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EXPOSITION

PQ1726
НЗ
v.4

DE LA

DOCTRINE DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE

SUR LES MATIÈRES DE CONTROVERSE.

Après plus d'un siècle de contestations avec messieurs de la religion prétendue réformée, les matières dont ils ont fait le sujet de leur rupture doivent être éclaircies, et les esprits disposés à concevoir les sentiments de l'Eglise catholique. Ainsi il semble qu'on ne puisse mieux faire que de les proposer simplement, et de les bien distinguer de ceux qui lui ont été faussement imputés. En effet, j'ai remarqué, en différentes occasions, que l'aversion que ces messieurs ont pour la plupart de nos sentiments, est attachée aux fausses idées qu'ils en ont conçues, et souvent à certains mots qui les choquent tellement, que, s'y arrêtant d'abord, ils ne viennent jamais à considérer le fond des choses. C'est pourquoi j'ai cru que rien ne leur pourroit être plus utile que de leur expliquer ce que l'Eglise a défini dans le concile de Trente, touchant les matières qui les éloignent le plus de nous, sans m'arrêter à ce qu'ils ont accoutumé d'objecter aux docteurs particuliers, ou contre les choses qui ne sont ni nécessairement ni universellement reçues. Car tout le monde convient, et M. Daillé même1, que « c'est une chose déraisonnable d'imputer. les sentiments des particuliers à un corps entier; » et il ajoute qu'on ne peut se séparer, que pour des articles établis authentiquement, à la croyance et observation desquels toutes sortes de personnes sont obligées. Je ne m'arrêterai donc qu'aux décrets du concile de Trente, puisque c'est là que l'Eglise a parlé décisivement sur les matières dont il s'agit : et ce que je dirai, pour fair mieux entendre ces décisions, est approuvé dans la même Eglise, e paroîtra manifestement conforme à la doctrine de ce saint concile.

Cette exposition de notre doctrine produira deux bons effets: le premier, que plusieurs disputes s'évanouiront tout à fait, parce qu'on reconnoîtra qu'elles sont fondées sur de fausses explications de notre croyance; le second, que les disputes qui resteront ne paroîtront pas, selon les principes des prétendus réformés, si capitales qu'ils ont voulu d'abord le faire croire; et que, selon ces mêmes principes, elles n'ont rien qui blesse les fondements de la foi.

Et pour commencer par ces fondements et articles principaux de la

1. Apol., ch. vi.

BOSSUET.

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IV.

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foi, il faut que messieurs de la religion prétendue réformée confessent qu'ils sont crus et professés dans l'Eglise catholique.

S'ils les font consister à croire qu'il faut adorer un seul Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et qu'il faut se confier en Dieu seul par son Fils incarné, crucifié et ressuscité pour nous; ils savent en leur consciente que nous professons cette doctrine. Et s'ils veulent y ajouter les autres articles qui sont compris dans le Symbole des apôtres, ils ne doutent pas non plus que nous ne les recevions tous sans exception, et que nous n'en ayons la pure et véritable intelligence.

M. Daillé a fait un traité, intitulé : la Foi fondée sur les Écritures, où, après avoir exposé tous les articles de la croyance des églises prétendues réformées, il dit', a qu'ils sont sans contestation; que l'Eglise romaine fait profession de les croire; qu'à la vérité il ne tient pas toutes nos opinions, mais que nous tenons toutes ses créances. >>

Ce ministre ne peut donc nier que nous ne croyions tous les articles principaux de la religion chrétienne, à moins qu'il ne veuille lui-même détruire sa foi.

Mais quand M. Daillé ne l'auroit pas écrit, la chose parle d'ellemême; et tout le monde sait que nous croyons tous les articles que les calvinistes appellent fondamentaux; si bien que la bonne foi voudroit qu'on nous accordât, sans contestation, que nous n'en avons en effet rejeté aucun.

Les prétendus réformés, qui voient les avantages que nous pouvons tirer de cet aveu, veulent nous les ôter, en disant que nous détruisons ces articles, parce que nous en posons d'autres qui leur sont contraires. C'est ce qu'ils tâchent d'établir par des conséquences qu'ils tirent de notre doctrine. Mais le même M. Daillé que je leur allègue encore, moins pour les convaincre par le témoignage d'un de leurs plus doctes ministres, que parce que ce qu'il dit est évident de soi-même, leur apprend ce qu'il faudroit croire de ces sortes de conséquences, supposé qu'on en pût tirer de mauvaises de notre doctrine. Voici comme il parle dans la lettre qu'il a écrite à M. de Monglat sur le sujet de son Apologie: Encore que l'opinion des luthériens sur l'eucharistie induise selon nous, aussi bien que celle de Rome, la destruction de l'humanité de Jésus-Christ, cette suite néanmoins ne leur peut être mise sus sans calomnie, vu qu'ils la rejettent formellement. »

Il n'y a rien de plus essentiel à la religion chrétienne, que la vérité de la nature humaine en Jésus-Christ; et cependant, quoique les luthériens tiennent une doctrine d'où Pon infère la destruction de cette vérité capitale, par des conséquences que les prétendus réformés jugent évidentes, ils n'ont pas laissé de leur offrir leur communion, parce que leur opinion « n'a aucun venin, » comme dit M. Daillé dans son Apologie et leur synode national, tenu à Charenton en 1631, les admet « à la sainte table; » sur ce fondement, & qu'ils conviennent ès principes et points fondamentaux de la religion. » C'est donc une maxime constamment établie parmi eux, qu'il ne faut point en cette

1. Apol., 3 part., ch. 1. 2. Ch. VIII.

«

matière regarder les conséquences que l'on pourroit tirer d'une doctrine; mais simplement ce qu'avoue et ce que pose celui qui l'enseigne.

Ainsi, quand ils infèrent, par des conséquences qu'ils prétendent tirer de notre doctrine, que nous ne savons pas assez réconnoftre la gloire souveraine qui est due à Dieu, ni la qualité de Sauveur et de Médiateur en Jésus-Christ, ni la dignité infinie de son sacrifice, ni la plénitude surabondante de ses mérites; nous pourrions nous défendre sans peine de ces conséquences, par cette courte réponse que nous fournit M. Daillé, et leur dire que l'Église catholique les désavouant, elles ne peuvent lui être imputées « sans calomnie. >>

Mais je veux aller plus avant, et faire voir à messieurs de la religion prétendue réformée, par la seule exposition de notre doctrine, que bien loin de renverser les articles fondamentaux de la foi, ou directement, ou par conséquence, elle les établit, au contraire, d'une manière si solide et si évidente, qu'on ne peut, sans une extrême injustice, lui contester l'avantage de les bien entendre.

Pour commencer par l'adoration qui est due à Dieu, l'Église catholiqué enseigne qu'elle consiste principalement à croire qu'il est le créateur et le seigneur de toutes choses; et à nous attacher à lui de toutes les puissances de notre âme par la foi, par l'espérance et par la charité, comme à celui qui seul peut faire notre félicité, par la communication du bien infini, qui est lui-même.

Cette adoration intérieure, que nous rendons à Dieu en esprit et en vérité, a ses marques extérieures, dont la principale est le sacrifice, qui ne peut être offert qu'à Dieu seul, parce que le sacrifice est établi pour faire un aveu public et une protestation solennelle de la souveraineté de Dieu, et de notre dépendance absolue.

La même Eglise enseigne que tout culte religieux se doit terminer à Dieu comme à sa fin nécessaire; et si l'honneur qu'elle rend à la sainte Vierge et aux saints peut être appelé religieux, c'est, à cause qu'il se rapporte nécessairement à Dieu.

Mais avant que d'expliquer davantage en quoi consiste cet honneur, il n'est pas inutile de remarquer que messieurs de la religion prétendue réformée, pressés par la force de la vérité, commencent à nous avouer que la coutume de prier les saints, et d'honorer leurs reliques, étoit etablie dès le quatrième siècle de l'Eglise. M. Daillé, en faisant cet aveu dans le livre qu'il a fait contre la tradition des Latins, touchant l'objet du culte religieux, accuse saint Basile, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome, saint Augustin, et plusieurs autres grandes lumières de l'antiquité, qui ont paru dans ce siècle, et surtout saint Grégoire de Nazianze, qui est appelé le Théologien par ex cellence, d'avoir changé en ce point la doctrine des trois siècles précédents. Mais il paroîtra peu vraisemblable que M. Daillé ait mieu entendu les sentiments des Pères des trois premiers siècles, que ceux qui ont recueilli, pour ainsi dire, la succession de leur doctrine immédiatement après leur mort; et on le croira d'autant moins, que, bien loin que les Pères du quatrième siècle se soient aperçus qu'il s'in

troduisit aucune nouveauté dans leur culte, ce ministre, au contraire, nous a rapporté des textes exprès, par lesquels ils font voir clairement qu'ils prétendoient, en priant les saints, suivre les exemples de ceux qui les avoient précédés. Mais, sans examiner davantage le sentiment des Pères des trois premiers siècles, je me contente de l'aveu de M. Daillé, qui nous abandonne tant de grands personnages qui ont enseigné l'Église dans le quatrième. Car, encore qu'il se soit avisé, douze cents ans après leur mort, de leur donner, par mépris, une manière de nom de secte, en les appelant « reliquaires, » c'est-à-dire, gens qui honorent les reliques; j'espère que ceux de sa communion seront plus respectueux envers ces grands hommes. Ils n'oseront du moins leur objecter qu'en priant les saints, et en honorant leurs reliques, ils soient tombés dans l'idolâtrie, ou qu'ils aient renversé la confiance que les chrétiens doivent avoir en Jésus-Christ; et il faut espérer que dorénavant ils ne nous feront plus ces reproches, quand ils considéreront qu'ils ne peuvent nous les faire, sans les faire en même temps à tant d'excellents hommes, dont ils font profession, aussi bien que nous, de révérer la sainteté et la doctrine. Mais comme il s'agit ici d'exposer notre croyance, plutôt que de faire voir quels ont été ses défenseurs, il en faut continuer l'explication.

L'Église, en nous enseignant qu'il est utile de prier les saints, nous enseigne à les prier dans ce même esprit de charité, et selon cet ordre de société fraternelle, qui nous porte à demander le secours de nos frères vivants sur la terre et le Catéchisme du concile de Trente conclut de cette doctrine', que si la qualité de Médiateur, que l'Écriture donne à Jésus-Christ, recevoit quelque préjudice de l'intercession des aints qui règnent avec Dieu, elle n'en recevroit pas moins de l'intercession des fidèles qui vivent avec nous.

Ce Catéchisme nous fait bien entendre l'extrême différence qu'il y a entre la manière dont on implore le secours de Dieu, et celle dont on implore le secours des saints; « car, dit-il2, nous prions Dieu, ou de nous donner les biens, ou de nous déliver des maux: mais parce que les saints lui sont plus agréables que nous, nous leur demandons qu'ils prennent notre défense, et qu'ils obtiennent pour nous les choses dont nous avons besoin. De là vient que nous usons de deux formes de prier fort différentes, puisqu'au lieu qu'en parlant à Dieu, la manière propre est de dire: Ayez pitié de nous, Écoutez-nous; nous nous contentons de dire aux saints: Priez pour nous. » Par où nous devons entendre, qu'en quelques termes que soient conçues les prières que nous adressons aux saints, l'intention de l'Église et de ses fidèles les réduit toujours à cette forme, ainsi que ce Catéchisme le confirme dans la suite 3.

Mais il est bon de considérer les paroles du concile même, qui, voulant prescrire aux évêques comme ils doivent parler de l'invocation des saints, les obligé d'enseigner que « les saints qui règnent aves

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