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les entendre, ces souffles sonores plaisaient à l'oreille, bien que pourtant à la lecture ils n'eussent rien présenté de solide dans les idées :

Copia cui fandi longe pulcherrima, quam si
Auditu tenus acciperes, deflata placeret ;
Discussam, scires solidi nihil edere sensus.

(AUSON., Profess.) (1)

Chez d'autres, l'érudition littéraire ajoutait son charme à celui d'une élocution facile. Non moins doctes qu'éloquents, ils ornaient et variaient de mille manières leurs formes de langage :

Pieriis pollent studiis, multoque redundant
Eloquio.

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(CLÁUD., In Prob. et Olyb. Coss.)

(1) Les improvisateurs avaient ce désavantage que leur talent mourait avec eux, et qu'il n'en restait rien pour la postérité. Tacite en fait ainsi la remarque, à propos d'un célèbre orate ur, Q. Harterius, qui vivait sous Tibère, et qui, parlant toujours d'abondance et sans préparation, n'avait laissé aucune trace matérielle de ses éloquentes improvisations : « Impetu magis « quam cura vigebat; utque aliorum meditatio et labor in posterum valescit, sic Harterii canorum illud et profluens cum ipso simul extinctum

་་

« est. » (Annal., IV, 61.)

Il ne manquait pourtant pas à Rome de sténographes. Manile en constate l'existence au siècle d'Auguste :

Hic et scriptor erit velox, cui littera verbum,

Quique notis linguam superet cursumque loquentis,

Excipiat longas nova per compendia voces.

(Astronom., IV)

Martial, Prudence et Ausone les ont également célébrés dans leurs vers:

Currant verba licet, manus est velocior illis ;
Nondum lingua suum, dextra peregit opus.

(MART., IV, 28.)

Verba notis brevibus comprendere cuncta peritus,
Raptimque punctis dicta præpetibus sequi.

(PRUDENT.)

Puer, notarum præpetum

Solers minister, advola.

(AUSON.)

Mais les sténographes n'avaient sans doute pas entrée au sénat; et, vrai semblablement aussi, les orateurs du barreau n'étaient pas dans l'habitude de faire sténographier leurs plaidoyers improvisés.

Tu, per mille modos, per mille oracula fandi,

Doctus, facundus, tam celer, atque memor.

(AUSON., Parental.)

Quelquefois toutes ces qualités diverses se réunissaient en un seul, et faisaient de lui un orateur accompli.

Pison, s'il faut en croire son panégyriste Bassus, les possédait à peu près toutes au plus haut degré. J'ai déjà cité plusieurs fragments du Carmen dans lequel le poëte vante les mérites oratoires de cet avocat. C'est de lui qu'il disait que le juge était en ses mains une sorte de marionnette, dont il dirigeait tous les mouvements à sa fantaisie, qu'il faisait ou pleurer, ou rire, ou s'indigner quand il lui plaisait. « Quel est le juge, ajoutait-il encore, qui contemple vos trails sans émotion, qui ne plie sa propre pensée à l'autorité de la vôtre? Soit qu'il vous plaise, dans un mouvement d'éloquence rapide, de lancer à la fois l'orage, la grêle et la foudre, soit qu'il vous convienne de serrer vos raisonnements en faisceau, de soumettre votre parole animée aux règles d'une logique sévère, vous avez plus d'abondance qu'Ulysse, plus de concision que Ménélas; et si vous préférez un langage facile, coulant et pur, où brillent toutes les fleurs épanouies, l'éloquence si célèbre de Nestor a moins d'agrément et de douceur que la vôtre : »

Quis non attonitus judex tua respicit ora?

Quis regit ipse suam, nisi per tua pondera, mentem?
Nam tu, sive libet pariter cum grandine nimbos,

Densaque vibrata jaculari fulmina lingua,
Seu juvat adstrictas in nodum cogere voces,
Et dare subtili vivacia verba catenæ,
Vim Laertiada, brevitatem vincis Atridæ .
Dulcia seu mavis liquidoque fluentia cursu
Verba, nec incluso, sed aperto, fingere flore,
Inclyta Nestorei cedit tibi gratia mellis (1).

(1) Valère-Maxime cité L. Crassus comme l'un des plus grands avocats que Rome eût entendus. Il fut, dit-il, le prince du Forum, de même qu'Æmilius Scaurus avait été le prince des orateurs du sénat : « L. Crassus apud judices, quantus apud Patres conscriptos Æmilius Scaurus (namque

"

Je ne pousserai pas plus avant cette courte digression. Peut-être trouvera-t-on qu'elle s'écarte trop du sujet que je traite en ce moment; mais je voulais faire voir, et je crois avoir atteint mon but, que les poëtes avaient attentivement observé et très-nettement distingué les divers genres de talents oratoires qui se produisaient au Foruin.

J'en reviens maintenant à la thèse que je posais au début de ce paragraphe, et je répète que chez les anciens la profession d'avocat avait pour ceux qui l'exerçaient avec un véritable talent des avantages qui en compensaient largement les inconvénients.

N'eût-elle rapporté que l'honneur, c'était déjà beaucoup, dans un temps surtout où les muses se chargeaient de l'immortaliser par leurs poëmes, ce qui ne se voit plus guère aujourd'hui.

Mais cet honneur n'était pas sans profit, car il menait souvent aux plus hautes dignités de l'État. Nous verrons d'ailleurs que pour quelques-uns l'argent venait à la suite, comme le disait Cicéron lui-même.

A tout cet encens que brûlait la poésie pour la plus grande gloire de certains avocats, il se mêlait très-probablement plus d'un grain de flatterie intéressée. Les panégyriques des poëtes latins sont en général fort suspects à cet endroit, et je suis bien loin d'ajouter une foi entière à la véracité de louanges telles, par exemple, que celles que prodiguait Bassus à Pison.

Mais ce qu'il est permis d'affirmer, je pense, c'est qu'il

<< eorum suffragia robustissimis et felicissimis eloquentiæ stipendiis re gebat); eratque sic fori, ut ille curiæ, princeps.

"

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Apulée faisait un éloge plus flatteur encore de l'éloquence d'Avitus, un de ses contemporains . « Quamcumque orationem struxerit Avitus, ita <«< illa erit undique sui perfecte absoluta, ut, in illa, neque Cato gravitatem «< requirat, neque Lælius lenitatem, neque Gracchus impetum, nec Cæsar «< calorem, nec Hortensius distributionem, nec opulentiam Cicero. Prorsus, inquam, ne omnia persequar, si Avitum audias, neque additum quidquam «< velis, neque detractum, neque autem aliquid commutatum. >> (Apologia.) Reste à savoir si l'orateur en question possédait réellement toutes ces perfections-là.

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n'y avait guère que les avocats en possession d'une grande réputation, plus ou moins justement méritée, qui pussent être vantés de la sorte.

Du reste, dans l'antiquité comme de nos jours, le nombre de ceux qui à tous égards étaient dignes de ces couronnes triomphales que leur tressait la poésie devait être fort restreint. Il n'était donné qu'à bien peu de pouvoir y prétendre à juste titre :

Pauci quos æquus amavit

Jupiter, aut ardens evexit ad æthera virtus,
Diis geniti, potuere.

(VIRG.. Æneid., VI.)

Rien en effet de plus rare que la haute et véritable éloquence. Un avocat romain disait, au rapport de Quintilien, qu'il avait vu beaucoup d'hommes diserts, mais aucun qui fût éloquent : <«< Disertos a se visos esse multos, elo<< quentem vero neminem. » Il eût peut-être été plus exact de dire : « Eloquentem fere neminem. » Mais ce que l'on ne saurait contester, c'est qu'en aucun temps on ne rencontre que très-exceptionnellement l'éloquence vraiment digne de ce nom. Autre chose est l'éloquence, disait aussi Pline le jeune; autre chose la facilité d'élocution. L'éloquence, à peine un ou deux orateurs l'ont-ils possédée; aucun même s'il faut en croire Antoine. Quant à la facilité d'élocution, appelée loquentia par Candidus, beaucoup en sont doués, souvent même d'effrontés vauriens « Aliud eloquentia, << aliud loquentia; eloquentia, vix uni aut alteri; immo, si << M. Antonio credimus, nemini. Hæc vero quam Candidus << loquentiam appellat, multis, atque etiam impudentissimo <«< cuique maxime contingit. » (Epist., V, 20.)

:

Quant aux avocats simplement diserts, la poésie latine les estimait beaucoup moins que ceux auxquels elle décernait, à tort ou à raison, la palme de l'éloquence.

Le paragraphe suivant contiendra celles de ses réflexions qui s'appliquent à cette classe d'orateurs ou de parleurs, comme à ceux que l'on désignait sous la qualification de minores causidici.

SV.

V. Avocats médiocres, mais suffisants.

Minores causidici.

Avocats prolixes.

-Avocats sans vocation. Avocats aboyeurs.

On sait que l'on comptait au barreau romain des orateurs du deuxième et du troisième ordre, oratores secundarum et tertiarum partium. C'étaient les avocats médiocres, mais suffisants.

Bien que réduits à un rôle très-modeste et à de simples succès d'estime, ils ne passaient pourtant pas pour être sans valeur.

Horace leur donnait ses encouragements. « Tel qui ne saurait s'élever au premier rang, disait-il, peut briller au second, et même se faire remarquer au troisième :»>

Est quodam prodire tenus, si non datur ultra.

(Epist., I, 1.)

<< Dans certains arts, ajoutait-il, et particulièrement dans celui de la parole, il est un milieu parfaitement supportable. Un jurisconsulte et un avocat médiocre peuvent avoir leur prix, bien qu'ils ne possèdent ni la science ni le talent des Messala et des Casselius Aulus, tous deux grands juristes et grands orateurs de l'époque : »

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Ainsi, suivant ce poëte, si bon juge, on pouvait être quoique médiocre un avocat très-passable, et sans être véritablement éloquent ne pas manquer, comme disait Ovide, d'une certaine facilité, d'une certaine grâce d'élocution:

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