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c'est pourquoi elles tombent et tendent vers le bas : les êtres vivans en tiennent la stupidité. Ces trois qualités proviennent l'une de l'autre. Tout étoit d'abord obscurité ; l'ordre de changer étant venu, l'obscurité devint passion; et à un nouvel ordre, la passion prit la forme de la bonté. Tel est le langage énigmatique des Védas. Les mêmes qualités concourent à un but par l'action mutuelle des opposés, comme dans une lampe où l'on voit agir ensemble trois substances ennemies, l'huile, le coton et la flamme. De leur action sur l'intellect, résultent huit modes, effets ou propriétés, quatre provenant de la bonté, la vertu, la science, l'impassibilité et le pouvoir, et quatre provenant de l'obscurité, et qui offrent le revers de ces quatre facultés, le péché, l'erreur, l'incontinence et la foiblesse. Au reste, il paroît bien positif que les trois qualités génératrices doivent être considérées comme des substances, et non comme des attributs, selon les philosophes indiens, lesquels, en cette circonstance comme en plusieurs autres qu'on a pu remarquer dans le cours de cette exposition, auront sans doute cédé à cette disposition à convertir en êtres les abstractions, disposition qui est l'écueil où viennent échouer les métaphysiciens les plus subtils, et qui tient à la foiblesse même de notre esprit, non moins qu'à l'imperfection de nos idiomes.

L'examen des nuances qu'on distingue dans la vertu, la science, &c., nous entraîneroit trop loin; mais nous ne saurions nous dispenser de remarquer, au sujet du pouvoir ou de la puissance, qu'on étend cette faculté à toute sorte d'actions contraires aux lois de la nature, comme de se réduire à une forme si petite qu'on puisse traverser tous les autres corps, de prendre une taille gigantesque, de s'élever au disque du soleil sur un rayon lumineux, de toucher la lune du bout du doigt, de plonger dans l'intérieur de la terre comme dans l'eau, &c. L'idée que ce pouvoir peut s'obtenir durant la vie de l'homme n'est pas particulière à la secte du sankhya; elle prévaut généralement parmi les Hindous de toutes les classes et de toutes les écoles. Mais le pouvoir, à quelque degré qu'il soit parvenu, l'impassibilité, la vertu même, quelque méritoire qu'elle puisse être, ne suffisent pas pour obtenir la béatitude: ils servent seulement à préparer l'ame pour cette contemplation qui accomplit l'œuvre de la délivrance. Le plus court moyen est la dévotion à Dieu; elle consiste à répéter son nom mystique, la syllabe OM, en méditant sur sa signification. C'est là ce qui constitue une contemplation efficace, ce qui rend la divinité propice, ce qui lève tous les obstacles, et amène l'ame à un état où sa délivrance est possible.

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Dieu, le seigneur suprême, est, suivant Patandjali, une ame ou un esprit distinct des autres ames, que n'affecte aucun des maux qui assiégent celles-ci, qui n'a rien de commun avec les actions bonnes ou mauvaises et leurs conséquences; en lui réside une omniscience parfaite; il est le maître qui instruit les ètres qui ont un commencement, les divinités de la mythologie; lui-même est infini pas de limites dans le temps D'un autre côté, Kapila nie qu'il y ait un Iswara qui gouverne le monde par sa volonté. Il avance qu'il n'y a pas de preuve de l'existence de Dieu, perçue par les sens, déduite par le raisonnement ou même révélée. Il reconnoît bien une intelligence absolue, mais issue de la nature: elle est pour lui la source de toutes les intelligences individuelles; la vérité de l'existence d'un Iswara de cette espèce est démontrée selon lui. Le créateur des mondes, en prenant le mot de création dans le sens de l'existence des effets, dépend de la conscience, et non d'Iswara. Cet être est limité; il a un commencement et une fin; il date du grand développement de l'univers, et doit être anéanti à la consommation des choses. Kapila repousse formellement l'idée d'un être infini, créateur et directeur de l'univers par sa volonté. Détaché de la nature, et conséquemment à l'abri des affections de la conscience et des autres principes qui en dépendént, un tel être n'auroit eu aucun motif pour opérer la création; retenu dans les liens de la nature, il n'auroit pu l'exécuter. Voilà le dilemme des athées indiens sectateurs de Kapila; ceux de leurs passages où il est fait mention d'un Dieu, se rapportent à une ame délivrée, à une divinité mythologique, ou à cet être supérieur, mais non suprême, que la fable place au centre de l'oeuf du monde. Cela étant, on ne sait plus à quel être doit s'adresser la dévotion sanctifiante dont il étoit question tout-àl'heure, et que recommandent ces mêmes sectaires. C'est là une difficulté grave que M. Colebrooke a négligé d'éclaircir.

Voilà le point le plus important au sujet duquel il y a dissentiment entre les partisans du sankhya. Il nous paroîtroit superflu de nous arrêter à discuter les autres articles où les subdivisions de cette école offrent des différences plus ou moins importantes. Les deux principales, celles qui reconnoissent Patandjali et Kapila pour chefs, s'éloignent l'une de l'autre, sur-tout en ce que la première donne plus de part aux pratiques de dévotion et aux abstractions mystiques, tandis que la seconde s'occupe davantage des principes et du raisonnement qui s'y applique.

Un sujet important dans cette doctrine est la contemplation de la

nature, abstraction dans laquelle trouve place l'union de l'ame et de la nature, comparée à celle du boiteux et de l'aveugle, qui se réunissent, l'un pour se faire porter et l'autre pour servir de guide. C'est dans cette union que consiste la création, ou le développement de l'intellect et des autres principes. L'ame est un témoin, un assistant, un spectateur; elle est solitaire et passive. La nature, quoique inanimée, remplit la fonction de délivrer l'ame, de même que le lait, substance privée d'intelligence, a la destination de nourrir le veau. La nature est encore comme une danseuse qui a l'ame pour spectateur, et qui se livre sans modestie à ses regards effrontés. Elle s'arrête néanmoins, lorsqu'elle s'est assez long-temps montrée, parce qu'elle a été vue, et que le spectateur l'a vue. De ce moment le monde n'a plus d'utilité; par l'acquisition de la connoissance spirituelle au moyen de l'étude des principes, on apprend la vérité définitive, incontestable, unique. Le Karika la déclare en disant : « ni JE SUIS, » ni rien qui soit MIEN, ni MOI, n'existent (1). » Tout ce qui passe dans la conscience et dans l'intellect est réflété par l'ame, comme l'image qui ne souille pas le cristal, mais qui ne lui appartient pas. En possession de cette connoissance d'elle-même, l'ame contemple à loisir la nature, étant débarrassée de ses liens et désormais exempte de changement. Elle reste encore un temps unie au corps, comme la roue du potier continue de tourner après que le vase a été façonné, entraînée par l'impulsion qui lui a été donnée précédemment. Lorsque arrive la séparation de l'ame instruite et de son enveloppe corporelle, la nature cesse à son égard, et sa délivrance complète et définitive est accomplie.

Notre intention avoit été de faire entrer dans cet extrait l'examen du second mémoire de M. Colebrooke, relatif à la philosophie niaya et vaiseshika, et nous aurions voulu renfermer l'une et l'autre analyse dans des bornes plus étroites. La difficulté de la matière nous a empêché d'être plus concis, et nous aurions craint d'ajouter encore à son obscurité, en supprimant les exemples et les développemens qui peuvent contribuer à l'éclaircir. Dans des sujets de ce genre, le desir d'être court doit être balancé par le devoir de rester intelligible. Nous avons, dans l'intérêt de la briéveté, supprimé beaucoup de remarques et de rapprochemens que le sujet appelleroit, et qui se présentent en foule à un esprit nourri des spéculations de la philosophie allemande et des abstractions du bouddhisme hindo-chinois.

(1) Neither I AM, nor is aught MINE, nor I, exist.

On doit regretter que M. Colebrooke, qui n'étoit pas retenu par les mêmes motifs, n'ait presque jamais indiqué ces points de contact, et qu'il se soit presque entièrement borné à une analyse purement historique. Du reste, nos lecteurs nous pardonneront sans doute de les avoir arrêtés si long-temps sur cet objet, s'ils considèrent qu'il s'agit d'un des travaux les plus importans qui aient paru depuis longtemps sur la philosophie indienne. On ne doit pas craindre de mettre les mémoires de M. Colebrooke, avec le Baghavat gita, au premier rang parmi les emprunts qu'on a faits jusqu'ici aux livres samskrits. On ne sauroit donc consacrer trop de soin à faire connoître des recherches qui doivent jeter le plus grand jour sur l'histoire des opinions de tous les peuples de l'ancien monde. Les antiquités de la métaphysique sont dans l'Hindoustan; et s'il est permis de douter que la philosophie ait pris naissance dans cette contrée, on doit convenir du moins qu'on y a conservé, mieux qu'ailleurs, l'empreinte de ses premiers pas.

J. P. ABEL-RÉMUSAT.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT ROYAL DE FRANCE ET SOCIÉTÉS LITTÉRAIRES.

LE 3 novembre, l'Académie française a élu M. le duc Mathieu de Montmorency à la place vacante par le décès de M. le comte Bigot de Préameneu. Le 21, l'Académie des sciences a élu M. Blainville pour succéder à feu M. de La Cépède, dans la section de zoologie et d'anatomie.

La même Académie a perdu l'un des membres de sa section de géographie et de navigation, M. J. Nic. Buache, âgé de 85 ans, et premier géographe du Roi.

L'Académie des beaux-arts a donné pour successeur à M. Delespine, dans la section d'architecture, M. Hippolyte Le Bas.

Une place est vacante dans la section de sculpture, depuis le 13 novembre, jour du décès de M. Ch. Dupaty, statuaire célèbre.

L'Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, a tenu sa séance publique le 25 août 1825, dans le lieu ordinaire de ses assemblées. M. de Malaret, président, en a fait l'ouverture par un discours sur cette question: Les sciences physiques ne peuvent-elles prospérer sans porter atteinte au développement des sciences morales! M. Tajan a lu un rapport sur le concours ouvert par l'Académie sur cette question: Peut-on se flatter, sans l'étude des langues anciennes, d'être mis au rang des bons écrivains!

Et dans le cas où l'on soutiendroit la négative, l'étude de la langue latine peut-elle suppléer à l'étude de toute autre! Le prix a été accordé à M. Delpon, de Livernon, membre du conseil général du département du Lot. M. Charpentier, de Saint-Prest, professeur d'humanités au collége royal de Louis le Grand, à Paris, a obtenu une mention très-honorable. Le rapport indique ` un troisième discours qui a fixé aussi l'attention de l'Académie, mais qui a été écarté il étoit inscrit sous le n.o 3; l'auteur y répondoit affirmativement à la première question. Le mémoire couronné et le mémoire mentionné tendent au contraire à prouver la nécessité de l'étude des langues anciennes. M. du Mége a lu un éloge historique de M. Magi-Durival, ancien membre de l'Académie.

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La même Académie avoit proposé pour sujet de prix extraordinaire à donner en 1825, les questions suivantes: 1.° Déterminer l'état politique, civil et religieux de la Gaule avant l'entrée des Romains dans cette partie de l'Europe; 2° fixer, d'après les auteurs et les monumens les connoissances les que Gaulois avoient acquises dans les sciences et dans les arts. Mais les mémoires qui lui sont parvenus n'étant pas arrivés avant le 1. mai, terme de rigueur, l'Académie en a renvoyé l'examen à sa rentrée pour 1826, en déclarant, toutefois, que le concours est fermé. Elle demande, pour le prix à décerner en 1826: Une théorie physico-mathématique des pompes aspirantes et foulantes, faisant connoitre le rapport entre la force motrice employée et la quantité d'eau réellement élevée (la hauteur de l'élévation étant connue), ayant égard à tous les obstacles que la force peut avoir à vaincre, tels que le poids et l'inertie de la colonne d'eau élevée, son frottement contre les parois des tuyaux, son étranglement en passant par les ouvertures des soupapes, le poids et le frottement des pistons, le poids des clapets ou soupapes, l'inégalité entre la surface supérieure et la surface inférieure de ces clapets, au moment où la pression va les ouvrir, &c. Cette théorie doit être basée sur des expériences positives, et les formules qui en seront déduites doivent être faciles à employer dans la pratique. Ce prix est double, et consistera en une médaille d'or de 1000 fr. L'Académie propose, pour sujet du prix de 1827, la question suivante : Déterminer la manière dont les réactifs antifermentescibles et antiputrides connus, tels que le camphre, l'ail, les péroxide et perchlorure de mercure (oxide rouge et sublimé corrosif), le gaz acide sulfureux, c., mettent obstacle à la décomposition spontanée des substances végétales et animales, préviennent ainsi le formation de l'alcohol dans les premières et le développement de l'ammoniaque dans les secondes. Enfin, l'Académie propose, pour l'année 1828, la question suivante: A laquelle des deux littératures, grecque ou latine, la littérature française est-elle le plus redevable! Le prix sera une médaille d'or de la valeur de sco fr. Les savans de tous les pays sont invités à travailler sur les sujets proposés. Les membres de l'Académie, à l'exception des associés étrangers, sont exclus du concours. Les auteurs sont pries d'écrire en français ou en latin, et de faire remettre une copie bien lisible de leurs ouvrages. Ils écriront au bas une sentence ou devise, et joindront un billet séparé et cacheté portant la même sentence, et renfermant leur nom, leurs qualités et leur demeure. Ils adresseront les lettres et paquets, francs de port, à M. d'Aubuisson de Voisins, secrétaire perpétuel de l'Académie. Les mémoires ne seront reçus que jusqu'au 1er mai de chacune des années pour

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