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de la magistrature. « Quelle histoire, disait-il, fait mention de procès jugés par des femmes? Dans quel siècle a-t-on vu un tribunal présidé par un eunuque?... Si les eunuques rendent la justice et veillent à l'exécution des lois, le sexe masculin n'a plus qu'à filer la quenouille : >>

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Il va sans dire, d'après cette observation de Claudien, que les femmes n'étaient admissibles, à aucun titre, aux fonctions de la judicature, bien que quelques-unes eussent essayé, comme nous le verrons plus loin, de prendre part aux luttes du Forum et de se mêler d'affaires de justice. Il en était de même des impubères et des hommes que des infirmités du corps ou de l'esprit rendaient incapables de faire l'office de juge. On en excluait aussi ceux dont la condition sociale paraissait incompatible avec tout emploi honorifique, les condamnés pour actes infamants, et même les sénateurs qui avaient encouru la déchéance de leur dignité.

Ces premiers aperçus nous font voir que les Romains entendaient que l'autorité judiciaire fût grande et forte; qu'ils la voulaient honorée et constituée de manière à commander le respect des populations et la vénération de ses justiciables.

Mais la justice chez les anciens n'avait pas beaucoup de représentants aussi haut placés dans l'estime des populations, et la poésie, en les élevant dans une sphère presque surhumaine, les montrait plutôt tels qu'ils devaient être, selon elle, que tels qu'ils étaient en réalité. Généralement les juges de ces temps-là n'étaient rien moins que l'image de Dieu sur la terre; les poëtes eux-mêmes se chargeront tout à l'heure de nous le prouver. Rapprochons-nous donc avec eux de la nature toute terrestre de l'homme chargé de juger

ses semblables, et voyons d'abord à quels caractères ils reconnaissaient en lui le juge vraiment digne de ce nom, celui dont Stace traçait dans son Achilléide ce portrait imaginaire :

monitusque sacræ sub pectore fixit Justitiæ, qua Peliacis dare jura verenda

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L'une des qualités distinctives du bon juge, celle que l'on peut dire professionnelle, consiste à savoir distinguer le vrai du faux, le juste de l'injuste, ce qui est droit de ce qui ne l'est point; à savoir démêler et découvrir la vérité, même au milieu de la plus inextricable confusion, en mettant le doigt sur le nœud et sur le point de solution des difficultés litigieuses, sans se laisser égarer par les artifices de la parole et par les arguties plus ou moins spécieuses des plaideurs.

Cette rectitude et cette sûreté de jugement, ce coup d'œil vif et prompt, cette clairvoyance et cette pénétration d'esprit étaient fort appréciés dans le juge par les poëtes. Les fragments qui suivent sont autant d'éloges de cette puissante faculté de discernement:

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Tous ces traits nous dépeignent le juge intelligent et sagace qui avait eu le bonheur de naître, selon l'astrologie de Manile, sous le signe céleste de la Balance,

Felix æquato genitus sub pondere Libræ

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le juge qui tranchait, à lui tout seul, un grand nombre de grands et difficiles procès,

Quo multæ magnæque secantur judice lites;

(Epist., I, 16.)

le juge, enfin, dont la perte ou l'absence était à jamais regrettable pour les lois :

Et tanto viduatæ judice leges.

(CLAUD., de Theod. Consulatu.)

II. Incorruptibilité. — Rareté de cette vertu chez les juges romains.

Mais ce n'était pas assez, au jugement des poètes, d'être doué de cette grande aptitude judiciaire.

Celui qui remplissait les fonctions de juge devait, pour obtenir leur estime et leurs hommages, justifier de qualités plus essentielles.

Sa vertu principale, celle qu'ils louaient en lui avant toutes autres, était l'honnêteté, l'incorruptibilité.

C'est de cette vertu que faisait preuve le lion de Phèdre, lorsque, devenu le roi des animaux, il voulut établir sa réputation de juge équitable :

Quum se ferarum regem fecisset leo,

Et æquitatis vellet famam consequi,

...

Sancta incorrupta jura reddebat fide.

(IV, 13.)

C'est celle aussi que glorifiait Horace en la personne du consul Lollius, qui, disait-il, dans un siècle où l'or attirait tout à lui, savait résister à ses entraînements, et qui lorsqu'il rendait la justice, préférant l'honnête à l'utile, rejetait avec ́ dédain les dons que lui offraient les coupables:

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On a vu plus haut qu'Ovide, parlant des divers emplois de judicature qu'il avait remplis, certifiait que, soit comme triumvir, soit comme membre de la juridiction centumvirale, soit comme judex, il s'était toujours acquitté de sa mission avec honneur et probité :

Nec male commissa est nobis fortuna reorum,

Lisque decem decies inspicienda viris;
Res quoque privatas statui sine crimine judex.

(Trist., II.)

Pour que l'on en vînt à se flatter ainsi d'avoir jugé sans forfaiture, et surtout à faire un mérite à certains magistrats ou juges de ne se point laisser corrompre, il fallait que l'intégrité judiciaire fût peu commune et que les tribunaux fussent assez généralement accessibles à la séduction.

Il y avait cependant des peines sévères contre le magistrat ou le juge qui recevait de l'argent des plaideurs et trafiquait

de la justice. La loi des Douze Tables qualifiait le fait de crime capital, et il intervint, depuis, plusieurs lois qui le réprimèrent par une sanction rigoureuse.

De plus, on exigeait que tout judex, avant de prendre séance pour connaître de l'affaire soumise à sa décision, s'engageât par serment à la juger suivant la loi, ex animi sententia. Ce serment était prêté par lui la main étendue sur un autel qu'on appelait puteal Libonis, parce qu'il avait été construit par un certain Libon sur un puits auquel se rattachaient des traditions religieuses (1).

Mais ni les menaces des lois pénales ni l'autel de Libon ne purent faire que les organes de la justice ne se laissassent pas corrompre. Les juges élus et les magistrats eux-mêmes n'étaient rien moins qu'insensibles aux cadeaux. Ils les recevaient sans vergogne, et s'en montraient reconnaissants par leurs décisions; si bien que Publius Syrus disait, dans l'une de ses sentences, que le coupable ne pouvait perdre son argent plus à propos qu'en le donnant à son juge:

Bene perdit nummos, judici qui dat nocens.

C'est aussi dans ce sens, et en vue de la corruptibilité notoire de nombre de judices selecti, appelés alors nummarii, donivori judices, qu'Ovide écrivait ceci dans l'un de ses poëmes:

Munera, crede mihi, placant hominesque deosque;

Placatur donis Jupiter ipse datis.

(Ars Amat., III.)

Cette remarque d'Ovide donne lieu à une réflexion qui ne sera pas ici hors de propos. « Les présents, disait le poëte, nous rendent favorables les dieux et les hommes. Jupiter luimême se laisse fléchir par des offrandes. »

(1) Horace fait mention de cet autel dans l'une de ses épîtres. Il renvoyait les buveurs d'eau au Forum ou au puteal Libonis, voulant dire qu'ils n'auraient jamais la verve poétique et qu'ils n'étaient propres qu'à devenir ou des avocats ou des juges :

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