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les Nubiens supérieurs: on est même en droit de conclure d'un passage de la seconde inscription d'Adulis (1), que la route de terre entre Axum et l'Égypte, le long de l'Astaboras et à travers le désert, ne fut établie qu'au commencement du 1v. siècle de J. C.

Au témoignage de Pline, des voyageurs grecs, Dalion, Aristocréon, Basilis, Simonide le jeune, pénétrèrent dans l'intérieur, et l'un d'eux s'avança même jusqu'au delà de Méroé (2). Mais Pline, le seul auteur ancien qui parle de ces voyageurs, ne laisse nullement entrevoir que leur expédition eût pour objet la conquête de la Nubie, comme on l'a cru; et Strabon, qui paroît faire allusion à ces voyages, n'y voit d'autre but que celui de satisfaire la curiosité de Ptolémée Philadelphe (3). C'étoient des entreprises individuelles, et qui ne tenoient peut-être à aucun système de conquête et de colonisation; car il n'existe réellement aucune preuve que les Ptolémées aient porté leurs armes dans la Nubie supérieure, et aient soumis cette contrée à leur empire (4). Du reste, malgré les diverses excursions dont parle Pline, la géographie de l'intérieur des contrées situées au midi de l'Egypte, resta environnée de beaucoup d'incertitude; il suffit, pour s'en convaincre, d'essayer de faire de la géographie positive, c'est-à-dire une carte passable, soit avec la carte de Ptolémée, soit avec les renseignemens vagues et incomplets, quoique nombreux, que Pline a tirés des relations de ces voyageurs, soit enfin avec ceux qu'avoient rapportés les explorateurs chargés par Néron de reconnoître et mesurer le cours du Nil: il n'y a presque rien dont un géographe puisse se servir parmi tous ces rapports, qui ne s'accordent ni entre eux, ni avec les notions assez exactes que nous possédons maintenant sur ces contrées. Mais quel qu'ait été le résultat géographique de ces voyages, toujours sera-t-il certain qu'ils n'auront pu contribuer à répandre une langue étrangère en Nubie; tout au plus leur attribuera-t-on d'avoir donné au roi de Méroé, Ergamène (5), ces notions de gouvernement qui lui auront fait sentir l'absurdité du despotisme

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(1) Πεζεύεσθαι τὴν ὁδὸν ἀπὸ τῶν τῆς ἐμῆς βασιλείας τόπων μέχρι Αιγύπλο (2) Plin. VI, 29, P. 344, 345 (3) Strab. XVII, p. 789.(4) Le TourKENNEY TAIDOT de Théocrite (XVII, 87) ne doit s'entendre que des colonies établies dans la Troglodytique. Dans le passage où Diodore de Sicile dit que Ptolémée Philadelphe est le premier qui fit une expédition guerrière en Ethiopie (1,37), Wesseling, sur l'autorité de Pline, pense qu'il ne s'agit encore que de l'expédition qui soumit à Ptolémée Philadelphe les points principaux de la Troglodytique, d'où il tiroit les éléphans pour ses armées. (5) Diodor. Sic. III, 6. La physionomie grecque du mot Ergamène est due sans doute à quelqu'une de ces altérations au moyen desquelles les Grecs avoient l'usage de ramener les noms étrangers à l'analogie de leur langue.

sacerdotal auquel il étoit forcé de se soumettre; et peut-être même n'a-t-il pas eu besoin des lumières des Grecs pour détruire un système qui donnoit aux prêtres le droit de commander au souverain de mourir aussitôt qu'il avoit cessé de leur plaire.

Toutes les probabilités historiques me semblent donc se réunir pour montrer que la langue grecque n'a dù s'introduire en Nubie qu'avec le christianisme qui y porta les livres saints et les liturgies écrits dans cette langue. A l'appui de ces probabilités, je puis citer une observation qui correspond à celle que j'ai faite un peu plus haut. J'ai dit qu'on n'a trouvé d'inscriptions grecques païennes en Nubie qu'entre Phile et Hiera-Sycaminos (1); j'ajouterai maintenant que, parmi les inscriptions (et il en existe un assez grand nombre) copiées par différens voyageurs entre Méharrakah et Wady-Halfah, et par M. Cailliaud, dans la haute Nubie, je n'en ai trouvé aucune qui n'appartienne évidemment à l'époque du christianisme. Celles que M. Cailliaud a découvertes sont, pour la plupart, des noms de prêtres et d'évêques : dans cinq de ces fragmens, qu'il a copiés à Meçaourah, dans l'ile de Méroé, il se trouve des noms propres malheureusement défigurés, mais suivis de lettres où je distingue les mots BACIAEYC AIQIONIAC: * ce sont donc des commencemens d'inscriptions, où les rois chrétiens. de la Nubie avoient sans doute, comme Silco, consigné le récit de quelque expédition, ou bien déposé leur hommage religieux dans ces temples antiques, alors convertis en églises chrétiennes. S'ils faisoient usage du grec, c'est que cette langue, étant celle que parloient les prêtres qui vinrent convertir les Nubiens au christianisme, et celle des livres saints et des prières, étoit devenue, comme le latin en occident, la langue de la religion. Non-seulement les prêtres nubiens, mais les rois eux-mêmes, s'en servoient pour tous les actes religieux ou publics. Dans une inscription chrétienne très-fruste, trouvée au temple d'Essaboua, je distingue la date de l'an 470, qui, comptée de l'ère des martyrs, répond à l'an 753 de notre ère (2); mais l'usage du grec, comme langue de la religion, subsista bien plus tard, puisque un auteur arabe, Abou Sélah, nous apprend que, de son temps, la liturgie des Nubiens et toutes leurs prières étoient encore en grec (3). Ce dernier fait se coordonne très-bien avec les inscriptions. de Méçaourah, et avec celle de Silco, rédigée sans doute par un des prêtres qui l'accompagnèrent dans son expédition.

(1) Plus haut, p. 266. —(2) Gau, Antiq. de la Nubie, pl. 44, D. — (3) AbouSélah, cité par M. Et. Quatremère, Mém. géograph. 11, p. 37.

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D'après les observations contenues dans cette section de mon travail, on devine maintenant sans peine pourquoi l'inscription de Silco, à côté des fautes grossières qui décèlent un étranger, présente les formes du grec byzantin au vi. siècle.

En effet, jusqu'à l'époque de la conquête de l'Égypte par les Arabes, les communications furent assez fréquentes entre Constantinople et Alexandrie, pour que les modifications successives qu'éprouva la langue grecque, dans la première de ces villes, influassent promptement sur l'idiome alexandrin. D'un autre côté, dès que le christianisme se fut introduit en Nubie, les relations de l'église d'Alexandrie avec les chrétiens de cette contrée furent très-multipliées, et nous savons que les patriarches d'Alexandrie étoient en communication directe avec les rois de Nubie et d'Abyssinie (1). On conçoit donc que le grec du clergé nubien fût cet idiome mélangé d'expressions latines, de tournures empruntées à la Bible, de termes et de formes antiques qui s'étoient conservées dans la langue populaire, idiome qu'on a nommé ecclésiastique, et d'où s'est formé le grec moderne; et l'on a dû remarquer qu'en effet l'inscription de Silco nous offre le plus ancien exemple connu de quelques-unes des formes du langage que parlent les habitans actuels

de la Grèce.

C'est également par les relations de Constantinople et d'Alexandrie avec les habitans de la vallée supérieure du Nil, qu'on peut, je crois, expliquer d'autres faits analogues tels sont, 1.° l'usage du comput par indictions, que je retrouve employé, concurremment avec le calendrier égyptien, dans une inscription chrétienne copiée, près d'Ibsamboul, par le comte Vidua; 2.° le caractère de l'architecture des débris d'églises chrétiennes en Nubie, qui annoncent le style byzantin des VI. et VII. siècles (2); et cette curieuse table horaire copiée par M. Gau (3), dans le temple de Téfah (ancienne Taphis). J'ai prouvé, en restituant cette table, que les proportions qui y sont marquées entre la longueur de l'ombre et celle du gnomon, sont les mêmes qu'on trouve dans d'autres tables horaires, dressées pour Constantinople et la Grèce, vers les v. et VI. siècles; d'où j'ai tiré la conclusion qu'elles se rapportent toutes à une sorte de cadran universel employé à cette époque dans les diverses contrées de l'Orient qui avoient adopté le christianisme (4). Ce modèle de cadran passa de Cons

(1) Plus haut, p. 232. — (2) Gau, Antiquités de la Nubie, pl. 53, C. — (3) Le même, pl. 11. (4) Voyez mon Mémoire sur la table horaire de Téfah, dans les Nouvelles Annales des voyages, XVII, p. 357 suiv.

tantinople jusque dans les églises de la Nubie, et les mêmes tables servirent à régler les heures des offices et des prières dans des contrées si distantes les unes des autres, mais unies par les liens de la communion chrétienne.

En résumé, l'emploi du grec me paroît devoir s'expliquer, dans les inscriptions d'Adulis et d'Axum, par les relations commerciales des Grecs et par l'introduction de leur culte religieux en Abyssinie; dans les inscriptions de la Nubie, qui existent au sud de Méharrakah, par l'introduction du christianisme.

Voilà du moins les résultats auxquels me semble conduire l'examen attentif et appofondi de tous les faits qui se rattachent à ce sujet. La discussion de ces faits a pris une face toute nouvelle par suite de la seule observation que le roi nubien Silco étoit un chrétien; ce qui donne à l'inscription de Talmis beaucoup plus d'importance qu'elle n'en paroissoit avoir. Ce n'est plus seulement le récit des insignifiantes victoires d'un roi obscur; c'est désormais un document précieux qui peut servir à expliquer et à fier un grand nombre de faits qu'on ne comprenoit pas bien, ou qu'on n'avoit pas réussi à coordonner entre eux.

J'ai dû développer toutes les conséquences de cette observation et suivre toutes les lueurs diverses qu'elle m'a paru répandre sur plusieurs points historiques et géographiques: peut-être en est-il quelques-unes de trompeuses; peut-être plusieurs des conjectures auxquelles je me suis laissé conduire seront détruites par des faits qu'on découvrira plus tard. C'est un malheur dont je me consolerois facilement, si mon travail pouvoit contribuer à les faire découvrir, en éveillant l'attention des voyageurs qui parcourront désormais la Nubie, et en excitant leur intérêt pour les inscriptions grecques chrétiennes, très-nombreuses dans cette contrée, mais qu'on a peut-être jusqu'ici trop négligé de recueillir. LETRONNE.

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TRAVELS IN VARIOUS COUNTRIES OF THE EAST, more particularly Persia, &c. Voyages en diverses contrées du Levant, et plus particulièrement de la Perse; ouvrage dans lequel l'auteur a décrit, autant que ses propres observations lui en ont fourni le moyen, l'état de ces contrées dans les années 1810, 1811 et 1812, et a tâché d'éclaircir divers objets de recherches archéologiques, d'histoire, de philosophie, et de littérature

mélangée, avec des extraits de plusieurs manuscrits orientaux rares et de grand prix; par sir William Ouseley, &c. &c.: tom. III. Londres, 1823, 600 pages in-4.°

Le troisième volume de la relation du voyage en Perse de sir William Ouseley est divisé en huit chapitres, et contient le journal de tout ce qui s'est passé depuis l'arrivée de l'ambassade britannique à Ispahan, jusqu'au retour de l'auteur en Angleterre. Le récit est, comme dans les volumes précédens, mêlé de beaucoup d'extraits d'écrivains orientaux, relatifs principalement à la géographie, et c'est ce qui forme le caractère particulier de la relation de M. Ouseley. Nous allons indiquer très-succinctement le contenu de chacun des chapitres que renferme ce volume, depuis le x111. jusqu'au xv. et dernier.

Le chapitre XIII contient les renseignemens historiques et topographiques que l'auteur a trouvés dans les écrivains orientaux, sur la ville d'Ispahan, et sur le Zendeh-roud, dont les eaux l'arrosent. Le détail de tout ce qu'a fait le voyageur, et de ce qui lui est arrivé pendant son séjour dans cette ancienne capitale de la Perse, occupe le XIV. chapitre. Dans le xv. on trouve le récit du voyage de l'ambassade, d'Ispahan à Téhéran, en passant par les villes de Caschan et de Koum.

Après un séjour d'environ trois mois à Ispahan, l'ambassade quitta cette ville, le 21 octobre 1811; elle arriva à Téhéran le 9 novembre suivant, M. Ouseley demeura avec l'ambassadeur, sir Gore Ouseley, son frère, à Téhéran, jusque vers les deux tiers du mois de février 1812; et il raconte dans le XVI. chapitre ce qui s'est passé pendant cet intervalle de temps, et l'excursion qu'il fit aux ruines de Rey, l'ancienne Ragès, qui a été long-temps une ville de premier rang sous l'empire des khalifes et de diverses dynasties musulmanes. Le XVII. chapitre contient la relation d'une autre excursion aux rivages de la mer Caspienne, à travers la province de Mazendéran, et c'est sans contredit la partie la plus intéressante de ce volume. Sir William quitta Téhéran le 19 février, dans une saison où un semblable voyage présentoit encore de grandes difficultés, et ne fut de retour dans la capitale que le 17 mars. Dans le XVIII. chapitre, l'auteur rend compte de son second séjour à Téhéran, et de son voyage avec l'ambassade, de Téhéran à Tebriz ou Tauris, où il arriva le 17 juin, étant parti de Téhéran le 25 mai. A Tauris, sir William quitta l'ambassade pour se rendre à Constantinople: ce voyage, qui dura depuis le 1." juillet jusqu'au 2 septembre, est le sujet du XIX. chapitre. Le xx. et dernier contient le récit du voyage de l'auteur à travers l'Asie mineure

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