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CHAPITRE IV.

DISTINCTION DES BIENS.

I. Aux textes poétiques qui donnent la définition des choses communes à tous, il convient de joindre le passage suivant du poëme de Prudence Contre Symmaque. L'un des plus éminents commentateurs du droit romain a vu dans ce passage une indication parfaitement juridique de ce que le droit appelait res nullius :

Nunc adsunt homini data munera legibus isdem
Queis concessa semel fons liquitur, amnis inundat,
Velivolum ratibus mare scinditur, influit imber,
Aura volat tenuis, vegetatur mobilis aer;

Et res natura fit publica promtaque cunctis,

Dum servant elementa suum famulantia cursum.

(II.)

II. Les choses appartenant au jus divinum, et placées comme telles en dehors du commerce, étaient 1° les res sacræ, 2o les res religiosæ, 3° les res sanctæ.

On appelait res sacræ les choses qui en vertu d'un acte de l'autorité publique avaient été consacrées aux dieux par la main des pontifes.

De ce nombre étaient les temples; il en est ainsi parlé par Ovide:

Sacra vocant augusta patres, augusta vocantur

Templa sacerdotum rite dicata manu.

(Fast., I.)

La consécration une fois accomplie suivant les rites pontificaux, l'objet dédié aux divinités ne pouvait jamais tomber dans le domaine privé, même alors qu'il était ruiné par le temps ou par toute autre cause.

Les res religiosa s'entendaient particulièrement des tom

MOEURS JURID. ET JUDIC. - T. III.

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beaux, sépulcres, cénotaphes ou sarcophages, et de tous lieux de sépulture que l'on dédiait aux dieux mânes ou aux dieux infernaux, comme l'indique cet extrait de Virgile,

Manesque vocabat

Hectoreum ad tumulum, viridi quem cespite inanem,
Et geminas, causam lacrymis, sacraverat aras.

(Æneid. III.)

Dès l'instant où le sépulcre avait reçu les restes d'un. mort, il devenait res religiosa, ainsi qu'une certaine portion du terrain sur lequel il était établi, et l'aliénation en était interdite. Il y a lieu de croire cependant que cette prohibition religieuse n'était pas toujours respectée; car ceux qui se faisaient élever de leur vivant un monument funèbre avaient grand soin d'y faire inscrire la défense d'une aliénation totale ou partielle, et quelquefois avec une sanction pénale.

Les choses auxquelles on donnait le nom de res sanctæ étaient notamment les murs d'enceinte de la cité et le pomærium, ou espace réservé en dehors ou en dedans de cette enceinte; sur lequel il n'était pas permis de construire et qu'on ne pouvait davantage livrer à la culture.

On n'ignore pas que dans l'antiquité, lorsqu'il s'agissait de fonder un centre de population, le chef de la colonie en traçait ou en faisait tracer l'enceinte avec le soc d'une charrue attelée d'un boeuf et d'une vache,

Urbem designat aratro,

(VIRG.)

et que sur le sillon ainsi tracé s'élevait un mur dans lequel on réservait la place nécessaire pour les portes.

Après son édification, ce mur était inauguré par des cérémonies religieuses, et se trouvait ainsi sanctifié, de même que les boulevards intérieur et extérieur qui en formaient le circuit. On exceptait les portes de cette sanctification, parce qu'elles donnaient passage à des choses impures, telles que les cadavres et les immondices.

III. Le droit romain, comme on sait, admettait dans le domaine privé la distinction des res corporales et des res incorporales.

Cette distinction, que les jurisconsultes avaient empruntée aux philosophes stoïciens, est ainsi précisée par Cicéron : << Definitionum duo sunt genera prima: unum << earum rerum quæ sunt, alterum earum rerum quæ intelli« guntur. Esse ea dico quæ cerni tangive possunt, ut fun« dum, ædes, parietem, stillicidium, mancipium, pecudem, « supellectilem, penus, etc. Non esse rursus indico quæ << tangi demonstrarive non possunt, cerni tamen animo << atque intelligi possunt, ut si usucapionem, si tutelam, si « gentem, si agnationem definias, quarum rerum nullum << subest quasi corpus; est tamen quædam conformatio « insignita et impressa intelligentiæ, quam notionem voco. >> (Top., V, 27.)

La même définition des choses corporelles, par opposition aux choses incorporelles, est donnée par Sénèque et Lactance Numquid est dubium an id quo quid tangi « potest, corpus sit?» (SEN., Epist., 116.) « Solidum et << comprehensibile corpus est, et oculis et manu videtur «<et tangitur.» (LACTANT., Instit. div., VII, 12.) Avant ces auteurs, Lucrèce avait dit sur ce sujet, d'après Épicure :

Tangere enim et tangi, nisi corpus, nulla potest'res.

(Lib. I.)

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C'est, je pense, en se pénétrant de cette théorie métaphysique, transportée de la philosophie dans le droit, que le jurisconsulte Paul posait en thèse que les servitudes actives, qui se rangeaient pour la plupart parmi les choses incorporelles, ne faisaient pas partie des biens quoique n'étant pas en dehors des biens : « Neque ex bonis, neque ex<< tra bona esse; » distinction subtile, que d'autres jurisconsultes, mieux avisés, écartèrent en donnant simplement le nom de jura aux droits réputés incorporels.

IV. Au nombre des textes de poésie que j'ai cités comme

ayant trait à la revendication, par l'injectio manus, d'un droit de propriété, doit encore se classer celui-ci, que j'ai omis de relever et qui appartient à Virgile:

Injecere manum Parcæ, telisque sacrarunt
Evandri.

(Eneid. X.)

Servius, grammairien latin, commentateur de Virgile, fait remarquer avec raison que dans ce passage le poëte a employé le langage du droit.

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Là, dit un jurisconsulte, se trouve l'exacte définition du droit qu'a l'usufruitier de jouir de la chose soumise à l'usufruit dans la proportion de ses besoins.

Le même jurisconsulte montre dans un

autre texte

d'Horace l'indication de l'une des causes d'extinction de l'usufruit. Ce texte est ainsi conçu :

Altis urbibus

Stetere causæ cur perirent

Funditus, imprimeretque muris

Hostile aratrum exercitus insolens.

(Od., I, 36.)

L'usufruit prenait fin par la diminution de tête, ou par la mort civile de l'usufruitier, comme par sa mort naturelle. Or, une cité pouvait être diminuée de tête, de même qu'un particulier. Elle périssait civilement lorsque l'ennemi avait fait passer la charrue sur ses murs, ainsi qu'il arriva pour Carthage, dont le sol labouré fut déclaré exécrable par le sénat romain et inhabitable à toujours. En pareil cas la cité, morte civilement, perdait tous les droits d'usufruit qu'elle possédait.

Telle est l'explication juridique du texte d'Horace que je viens de citer.

VI. Un passage de la troisième satire de Juvénal, que j'ai mentionné en parlant de la fréquence des incendies dans l'ancienne Rome, a donné occasion à l'un des anciens interprètes du droit romain de parler de la servitude altius non tollendi. Il est dit dans ce passage qu'à Rome on avait sans cesse à craindre d'être écrasé par la chute d'une maison :

Tectorum assiduos.

Horrere incendia, lapsus

C'est qu'en effet les maisons étaient élevées à une hauteur considérable et quelquefois pyramidale, et comme elles n'étaient sans doute pas toujours construites suivant les règles de l'art, assez souvent elles s'écroulaient; d'où résultait un véritable danger pour les passants comme pour ceux qui les habitaient.

Mais cette extrême hauteur des édifices destinés à l'habitation avait un autre inconvénient, celui de priver d'air, de lumière et de vue les maisons moins élevées. De là naquit la servitude altius non tollendi, très-fréquemment stipulée dans les transactions. L'autorité elle-même dut intervenir et régler la hauteur que les particuliers pourraient donner à leurs édifices. Auguste, suivant Strabon, la fixa à soixante-dix pieds. Après l'incendie de Rome, Néron, au rapport de Tacite (Annal., XV, 43), prohiba la trop grande élévation des constructions nouvelles. Mais il paraît que ces règlements ne furent pas exactement observés; car Juvénal, dans un autre passage que j'ai cité, parle de fenêtres établies à une hauteur vertigineuse. Aurelius Victor (Epit. vit. Trajani, XIII) rapporte que Trajan défendit à son tour d'élever les maisons au-dessus de soixante pieds. Il paraît que cette mesure fut approuvée par ses successeurs; en effet, on trouve au code (De ædificiis privatis) des dispositions légis, latives qui la confirment.

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