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une forteresse, il a été trouvé une petite brique ou plutôt un petit carreau dont M. Boyer donne le fac-simile réduit, et qui porte, en plusieurs lignes: DRVIDIBVS, un mot que nous ne saurions ni reproduire ni traduire, et le singulier essai de numération XXLVIII. Ne serait-ce point le signe destiné à marquer les places réservées à un certain nombre de prêtres, soit pour des cérémonies religieuses, soit pour les réunions publiques?

Enfin, c'est en fouillant une légère éminence, au lieu dit le Préaux-Caves, et au milieu de substructions qui ont fournį à leurs explorateurs quantité de fragments de marbre blanc, de stuc, de poteries variées, de débris d'instruments en fer, de tuiles unies ou striées, une statuette en pierre, un buste en marbre blanc barbu et chevelu (dont la spéculation se serait déjà emparée), qu'ont été rencontrées à des profondeurs inégales les quatorze briques, entières ou mutilées, dont il nous reste à parler d'après le consciencieux correspondant du Comité.

L'une d'elles, anépigraphe, offre l'image d'un guerrier dont la numismatique gauloise nous fournit en quelque sorte le prototype, dans le revers des monnaies au nom de Vérotal; assimilation qui nous avait frappé avec M. Boyer, lorsque nous avons eu la bonne fortune d'examiner chez lui les fidèles estampages rapportés de son excursion aux fouilles de M. Chazereau. Ces estampages, déposés avec le rapport manuscrit sous les yeux des membres du Comité, n'ont pas été, nous le regrettons, remplacés par une description suffisante pour les lecteurs du rapport imprimé. Nos souvenirs ne sont pas assez précis pour nous permettre de réparer cette légère omission; nous dirons toutefois (qu'on nous permette cette rapide excursion dans le domaine de la linguistique locale), qu'il nous semble nous rappeler avoir vu à l'une des mains du guerrier de Neuvy l'arme nationale, le gæsum comme disaient les Romains, le gais ou épieu comme traduisent les savants, le gæsson ou gésson comme diraient nos paysans des environs de Bourges, qui ont conservé, pour désigner le dard des animaux, le terme même qu'avec un sens plus large on employait en Gaule il y a deux mille ans.

Des inscriptions tracées sur les briques non encore mentionnées par nous, la première est exclusivement religieuse; ce sont, si nous pouvons nous exprimer ainsi, les litanies malheureusement incomplètes de l'Olympe celtique, quelque peu envahi déjà par des intrus étrangers Isis, Esus, Duis, Vole..., Tarvos, Theut... M. Boyer fait avec raison ressortir l'extrême importance de cette liste. Une autre brique, dont le fac-simile dénonce une double cassure, ne contient plus que

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quelques grandes lettres, presque toutes grecques, au-dessus d'une rangée de larges dentelures avec annelets inscrits, comme nous en avons remarqué sur certains torques et bracelets gaulois.

Onze sont historiques. Plusieurs, chose remarquable, portent en chiffres romains un numéro d'ordre devant servir à faciliter vraisemblablement leur classement régulier. On possède ainsi les fragments 21, 22, 30, 32, 46 ou 48 (XXXXVIII), 110 et 159. M. Boyer paraît disposé à considérer ces petits monuments, ainsi que ceux même qui ne sont point numérotés, comme autant de pages des annales de la Gaule. Nous partageons son avis, mais nous lui demandons la permission de contredire l'opinion qu'il émet au sujet de la date à assigner à plusieurs de ses briques, notamment aux dernières trouvées. Suivant lui, et parce que l'une d'elles, non chiffrée, porte cette première ligne NERONMASSE (?) MPVNI, les six inscriptions sorties des dernières fouilles retraceraient l'histoire d'un soulèvement opéré à Neuvy, durant les froids proptei 1 fricora pour frigora, dans l'inscription 22, -sous le règne de Néron, à l'instigation du chef Tenok, déjà nommé sur la brique 110 antérieurement connue. On devrait rattacher cette révolte à la grande insurrection gauloise de C. Julius Vindex. A la vérité, dans le mot tenok, si tant est que ce soit le nom d'un chef, l'on peut chercher quelque chose du radical tenn, qui signifie en breton: rude, rigoureux; ce qui se rapprocherait jusqu'à un certain point du latin vindex, vengeur, et prêterait un argument à la conjecture que nous combattons. Mais, à notre avis, Neronnas n'est qu'un nom de peuplade, de même que Nevfionnas de l'une des premières briques mises au jour, numérotée 32, désignerait les habitants du Noviodunum des Commentaires, que M. Boyer assimile fort heureusement au Noiviloti des graffiti, en un mot, les Neuvionnais 1. N'y a-t-il pas dans le Cher, toutefois assez loin de Neuvy, la ville de Nérondes? et nous connaissons dans les régions du centre plusieurs dénominations de localités similaires. L'explication que nous proposons aurait pour résultat de donner la filiation de la terminaison indéclinable en as qu'affectent, dès les premiers temps du moyen âge, un nombre considérable de noms de lieux dans les diverses contrées de la France; et, pour ne point sortir du Berry, nous serions ainsi plus facilement amenés à comprendre les Beoregas, Betoregas et Beturgas des tiers de sol mérovingiens frappés à Bourges, le Bituricas des premiers deniers carolin

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Signalons en passant cette lointaine trace de la tendance de l'idiome du Berry à supprimer le son rude des finales en r.

** Conférer la légende SENAS d'une monnaie gauloise.

giens de la même ville et des chartes du xe siècle (actum Bituricas), le castrum Gorthonas de la légende de saint Romble-dégénérescence du nom de l'oppidum des Boïens, Gorgobina, Gortona, dont il faut chercher l'emplacement primitif soit à Sancerre même, soit sur une montagne voisine,―le Brivas vicus, Brives, cité par M. de Raynal; enfin le de Aias qui suit le nom d'un seigneur des Aix dans une charte de 1031. Néron donc et les troubles qui précipitèrent la fin de son règne écartés, à quels faits se rapportent ces pages interrompues des chroniques neuvionnaises? M. Boyer nous répond lui-même, page 13 de son rapport aux guerres de la conquête romaine, que l'une des briques désigne suffisamment par les termes ROMINI CEZARIS BELLVN, et qui eurent lieu, dans le pays des Bituriges, pendant les hivers de 52 et de 51 avant l'ère chrétienne.

Destinées vraisemblablement à être appliquées aux parois de l'édifice dans l'intérieur duquel on les retrouve (une garderait encore une portion fort oxydée du fer qui servait à la maintenir, détail que nous a fourni M. l'abbé Caillaud, vicaire général du diocèse de Bourges et président de la Commission historique du Cher, le premier archéologue qui ait pu les examiner et les ait révélées), ces briques historiques, actes publics ou mémorandum privé d'une famille, tolérées par les vainqueurs ou soigneusement dérobées à leurs regards, sont nécessairement contemporaines ou peu s'en faut du grand César. Nous ne pouvons en copier ici, ni même en analyser les inscriptions, bizarre pêle-mêle de langue gallique et de latin plus ou moins défiguré, entrecoupé de lignes hiéroglyphiques: il y a là un immense champ d'étude. qui s'ouvre à l'esprit séduit et effrayé. Bornons-nous à renvoyer à l'opuscule de M. Boyer pour le texte; attendons des travaux de M. Boyer lui-même, attendons des hommes spéciaux et des savants autorisés, l'explication satisfaisante de cette contre-partie des Commentaires du conquérant, écrite par la main patriotique du vaincu réduit déjà à hégayer la langue romaine. Eux seuls pourront admettre définitivement ou repousser les interprétations que nous avons tentées à la hâte, eux seuls feront jaillir la lumière de ce prodigieux chaos épigraphique, où les vocables et les phrases du gallicisme expirant et de la latinité commençante se heurtent et s'enchevêtrent: ici apparaissent comme les premiers termes d'un dénombrement de peuples celtiques où nous croyons reconnaître, après le nom confus des Vivisques, le mot AVLOIP, dont le congénère AVLOIB figure sur certaines médailles de la Solima biturige (Soesme? Soulangy? Issoudun ?); là c'est le nom de César commençant une ligne, que continue un mot intraduisible pour nous, et que termine le nom de la Gaule, CAILLIA, à

comparer avec la dénomination des Gaels; plus loin c'est le Vergobret Véêladil, VEIILADIL VERCOBRETA, dans le nom duquel, comme le remarque judicieusement M. Boyer, le signe bien connu des épigraphistes II qu'ils traduisent par E, semble n'être pas autre que l'éta des Grecs; plus loin encore les Edues ou Eduens, ETAVE sont désignés peut-être 1..... Mais c'est assez et trop oser. A d'autres appartiendra l'honneur, que nous ne pouvons briguer, d'élucider ces mystères.

La faveur, l'intérêt général qui doivent s'attacher aux momuments de Neuvy-sur-Baranjon, nous feront pardonner d'avoir laissé libre carrière à notre patriotisme très-prononcé de fils du Berry, empiétant sans scrupule sur le terrain sacré de la bibliographie pour des dissertations d'archéologie et de linguistique. Un mot encore. M. Boyer demande résolument au Comité « d'agir pour faire commencer des « fouilles assez habilement et grandement dirigées pour produire tout « le fruit qu'on a droit d'en attendre. » Associons-nous à ses vœux et espérons leur prochain accomplissement. Si l'initiative ne partait point d'en haut, le rôle de la Commission historique du Cher est tout tracé; qu'elle dispose largement de ses ressources, qu'elle réclame le concours de la Société française d'archéologie qui ne lui fera certes point défaut, qu'elle invoque en temps utile la générosité bien connue du Conseil général du département, qu'elle stimule le zèle éclairé du conservateur du Musée de Bourges, qu'au besoin elle ouvre des souscriptions, et qu'elle agisse hardiment et activement. L'important est que les marchands n'entrent point dans le temple archéologique ; des trésors inconnus que renferme le sol de Neuvy, rien ne doit être négligé, rien ne doit être dispersé: il faut que les représentants de la science décrètent qu'il y a utilité publique à leur recherche et à leur complète conservation. Bientôt, nous en avons la confiance, des points divers et éloignés qui n'ont été qu'effleurés, des ruines encore inexplorées, sortiront en foule les renseignements les plus précieux et les plus inespérés; bientôt aussi M. Boyer reprendra la plume et nous donnera un procès-verbal détaillé et commenté des découvertes à venir, avec cette érudition sage, substantielle, cette conviction éclairée et ce sincère amour du vrai qui distinguent sa trop courte publication introductive. Ch. R. DE LAUGARDIÈRE.

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Nevers, 7 décembre 1861.

M. de Sauley voit dans l'épi, édh, de quelques statères et quarts de statère de fabrication éduenne, les armes parlantes du peuple qui les émettait. (Revue numismatique, 1861, p. 80.) La finale d'un tel primitif justifierait la double consonne du dérivé.]

LETTRES INÉDITES DE GABRIEL PEIGNOT.

Les bibliophiles recherchent avec empressement les écrits épars de Gabriel Peignot. Aussi croyons nous être agréable à nos lecteurs en insérant dans le Bulletin deux lettres du célèbre bibliographe dijonnois. L'une et l'autre sont adressées à l'une des gloires de la typographie française, à Crapelet.

La première remercie de l'envoi d'une vie de Jeanne Darc1. Cette biographie, insérée dans LE PLUTARQUE FRANÇAIS, publié par Crapelet, avait été écrite, ainsi que celle de Richelieu et de plusieurs autres personnages célèbres, par M. Charles Crapelet, alors âgé de vingt ans à peine et qui, depuis, succéda pendant quelque temps à son père, dont il suivit honorablement les traces.

La seconde lettre contient des renseignements sur les imprimeriesde Dijon.Crapelet s'occupait vraisemblablement à cette époque de rassembler des matériaux pour compléter ses ETUDES PRATIQUes et littéraires SUR LA TYPOGRAPHIE (Paris A. Cluzel 1838, in-8°,) dont le premier volume, seul publié, fait regretter que cet ouvrage n'ait pas été complété. A MONSIEUR CRAPELET,

Imprimeur, rue de Vaugirard, à Paris.

Mon très-cher ami,

Dijon, 6 avril 1840.

Volà trois semaines que j'épie une occasion pour vous remercier, ainsi que le bon ami Charles, de l'exemplaire de la belle JEANNE d'arc, dont vous avez bien voulu me gratifier; comme il ne s'en présente que de loin en loin (je parle des occasions et non de la Jeanne), et que la plupart m'échappent, je prends enfin le parti de vous adresser l'expression de ma reconnaissance et mes remerciements par la voie la plus directe et la plus sûre.

J'ai lu avec le plus grand plaisir cette nouvelle production de notre jeune biographe-né, et j'ai reconnu dans ce brillant tableau, où sont si bien rendues la vocation inspirée, la bravoure, la candeur et la simplicité de la jeune vierge de Domremy, j'ai reconnu, dis-je, l'habile pinceau qui avait déjà tracé d'une manière si énergique le front sourcilleux, l'œil perçant et le caractère implacable du grand ministre.

Mais dans le dernier ouvrage, le ton de couleur est différent et il devait l'être: ici, ce ne sont plus les grands ressorts d'une profonde po

Peignot écrit D'Arc avec une apostrophe. Il est vrai que M. Vallet de Viriville n'avait pas encore élucidé cette question d'ortographe historique.

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