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actes criminels qui lui étaient déférés, se montrant indulgent pour les fautes auxquelles l'erreur avait plus de part que la volonté, condamnant les coupables, mais justifiant et faisant éclater l'innocence de ceux qui lui paraissaient injustement persécutés, et enfin, sachant toujours proportionner exactement la gravité de la peine à celle de l'acte punissable :

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On peut rapprocher de cette peinture du juge criminel non moins modéré que ferme les quelques lignes suivantes de Tacite, qui font ressortir de pareilles qualités judiciaires : << Omnia scire, non omnia exsequi; parvis peccatis veniam, magnis severitatem commodare; nec poena semper, sed sæpius pœnitentia contentus esse. » (Agricola, IX.)

Claudien disait encore, et c'est par là que je termine la série de mes citations sur ce sujet, que « celui-là approche le plus près des dieux qui, rendant la justice aux hommes, n'a pour guide que la froide raison, et peut se garantir, dans l'exercice de son ministère de répression, de toute inspiration de la colère : >>

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Quem ratio non ira movet; qui, facta rependens,
Consilio punire potest

(De Mallii Theod. consul.)

Il y a lieu de croire que la poésie n'élevait ainsi à la hauteur de la divinité le juge criminel qui ne se passionnait pas que parce que dans ce temps-là il s'en voyait fort peu qui s'acquittassent de leur fonction avec une modération parfaite.

Quelle est la conclusion générale qui se dégage de l'en

semble des documents recueillis dans cette quatrième partie? C'est que dans un temps où les publicistes, et je crois pouvoir qualifier ainsi la plupart des poëtes que j'ai cités, donnaient aux juges tant de leçons d'intégrité, d'impartialité, de désintéressement, de conduite exemplaire, et se croyaient obligés de leur rappeler les règles les plus élémentaires de la bonne administration de la justice, ces juges ne devaient que bien rarement faire preuve de toutes les vertus et de toutes les qualités qui sont de l'essence du sacerdoce judiciaire.

Quelques-uns sans doute remplissaient honorablement leur mandat. Les poëtes eux-mêmes le constatent par les éloges qu'ils décernaient à ceux qui leur paraissaient dignes de toute la confiance des justiciables. Mais le nombre de ces juges modèles ne formait qu'une imperceptible minorité. En général, le personnel de la judicature romaine était mauvais. Pourquoi? Je l'ai dit déjà, et je le répète en concluant : parce qu'il était le plus souvent recruté parmi de jeunes hommes dépourvus de science et d'expérience, quelquefois même corrompus et débauchés, et parce que cette magistrature de passage, exercée plus ou moins fréquemment par des citoyens que leur fortune et leur position sociale désignaient au choix du préteur beaucoup plus que leur aptitude et leur moralité, était impuissante à créer et perpétuer parmi ceux qui la pratiquaient ces traditions d'honneur et ce commun respect du devoir qui sont le propre des corps judiciaires constitués en permanence.

Il y avait un vice profond dans le système organique des tribunaux de l'ancienne Rome; et c'est, je crois, à ce vice fondamental de l'institution que sont principalement imputables les désordres et les abus qui se produisaient dans la justice distributive.

Quoi qu'il en soit, on doit reconnaître que les poëtes surveillaient de près l'administration de cette justice, qu'ils voyaient clairement par où elle péchait, et qu'en signalant le mal ils s'efforçaient d'y porter remède par des enseignements et des préceptes d'une incontestable droiture.

CINQUIÈME PARTIE.

DU BARREAU ROMAIN.

SECTION PREMIÈRE.

PROFESSIONS DE JURISCONSULTE ET D'AVOCAT.

REMARQUES SUR L'ÉLOQUENCE JUDICIAIRE, SUR LES USAGES ET SUR LES MOEURS DU BARREAU ROMAIN.

S'occupant, comme on vient de le voir, de droit, de procès et de judicature, les poëtes latins devaient être naturellement amenés à s'occuper aussi des jurisconsultes et des avocats.

J'ai dit en commençant qu'ils n'avaient pas négligé ce côté important du domaine judiciaire.

Le moment est venu d'exposer les observations dont il a été l'objet de leur part. Ces observations sont nombreuses; et ce que je vais en rapporter donnera la preuve que ces poëtes ne connaissaient pas moins le Forum que le surplus des institutions qui se rattachaient à l'administration de la justice.

Notons tout d'abord celles de leurs remarques qui s'appliquent aux jurisconsultes proprement dits, spécialement désignés sous l'appellation de prudentes.

CHAPITRE PREMIER.

-

JURISCONSULTES Ou prudents. — advocati. cognitores. — procuratores.

« Pendant longtemps, dit Horace, il fut de coutume à Rome d'ouvrir sa maison dès le point du jour pour y recevoir les clients et pour leur donner des consultations de droit : » Romæ dulce diu fuit et solemne, reclusa

Mane domo, vigilare, clienti promere jura.
(Epist., II, 1.)

Ce passage me semble se référer à l'époque où c'étaient les patriciens eux-mêmes qui se faisaient jurisconsultes et mettaient leurs lumières et leurs conseils à la disposition de tout venant, afin de se procurer une nombreuse clientèle et d'augmenter leur crédit par la réciprocité de services que le patron était en droit d'attendre de ses clients.

L'usage de ces consultations remontait vraisemblablement à la fondation de la société romaine, alors qu'il n'existait d'autre corps de droit que le pontificium jus, dont quelques patriciens, et particulièrement les pontifes, possédaient seuls le secret, et sur lequel, seuls aussi, ils pouvaient donner des réponses. Mais ce fut principalement à partir de la législation des Douze Tables qu'il prit son développement et devint une profession. En effet, les dispositions très-laconiques, souvent même énigmatiques, de ce code décemviral étaient peu intelligibles pour le vulgaire. Elles avaient grand besoin d'être expliquées et commentées : « Legibus latis decemvi<< ralibus, cœpit, ut naturaliter evenire solet, ut interpretatio << desideraret prudentium auctoritate necessariam esse disputationem fori. » (Pomponius, De Orig. jur.)

De là l'origine de la jurisprudence, appelée par les Romains, « divinarum atque humanarum rerum notitia ». De là aussi celle de la profession d'interprète du droit, ou de prudent, profession ainsi définie par Ennius,

Multarum veterum legum divumque hominumque

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Jaloux de se réserver ce puissant moyen d'influence, les patriciens ne crurent pas déroger en se chargeant d'interpréter la législation nouvelle, et, comme le fait remarquer Horace, ils se plaisaient, dulce fuit, à tenir bureau ouvert de consultation, prenant sur leur sommeil pour satisfaire l'impatience de leur matineuse clientèle.

Longtemps ils tinrent seuls la clef des Douze Tables, comme ils avaient tenu celle du jus pontificium. Afin de mieux s'en assurer la possession exclusive, ils avaient pris eux-mêmes le soin de formuler, d'après les dispositions de ces Douze Tables, les actiones legis et les actus legitimi, à quoi ils ajoutèrent les fasti pontificii, toutes choses que nul autre qu'eux ne pouvait interpréter.

Mais il arriva un jour, en l'an 449 de Rome, qu'un livre dans lequel Appius Clodius Cæcus avait recueilli ces éléments du droit, fut dérobé à ce patricien par son secrétaire, Cn. Flavius, qui le répandit dans le public. Grande fut la joie du peuple. Il en témoigna sa reconnaissance à Flavius, en le nommant édile, d'autres disent préteur, et le livre ainsi publié fut appelé jus Flavianum, du nom de son éditeur (1).

Ne se tenant pas pour battus, les patriciens imaginèrent, pour échapper aux effets de cette malencontreuse publication, d'inventer de nouvelles formules; et de peur qu'elles ne fussent encore livrées à la connaissance du public, ils les écrivirent en caractères hiérogliphiques, indéchiffrables pour les profanes. Il paraît que cet expédient leur réussit pendant un certain laps de temps; mais, en l'an 543, le nouveau recueil fut divulgué par Sex. Ælius Catus, qui possédait le se

(1) Tite-Live rapporte autrement ce trait d'histoire. Selon lui, Cn. Flavius, fils d'un affranchi et scribe de profession, était parvenu à se faire élire en qualité d'édile curule par une faction électorale, qu'on appelait alors forensis factio. Les patriciens s'en indignèrent, et n'épargnèrent pas leurs dédains au nouvel élu. Ce fut pour s'en venger que celui-ci publia les formules, dont il avait pu se procurer une copie : « Contumacia adversus contemnentes hu« militatem suam nobiles certavit : civile jus, repositum in penetralibus pontificum, evulgavit, fastosque circa forum in albo proposuit, ut quando lege agi posset sciretur. » (IX, 46.)

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