faut exciter
la pitié par
des images
touchan-,

passions honteuses et les haines barbares que l'on attribuoit aux dieux. J'ose vous le demander: qui de vous, ô magistrats! les pardonneroit aux hommes? Quant au génie particulier dont j'écoute Pinspiration secrète, ce n'est pas une divinité nouvelle; c'est l'éternel instinct, c'est le génie éternel de la morale. Pour se conduire, les uns consultent des sibylles, d'autres le vol des oiseaux, d'autres le cœur des victimes. Moi, je consulte mon propre cœur ; j'interroge ma conscience; je converse en secret avec l'esprit qui m'anime. On prétend, en second lieu, que je corromps la tes, ici la vérité scule doit se faire jeunesse d'Athènes : qu'on cite entendre. Vous avez fait un serdonc un de mes disciples que ment solennel de juger suivant j'aie entraîné dans le vice. J'en les lois; si je vous arrachois un vois plusieurs dans cette assem- parjure, je serois véritablement blée; qu'ils se lèvent, qu'ils dé. coupable d'impiété. Mais plus posent contre leur corrupteur persuadé que mes adversaires de S'ils sont retenus par un reste de l'existence de la divinité, je me considération, d'où vient que livre sans crainte à sa justice, leurs pères, leurs frères, leurs ainsi qu'à la vôtre. » Ce plaidoyer parens n'invoquent pas dans ce sembloit avoir fléchi une partie moment la sévérité des lois? de ses juges. L'accusé eut d'abord D'où vient que Mélitus a négligé en sa faveur la pluralité des voix, leur témoignage? C'est que, loin et Mélitus son accusateur alloit de me poursuivre, ils sont eux- être condamné, selon l'usage, à mêmes accourus à ma défense. une amende de mille drachmes. On m'accuse enfin de m'être dé- Mais Anytus et Licon s'étant claré contre la loi établie parmi joints à lui, leur crédit entraîna. nous, de choisir au sort des má- un grand nombre de suffrages, gistratures importantes; mais en et il y en eut deux cent quatrecela je ne me suis pas montré vingts contre Socrate, et par conmauvais citoyen; car il est évi-séquent deux cent vingt pour lui; dent que c'est confier au hasard car les juges, sans compter le la fortune des particuliers et la président, étoient au nombre de destinée de l'état. O Athéniens! cinq cents. Par une première senoseriez-vous tirer au sort les pré- tence, on déclara simplement cepteurs de vos enfans, les géné- que le philosophe étoit couparaux de vos armées ? Ce ne sont donc pas les accusations de Mélitus et d'Anytus qui me coûteront la vie; c'est plutôt la haine de ces hommes vains ou injustes dont j'ai démasqué l'ignorance ou les vices; haine qui a déjà fait

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le, sans prononcer la peine qu'il devoit souffrir. On lui en laissa le choix. Il répondit que puisqu'on le laiss, it le maître de son châtiment, il se condamnoit, pour avoir toujours instruit les Athéniens, & être nourri le reste

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de ses jours dans le Prytanée, 1 temps passager que nous appeaux frais de la République; hon-lons la vie, mais encore pour ceneur qui, chez les Grecs, pas-lui qui la suit, c'est-à-dire pour soit pour le plus distingué. Cette l'éternité. La moindre négligence réponse révolta tellement l'aréosur ce point peut avoir des suites age, qu'on résolut sa perte. infinies. Si la mort étoit la ruine Quelqu'un étant venu lui annon- et la dissolution de tout, ce seroit cer qu'il avoit été condamné à mort un grand gain pour les méchans, par ses juges Et eux, répliqua- après le trépas, d'être délivrés en t-il, l'ont été par la nature; ré- même temps de leur corps, de ponse qui ne méritoit peut-être leur ame et de leurs vices. Mais pas d'être consacrée par l'histoire. puisque l'ame est immortelle On ordonna qu'il boiroit du jus elle n'a d'autre moyen de se déde ciguë. Dès que la sentence fut livrer de ses maux, et il n'y a de prononcée, il dit à ses juges: » Je salut pour elle, que de devenir vais être livré à la mort par votre très-bonne et très-sage... Au sor ordre; la nature m'y avoit con- tir de cette vie, s'ouvrent deux damné dès le premier moment de routes, ajouta-t-il; l'une mène à ma naissance. Mais mes accusa- un lieu de supplices éternels les teurs vont être livrés à l'infamie ames qui se sont souillées ici-bas et à l'opprobre par l'ordre de la par des plaisirs honteux et des vérité. » 11 marcha vers la pri- actions criminelles; l'autre conson avec fermeté. Apollodore, duit à l'heureux séjour des dieux un de ses disciples, s'étant avan- celles qui se sont conservées pures cé pour lui témoigner sa douleur sur la terre, et qui dans des corps de ce qu'il mouroit innocent : « Ai-humains ont mené une vie dimeriez-vous mieux, lui dit-il, que vine.» Quelqu'un demandant à je mourusse coupable?» Ses amis Aristippe comment Socrate étoit voulurent le faire évader : ils cor- mort? « Comme je voudrois, rérompireut le geolier à force d'ar-pondit-il, mourir moi-même. » gent; mais Socrate refusa de profiter de leurs bons offices. Il but la coupe de ciguë avec la même indifférence dont il avoit envisagé les différens évènemens de sa vie; ensuite il se promena trauquillement dans sa chambre, et lorsque ses jambes commencèrent a foiblir, il se coucha sur son lit et expira, vers le mois de juin de l'an 399 avant J.C. Sa femme et ses amis recueillirent ses dernières paroles. Elles forent toutes d'un sage; elles roulèrent sur l'immortalité de l'ame, et prouvèrent la grandeur de la sienne. Une chose, mes amis, (leur dit-il en finissant) qu'il est très-juste de penser; c'est que si l'ame est imnortelle, elle a besoin qu'on la cultive, non-seulement pour ce

Quelques Pères de l'Eglise décorent ce sage du titre de martyr de Dieu. Erasme disoit que toutes les fois qu'il lisoit la belle mort de Socrate, il étoit tenté de s'écrier : "O saint Socrate, priez pour nous. » On a tâché vainement de noircir sa réputation, en l'accusant d'un amour criminel pour Alcibiade: l'abbé Fraguier l'a pleinement justifié. Des auteurs postérieurs à Socrate de plusieurs siècles, assurent qu'immédiatement après sa mort, les Athéniens demandèrent compte aux accusateurs du sang innocent qu'ils avoient fait répandre; que Mélitus fut condamné à mort, et que les autres furent bannis; que non contens d'avoir ainsi puni les calomniateurs de Socrate, ils lai

de la main du célèbre Lysippe, et lui dédièrent une chapelle

que le beau ? En quoi consiste la vertu ? » Ce docteur ne pouvoit reculer sans risquer son revenu et sa réputation. Il répondoit; mais, au lieu de donner une réponse précise, il se jetoit dans des lieux communs et prenant l'espèce pour le genre, il parloit beaucoup sans rien dire qui fût à propos. Socrate applaudissoit à ce vers

firent élever une statue de bronze | Mais, pauvre comme je suis, que me reste-t-il pour m'instruire, que de vous exposer mon ignocomme à un demi-dieu. Ces tra- rance et mes doutes, lorsque mon ditions, dit l'abbé Barthélemy, bonheur m'offre l'occasion de ne peuvent se concilier avec le vous consulter? » Le sophiste silence de Xénophon et de Platon, l'écoutoit avec une attention déqui ne parlent nulle part, ni du daigneuse, et lui permettoit de repentir des Athéniens, ni du parler. Socrate lui faisoit des supplice des accusateurs de So- questions toutes simples il lui crate..... On a demandé ce que demandoit, parexemple: «qu'estc'étoit que cette ironie, que les ce que votre profession? Qu'apanciens ont tant vantée dans So-pelez-vous rhétorique? Qu'est ce crate. Le même abbé Fraguier qui a fait une dissertation curieuse sur ce sujet, remonte jusqu'à la cause qui obligea Socrate de se servir souvent de cette figure. Ce philosophe ayant résolu de donner une base certaine à la morale, commença par combattre certains charlatans de philosophie, connus sous le nom de sophistes. Ces hommes hardis, présomp-biage, pour ne pas effaroucher tueux, avoient, par une fausse d'abord son docteur, et affectant éloquence, séduit toute la Grèce. de ne pouvoir le suivre dans ses Comme ils étoient très-puissans longs discours, il le réduisoit à à Athènes, Socrate étoit forcé de répondre oui et non. Alors, par les ménager en apparence, et la justesse de sa dialectique, il le d'affecter une sorte d'ignorance conduisoit par degrés jusqu'aux pour mieux discréditer une mo- conséquences les plus absurdes, rale et une éloquence éblouis- et le forçoit à se contredire luisante, mais qui dans le fond même, ou à se taire. (Voy. PRODIS n'avoit rien que de frivole. Voici cus, no I.) Myrto, parente d'Arisà peu-près quel étoit son procédé. tide, fut la première femme deSoIl savoit dans quel lieu public, crate. Elle mourut, à ce qu'il semou dans quelle maison particu- ble, sans lui avoir donné d'enfans. lière un ou plusieurs des plus fa- Il épousa Xantippe en secondes meux sophistes débitoient leur noces, et en eut trois fils, dont, fausse doctrine. Il y arrivoit com- à l'époque de la mort de leur père, me par hasard, et quelquefois il l'aîné seul, nommé Lamprocle avoit assez de peine à entrer. Il étoit parvenu à la maturité de trouvoit le docteur gonflé de cet l'âge. Il avoit malheureusement orgueil que donne aux personnes plus de rapports de caractère avec vaines l'admiration des sots; et Xantippe qu'avec Socrate. Il sems'approchant de lui modestement: ble, au reste, que ce soit plutôt « Je m'estimerois bien heureux, une humeur incommode, bizarre, lui disoit-il, si mes facultés ré-tracassière, que de la méchanpondoient au besoin et à l'envie ceté proprement dite qu'il faille que j'aurois d'avoir pour mes maî- reprocher à Xantippe. Xénophon, tres des hommes tels que vous. qui devoit bien la connoître, no

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la peint que sous ces traits. Elle étoit tendrement attachée à l'homme respectable qu'elle désoloit. On en pent juger sur-tout par la conduite qu'elle tint à son égard; quand il fut en état d'accusation, et la douleur que lui causa le pressentiment de sa perte. Les deux autres fils de Socrate s'appeloient Sophronisque et Ménèxène. Ils étoient encore dans l'âge de l'enfance quand ils perdirent leur père, et ainsi ce que dit Sénèque (Epist. 104), du caractère inflexible des enfans de Socrate en général, semble ne pouvoir guère être appliqué qu'à l'aîné, Lamprocle. C'est avec lui qu'Alcibiade le surprit un jour à califourchon sur un bâton. A la suite d'un discours latin sur Socrate, prononcé à l'université de Leyde par le professeur Jean Luzac en 1795, on trouve des notes pleines de choses infiniment curieuses sur ce philosophe. On a de Socrate quelques Lettres, recueillies par Allatius avec celles des autres philosophes de sa secte, Paris, 1637, in-4°. Bentley assure que les lettres de Phalaris, de Themistocle, d'Euripide sont apocryphes. (Voyez son ouvrage contre C. Boyle.) Socrate avoit mis en vers . dans. sa prison, les Fables d'Esope; mais cette production n'est pas venue jusqu'à nous. (Voy. THERAMENE et BOER HAAVE.).

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n'avoit touché que fort légèrement L'Histoire de Socrate, divisée en 7 livres, commence à l'an 306, et finit en 439. Quoiqu'il proteste s'être donné beaucoup de peine pour s'instruire exactement de tous les faits qu'il rapporte, y en a néanmoins plusieurs auxquels on ne peut ajouter foi. Il n'est pas même toujours exact dans les dogmes. Il n'étoit que laïque, et peu versé dans les matières de théologie. Il ne paroît pas avoir été fort instruit de la discipline des différentes Eglises. Son style n'a rien de recommandable. On ne dit pas en quelle année il mourut. On trouve son Histoire dans le Recueil des Historiens écclésiastiques de Valois, Cambridge, 1720, 3 vol. in-fol. Le président Cousin l'a traduite en français.

* SODERINI (François), savant canoniste du 15 siècle, né à

Florence le 10 juin 1453, fut envoyé à l'université de Pise, et y apprit le droit sous Pierre-Philippe Cornéo de Pérouse. Sixte IV le nomma Evêque de Volterre en 1478. Les Florentins le députérent en qualité d'ambassadeur vers Innocent VIII, Charles VIII, et Louis XII, roi de France. En 1503, Alexandre VI le créa cardinal. Une conjuration contre Léon X, à laquelle il eut quelque part, pensa lui être funeste; mais le pontife lui imposa seulement une amende de 25,000 écus. On lui attribue queques Traités de jurisprudence. Il mourut à Rome le 17 mai 1514.

+II. SOCRATE, le Scolastique, né à Constantinople, vers l'an 380, étudia la grammaire sous deux fameux professeurs païens, et fit des progrès qui an- I. SODI (Pierre), maître de nonçoient beaucoup de talent. Il ballets, né à Rome, vint en France suivit ensuite le barreau; enfin il en 1744, et y excella dans la coms'appliqua à l'Histoire ecclésias-position des pantomimes. Les plus tique, et entreprit de continuer celle d'Eusèbe de Césarée, en reprenant à l'arianisme, qu'Eusèbe

remarquables furent, la Cornemuse, les Jardiniers, les Fous, les Mandolines, le Bouquet, le

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