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soin de disposer et de déduire les moyens de sa cause dans un ordre méthodique, conformément à ces préceptes de la poésie :

Singula quæque locum teneant, sortita decenter.

(HOR., Ars poet.)

Ordinis hæc virtus erit et Venus, aut ego fallor,
Ut jam nunc dicat jam nunc debentia dici,
Pleraque differat, et præsens in tempus omittat.

(ID., Ibid.)

C'est là le plus sûr préservatif contre les longueurs :

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Telle était, au rapport d'Ovide, la manière d'Ulysse, plaidant sa cause contre Ajax. Il avait à dérouler devant ses juges une longue série de détails compliqués; mais il se flattait de le pouvoir faire brièvement et clairement, en mettant de l'ordre dans son récit :

Plura quidem feci, quam quæ comprendere dictis
In promptu mihi sit: rerum tamen ordine ducar.

(Metam., XIII, 5.)

C'est aussi ce qu'Ovide pratiquait pour son propre compte. Lorsqu'il lui arrivait de s'écarter quelque peu de son propos par une digression nécessaire, il se hâtait d'y revenir afin de n'être point entraîné à rompre l'enchaînement et la coordination de son discours :

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Un dernier mot à dire sur ce sujet est celui-ci : c'est que l'on peut tenir comme ayant la bonne mesure tout discours dans lequel il n'est rien qui soit à retrancher, ou mieux en

MOEURS JURID. ET JUDIC.

T. III.

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core, tout discours qui, si long qu'il soit, paraît trop court à ceux qui l'entendent :

Non sunt longa quibus nihil est quod demere possis.

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Les maîtres de l'art recommandaient tout particulièrement aux orateurs de s'exprimer sans emphase, de parler un langage simple et naturel et de donner à leurs discours une couleur de vérité : « Componat se orator ad imitatio<< nem veritatis, » disait Quintilien.

Térence et Ovide enseignaient le même précepte, en ces termes :

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C'est probablement aussi par application de cette règle que Martial donnait le conseil que voici à un orateur prétentieux, qui visait à tout dire élégamment, même les choses qui n'admettaient que des paroles simples et familières : « Vous voulez toujours, Mathon, vous exprimer en beau langage. Croyez-moi, parlez quelquefois bien, quelquefois ni bien ni mal, et même quelquefois mal: »

Omnia vis belle, Matho, dicere: die aliquando

Et bene; dic neutrum; dic aliquando male.

(X, 46.)

Jamais un orateur ne dit mieux, suivant Quintilien, que lorsqu'il paraît dire vrai : « Tum optime dicit orator quum

<< videtur vera dicere. » Ce n'est là souvent qu'un effet de l'art; mais alors il est grand besoin que l'art soit bien soigneusement dissimulé; car du moment où il se trahit son effet est perdu: « Si qua est ars dicentium, ea prima est ne << appareat.Desinit ars esse si appareat. >>

Ici encore le rhéteur ne faisait que reproduire une pensée d'Ovide, ainsi conçue :

Si latet ars, prodest; affert deprensa pudorem,

Atque adimit merito tempus in omne fidem.

(Ars amat., II.)

La plus sûre pierre de touche de l'éloquence vraie, c'est qu'elle paraisse imitable et ne puisse cependant être imitée : .. Ut sibi quivis

Speret idem, sudet multum frustraque laboret.

(HOR., Ars poet.)

Cicéron avait dit pareillement, avant Horace : « Id est << optimum quod, quum te facile credideris consequi imi<< tatione, non possis. » Quintilien faisait la même remarque. Selon lui, en tout genre d'éloquence, rien n'est plus malaisé à trouver que ce qui semble devoir s'offrir naturellement à la pensée de tout le monde, non parce que c'est bon, mais parce que c'est vrai : « Neque enim, in ėlo<< quentia cuncta, experti difficilius reperient, quam id, <«< quod se dicturos fuisse omnes putant, quia non bona << judicamus, sed vera. »

Mais quelle est la source de cette éloquence vraie ? C'est le cœur : Pectus est quod disertum facit (1).

Tel était, au dire de Lucain, le caractère de l'éloquence de Caton d'Utique. Sa parole était brève, mais émouvante, parce qu'elle venait du cœur, et d'un cœur tout rempli de vrai :

Pauca Catonis

Verba, sed a pleno venientia pectore veri.

(Phars., IX.)

(1) « Ex abundantia cordis os loquitur. » (Saint MatHIEU.) D'où notre proverbe : « De l'abondance du cœur la bouche parle.

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Il suit de là que pour émouvoir les autres il faut que nous soyons émus nous-mêmes : « Summa circa movendos << affectus in hoc posita est, ut moveamur et ipsi. Affi<«< ciamur antequam alios afficere conemur (1). » C'est ainsi que la règle était posée par Quintilien. Les poëtes la formulaient dans des termes parfaitement analogues.

« Si vous voulez me tirer des larmes, avait dit Horace, soyez tout d'abord affecté vous-même : »

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Ovide admettait même qu'il suffisait pour être éloquent d'éprouver de la douleur :

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« Ce n'est point, ajoutait Perse, par le produit d'une élucubration à froid, mais par l'expression d'une douleur vraie, que vous me ferez compatir à vos plaintes : »

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Dans l'opinion des anciens, tout le secret de l'art oratoire était là, en tant du moins que l'orateur se proposait d'exciter de l'émotion.

Mais pour que cet effet pût se produire, on jugeait nécessaire que l'orateur fût pénétré lui-même d'une émotion véritable.

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(1)

Et pour bien exprimer, il faut bien ressentir.

(ROTROU.)

(2) Quintilien donne ainsi la raison de cette éloquence de la douleur :

« Quid aliud est causæ ut lugentis utique in recenti dolor disertissime quædam exclamare videatur... quam quod illis inest vis mentis et veritas << ipsa morum? » (VI, 2.)

Ovide raconte, dans ses Métamorphoses, qu'Ulysse, parlant de la mort d'Achille devant les juges du débat engagé entre Ajax et lui, faisait semblant de pleurer et essuyait ses yeux, comme s'ils versaient des larmes :

Quem quoniam non æqua mihi vobisque negarunt
Fata (manuque simul veluti lacrymantia torsit
Lumina). .

(XIII, 5.) (1)

Cette émotion-là était trop étudiée, trop fausse, pour faire impression sur l'auditoire. C'était de l'affectation; et rien n'est plus odieux, disait Cicéron, que ce pathétique de commande : « Nihil est odiosius affectatione (2). »

On en peut dire autant de celle dont Ovide recommandait à un avocat de faire usage, en le suppliant de plaider sa cause auprès du prince. « Vous ferez bien, lui écrivait-il, de mêler des pleurs et des sanglots à vos paroles; car les larmes ont souvent par elles seules autant de poids que l'éloquence: >>

Nec tua si fletu scindentur verba, nocebit;

Interdum lacrymæ pondera vocis habent.

(Ex Ponto, III, 1.)

Ovide n'aurait sans doute pas donné un semblable conseil à son avocat si son jugement n'eût été quelque peu oblitéré par le malheur de sa position, dont il ne croyait pouvoir se tirer qu'en faisant flèche de tout bois et en recourant à toutes sortes d'expédients.

(1) On sait que les Athéniens proscrivirent cette éloquence qui cherchait à émouvoir la sensibilité des représentants de la justice, et que dans les causes criminelles un appariteur signifiait aux avocats qui devaient prendre la parole, soit pour l'accusation soit pour la défense, d'avoir à s'abstenir de tout exorde et de tous mouvemens oratoires tendant à exciter la miséricorde des juges. Apulée met cet usage en pratique dans ses Métamorphoses, où il fait fonctionner en Grèce une juridiction répressive : « Causæ pa<< tronis denuntiat præco neque principia dicere, neque miserationem com« movere. » (Metam., 10.)

(2) Rien m'empêche plus d'être naturel que l'affectation qu'on met à le paraître. (LABRUYÈRE.)

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