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Voici, du reste, l'endroit du traité De officiis dans lequel la citation est produite : « Illud autem optimum est, in << quo invadi solere ab improbis et invidis me audio :

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<«< Ut enim alios omittam, nobis rempublicam gubernan<< tibus, nonne togæ arma cessere? neque enim in repu«<blica periculum fuit gravius unquam, nec majus otium. « Ita consiliis diligentiaque nostra celeriter de manibus << audacissimorum civium delapsa arma impia ceciderunt. « Quæ res igitur gesta unquam in bello tanta? Qui trium<< phus conferendus? » (I, 77.)

D'après ce commentaire, donné par l'auteur lui-même, le vers que je viens de rappeler me paraît devoir être entendu en ce double sens que d'une part l'autorité civile l'emporte par ses services sur l'autorité militaire, et que d'autre part la gloire acquise par la parole a plus de prix que celle qui s'obtient par les armes.

Remarquons cependant que Cicéron, qui s'appliquait particulièrement ce dicton, ne dédaigna pas la gloire des armes, qu'il la rechercha, qu'il l'obtint même, disent ses biographes, dans une expédition contre les Parthes, durant son gouvernement de Cilicie, et que peu s'en fallut qu'on ne lui décernât les honneurs du triomphe, comme aux plus illustres guerriers.

C'est qu'en effet en ce temps-là ceux qui visaient au gouvernement de la république ne se contentaient pas de briller dans l'ordre civil; ils voulaient être à la fois, ou tout au moins successivement, orateurs, jurisconsultes, magistrats et guerriers.

Il se rencontra chez les Romains des hommes qui surent remplir avec une égale aptitude ces professions si diverses; entre autres Caton l'ancien, dont il est dit par Tite-Live : << Huic versatile ingenium sic pariter ad omnia fuit, ut natum « ad id unum diceres quodcunque ageret. In bello manu << fortis multisque insignibus clarus pugnis; idem, postquam « ad magnos honores pervenit, summus imperator; idem in « pace, si jus consideres, peritissimus; si causa oranda esset,

«< eloquentissimus. Nec is tantum cujus lingua vivo eo vi« guerit, monumentum eloquentiæ nullum exstet; vivit immo « vigetque eloquentia ejus, sacrata scriptis omnis generis. << Orationes et pro se multæ, et pro aliis et in alios; nam << non solum accusando, sed etiam causam dicendo fatigavit << inimicos.» (XXXIX, 40.)

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Cette aptitude en quelque sorte universelle était l'ambition des citoyens qui se croyaient appelés à gouverner l'État. César la possédait. Il fut l'un des plus éminents orateurs du Forum, juriste, habile administrateur et grand capitaine; mais son génie militaire l'emporta de beaucoup sur ses qualités civiles.

Chez Cicéron, au contraire, c'étaient les qualités civiles, et principalement l'éloquence, qui dominaient. Il ne fut homme de guerre que par occasion, et très-probablement sans vocation aucune, car la bravoure, dit-on, n'était pas son fait; et bien que ses légions, après sa victoire sur les Parthes, l'eussent salué du titre d'imperator, il ne paraît pas qu'il s'en soit souvent glorifié.

Voilà pourquoi, je pense, en vue de s'élever au-dessus de César et de Pompée, ses compétiteurs, il proclamait par le vers que l'on connaît la prééminence de la toge sur les armes, et du mérite civil sur le mérite militaire. Mais sa prétention avait peut-être peu d'à-propos dans les circonstances de guerre civile au milieu desquelles elle se produisait.

Quoi qu'il en soit, le dicton n'a pas été perdu pour la postérité. Les gens de robe des temps modernes l'ont recueilli et en ont fait une sorte de règle, en vertu de laquelle on exige aujourd'hui encore que les militaires déposent leurs armes lorsqu'ils ont à comparaître en justice en qualité de témoins. Mais je doute fort que le mot cedant arma togæ ait jamais été entendu à Rome comme nous l'entendons aujourd'hui.

II. Je trouve dans Tite-Live l'indication précise du motif qui détermina l'adoption de la loi Cincia, portant prohibition à Rome des honoraires de plaidoirie. « Pourquoi, dit un

personnage que fait parler l'historien, pourquoi a-t-on établi la loi Cincia, si ce n'est parce que les patriciens avaient commencé à prélever sous forme de présents et de rémunération un véritable impôt sur les plébiens?» « Quid legem « Cinciam excitavit de donis et muneribus, nisi quia vec<«<tigalis jam et stipendiaria plebs esse senatui cœperat? >> (XXXIV, 4.)

Ainsi ce furent les sénateurs eux-mêmes qui introduisirent l'usage des honoraires, au moyen duquel le peuple devenait leur tributaire.

Le lecteur voudra bien rattacher cette note à ce que j'ai dit, dans la cinquième partie, de la loi Cincia, appelée par Plaute lex muneralis.

III. A Rome, les parties étaient généralement dans l'usage d'employer pour le soutien de leur cause le ministère d'un avocat. Lorsqu'elles n'en avaient pas, le magistrat leur en donnait un d'office, ce qui, paraît-il, ne se pratiquait pas en Grèce, car on lit dans Tite-Live que Démétrius, accusé par Persée son frère, se plaignait de n'avoir pas de défenseur et d'en être réduit à plaider lui-même sa propre cause devant Philippe, roi de Macédoine : « Sine « advocatis, sine patronis, ipse pro me dicere cogor. » (XL, 16.)

Les plaideurs cependant n'étaient pas obligés devant les tribunaux romains de se faire patroner par un orator causarum; ils pouvaient se défendre eux-mêmes, quand ils se croyaient en état de le faire. Apulée fut son propre avocat dans le procès criminel intenté contre lui pour cause de magie. Il est vrai qu'il était du métier et qu'il avait toute aptitude pour présenter ses moyens de défense; mais on a vu qu'on admettait parfois des femmes à plaider pour leur propre compte.

IV. Il paraît certain que jusqu'au temps des empereurs chrétiens la profession d'avocat fut accessible, sans con

dition aucune d'admissibilité, à quiconque voulait l'exercer. A cette dernière époque, on jugea nécessaire de restreindre la liberté de son exercice.

Le nombre des avocats fut limité dans chaque siége supérieur de justice. Pour être autorisé à plaider en qualité de patron, il fallait être inscrit sur un tableau matricule, dont la formation appartenait au magistrat, qui statuait sur les demandes d'admission. Les candidats devaient justifier de certaines conditions d'aptitude et notamment de celle du stage ou surnumérariat. Une fois inscrits, ils étaient soumis au pouvoir disciplinaire du chef du tribunal auquel ils étaient attachés; celui-ci pouvait les suspendre et même les révoquer.

Les avocats n'étaient donc véritablement sous ce nouveau régime que des officiers ministériels. Ils étaient d'ailleurs astreints à un serment professionnel, dont j'ai rapporté la formule.

Il est à croire que le barreau réclama contre quelquesunes de ces règles, et notamment contre celle qui interdisait aux avocats inscrits sur le tableau d'un siége de justice de plaider devant un autre siége. Nous voyons en effet que Constantin supprima cette interdiction, de même que la limitation du nombre des inscriptions au tableau (L. 1, THEOD., De postul.). Mais plus tard elles furent rétablies; seulement, on a tout lieu de supposer que l'immatricule n'était plus une condition rigoureusement exigée pour être admis à plaider devant un tribunal.

V. A cette époque de décadence du barreau, les avocats n'étaient plus guère que tolérés. Il paraît même que les magistrats ne les supportaient qu'avec impatience; car il était recommandé aux proconsuls, sous le règne d'Alexandre Sévère, par le jurisconsulte Ulpien, de les traiter avec quelques ménagements: « Circa, advocatos patientem esse pro<< consulem oportet. » (ULPIAN., L. 9, § 2, ff., De officio proconsul.) Cette recommandation donne à penser qu'on n'avait pas toujours pour eux les égards qui étaient dus

à leur profession, et qu'ils ne savaient plus se faire respecter.

VI. J'ai cité plusieurs grands orateurs du Forum qui cultivaient les Muses en même temps que l'éloquence.

Jules César était du nombre de ces avocats poëtes.

En vue d'attirer sur lui l'attention publique et de s'ouvrir le chemin au pouvoir, il commença, comme tant d'autres, par exercer la profession d'avocat, tantôt en accusant de hauts personnages, tantôt en prenant la défense de particuliers dans des causes qui se rattachaient à la politique. Lui aussi, lorsqu'il se livrait à ces exercices oratoires, faisait des vers et les publiait.

Suivant Tacite, qui s'en explique dans le dialogue De oratore, ces vers ne valaient pas mieux que ceux de Cicéron. Suétone nous en a conservé quelques-uns, qui contiennent une critique assez sévère des comédies de Térence. Ils sont reproduits dans une très-remarquable publication que chacun connaît, et à laquelle j'emprunte ce détail de l'histoire de Jules César.

Pourquoi les plus célèbres avocats de Rome s'essayaientils à parler le langage harmonieux de la poésie? Etait-ce simplement par manière de passe-temps et de délassement littéraire? Non; puisqu'ils livraient leurs vers à la publicité, montrant ainsi qu'ils voulaient faire preuve de facultés poétiques. La raison en est, je crois, que les avocats tenaient à paraître experts en poésie, tout comme les poëtes à paraître experts en Droit. C'était d'ailleurs, pour quelques-uns d'entre eux, un moyen de plus de se poser en hommes parfaitement lettrés, de se mettre en évidence, et de se recommander, à l'occasion, aux suffrages électoraux du public romain, qui ne goûtait pas moins le talent poétique que le talent oratoire. Mais si les poëtes étaient en général bons juristes, il paraît certain que ceux des juristes de profession ou des oratores causarum qui voulurent cueillir quelques lauriers de la couronne du Parnasse ne furent pour la plupart que de très-médiocres poëtes.

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